Guido Mannari: le préfet de la séduction
S'il a tourné pour de grands noms du cinéma italien tels que Mauro Bolognini, Giuseppe Patroni Griffi, Pier Paolo Pasolini ou encore Jacques Deray et joué aux cotés de noms tout aussi prestigieux tels que Liz Taylor qu'il séduisit c'est avant tout pour son rôle du cruel et fourbe préfet de l'empereur Caligula dans le film éponyme de Tinto Brass qu'on se souvient aujourd'hui de son nom et de son visage. Longtemps réduit à ses débuts aux personnages de support et autres simples figuration ce solide acteur vit sa carrière prendre son envol au milieu des années 70, une carrière qui prit fin de manière tragique. Retraçons aujourd'hui le parcours du très masculin Guido Mannari.
Guido Mannari est né le 13 décembre 1944 à Castiglioncello, un petit bourg de 4000 habitants situé dans la province de Rosignano Marittimo en Toscane. Très jeune il est attiré par le sport plus particulièrement le football. Il n'est donc pas surprenant qu'il débute une carrière de footballeur en jouant au club de l'Union Sportive de Pontedera dans les années 60. Son entrée dans le monde du cinéma est un peu un hasard lorsque Mauro Bolognini le repère pour son film L'assoluto naturale dans lequel il tient un simple et très bref rôle de figuration, celui d'un des deux mécaniciens en bleu qui se trouvent dans le complexe où s'arrêtent Silva Koscina et Laurence Harvey. A 25 ans la figuration va d'ailleurs devenir une
une habitude pour Guido qui multiplie les petites apparitions dès l'année suivante dans des genres très divers. Dans la comédie populaire Mazzabubu... quante corna stanno quaggiu de Mariano Laurenti on l'aperçoit dans un stade entrain d'embrasser une jeune femme. En 1971, une année prolifique pour l'acteur-footballeur puisqu'il ne tourne pas moins de cinq films, il est crédité au générique du Décameron de Pier Paolo Pasolini dans un simple rôle de support puis on peut le voir dans l'étrange et rarissime rape and revenge Madness - gli occhi della luna de Cesare Rau. Il enchaine avec un western-spaghetti, le fameux Blindman de Ferdinando Baldi, dans lequel il tient le rôle d'un officier mexicain.
Toujours cette même année il décroche un rôle un peu plus important cette fois dans le film de Jacques Deray Un peu de soleil dans l'eau froide avec Marc Porel, Gérard Depardieu et Claudine Auger.
En 1972 la carrière de Guido débute réellement puisqu'il tient pour la première fois le rôle principal masculin dans un film. Il s'agit de la comédie dramatique de Mario Amendola Storia de fratelli e de cortelli. Il y joue Gigi, un jeune prolétaire romain au début du 20ème siècle qui s'amourache d'une riche bourgeoise interprétée par Tina Aumont pour qui il va commencer à voler afin de satisfaire ses désirs. Si parallèlement à sa profession d'acteur
Guido continue à jouer au football et pratiquer le sport le jeune acteur va continuer d'enchainer les films dont il est un des personnages principaux si ce n'est le principal. Ainsi le voit-on aux cotés de Jack Palance dans le western parodique Blu gang e vissero per sempre felici e ammazzati de Luigi Bazzoni. Il y est le séduisant Blue kane, un des trois membres du gang de Jack Palance. Il joue ensuite aux cotés de Liz Taylor dans le très bizarre Identikit / The driver's seat de Giuseppe Patroni Griffi. Il y interprète Carlo, un des hommes que Liz rencontre afin qu'il la tue. Imperturbable face à la star américaine Guido joue notamment une étonnante scène de viol, nu sous sa combinaison de mécano, lors de
laquelle il force Liz à lui faire une fellation. Après une parenthèse télévisée, il est le Duc Bireno dans la célèbre série historique Orlando furioso, Guido est Cariboo l'ennemi juré de Fabio Testi dans Giubbe rosso / Bill Cormack le fédéré à qui il vole haut la main la vedette à son partenaire, étrangement effacé. Implacable Guido y dévoile enfin tous ses talents de comédien. C'est aussi sur le tournage de ce film que naitra une solide amitié entre Guido et son réalisateur Joe D'Amato. L'année suivante il retrouve Jack Palance dans Squadra antiscippo / Flics en jean de Bruno Corbucci dans lequel il endosse avec brio la peau du truand Achille Pettinari dit Baronetti. Il y est confronté à Tomas Milian avec qui il devra au final
collaborer pour sauver sa peau. En 1977 Tinto Brass fait appel à ses services en lui offrant le rôle qui lui apportera la renommée, le personnage pour lequel beaucoup se souviennent encore de lui aujourd'hui, celui de l'austère Macro, le préfet de Caligula, dans sa fastueuse version de Caligula. Il lui réserve une mort que personne à ce jour n'a oublié, décapité à même le sol par une machine trancheuse, une extraordinaire exécution illustrée par cette terrible phrase de l'empereur fou: "J'aurais aimé que Rome n'ait qu'une tête afin de la lui couper". Par la suite Guido se fera plus discret à l'écran. On le voit encore en 1979 dans un épisode de la série Le retour du saint. Doté de pouvoirs psychiques, il est le médium du titre
dans un tout petit film d'horreur aujourd'hui totalement oublié Il medium de Silvio Amadio avec Sherry Buchanan et Philippe Leroy. Il endosse le rôle de l'inspecteur dans Eden no sono, une dramatique flirtant avec la teensploitation. En 1983 en directeur d'un club nautique on le retrouve dans la soporifique comédie maritime adolescente Windsurf - il vento nelle mani dans laquelle il donne la réplique à Pierre Cosso, l'ex-petit ami de Sophie Marceau dans la Boum 2, Nicoletta Elmi et de nouveau Philippe Leroy. Guido tourne son ultime film en 1985, La donna delle meraviglie, de Alberto Bevilacqua avec Claudia Cardinale et Ben Gazzara.
L'acteur met un terme à sa carrière de comédien à l'aube de la quarantaine après quinze années de bons et loyaux services pour se consacrer définitivement au sport, une discipline
qu'il n'a jamais quitté. Malheureusement le destin lui réserve un bien triste sort. Alors qu'il pratiquait des exercices de gymnastique dans son appartement aux Spaniate de Castiglioncello Guido est victime d'un infarctus. Il meurt donc à l'âge de 43 ans seulement non pas de complications dues au Sida comme on a pu le lire parfois mais d'une crise cardiaque comme le confirment les archives nécrologiques de son petit bourg natal dont il était devenu la star.