Fils martyr ou fils modèle: Marco Liofredi contre Ronni Valente
L'un aura marqué les annales du cinéma Bis italien pour avoir été le fils de Frankenstein dans une de ses adaptations les plus gore et surtout délirantes. L'autre aura surtout marqué l'esprit des rares personnes qui à l'époque eurent le privilège de pouvoir visionner les deux films dans lesquels il tint le rôle principal. Si tout deux étaient bruns aux yeux bleus les personnages qu'ils tinrent à l'écran étaient eux diamétralement opposés. L'un incarna le fils martyr par excellence, l'autre le fils modèle, le fils rêvé. Tout deux traversèrent telles des comètes l'horizon du cinéma de genre mais ils y ont définitivement laissé leur empreinte non seulement pour leur talent mais pour le premier son charme naturel, son époustouflante splendeur pour le second qui aujourd'hui encore doit en étourdir plus d'un. A l'opposé à l'écran c'est ensemble qu'ils sont entrés au panthéon des lolitos italiens.
Un demi dieu contre un véritable dieu voici résumé le parcours du petit Marco Liofredi et du divin Ronni Valente.
Marco Liofredi est né le 16 septembre 1962 à Rome. Son entrée dans le monde du 7ème art Marco la doit à un simple hasard, le fait que ses parents n'habitent pas très loin de Cinecitta. Cette aubaine lui doit d'être remarqué par Antonio Margheriti lors du casting de Chair pour Frankenstein qu'il s'apprête à coréaliser avec Paul Morrissey. Antonio recherche un petit garçon qui incarnera Erik le fils du célèbre baron joué par Udo Kier. Son choix se porte sur Marco alors âgé de 11 ans qui ainsi entre par la grande porte au panthéon des enfants-stars d'un jour du cinéma de genre italien aux cotés ici de Nicoletta Elmi, l'éternelle et ambigüe
petite peste du Bis qui avait déjà à son actif quelques films derrière elle. Même si tout deux n'y ont qu'un rôle de second plan impossible de ne pas saluer leur brève prestation d'autant plus qu'ils portent sur leurs épaules le final du film. La courte carrière de Marco est ainsi lancée. L'année suivante, en 1974, il se retrouve à l'affiche de pas moins de trois films. Il tourne pour Bruno Gaburro I figli di nessuno, le remake du film éponyme réalisé en 1951 par Raffaello Mattarazzo. Il y interprète le fils illégitime de Sara Sperati et Chris Avram. Dans ce mélodrame en costumes proche du lacrima movie on retiendra surtout la scène de sa mort. Grièvement blessé suite à une explosion où elle tentait de sauver sa petite soeur, Marco
agonisant découvre qu'il n'est pas un enfant du peuple mais le fils du comte Vannini. Le film est un échec et disparaitra très vite de la circulation, sombrant dans l'oubli. Un point commun va dés lors lier les films dans lesquels Marco va jouer. D'une part ce seront pour la plupart des échecs, de petits films d'exploitation aujourd'hui disparus, d'autre part Marco y interprétera des rôles tragiques d'enfants blessés, maltraités ou tués. Après avoir été un enfant-martyr obligé de travailler dans les mines de marbre pour Bruno Gaburro on le retrouve ainsi à l'affiche de Catene un lacrima movie de Silvio Amadio, le tout premier véritable rôle de Maurizio Merli alors dépourvu de moustaches. L'enfant-star est le petit
Ricuccio, le fils de Rosemary Dexter et de Merli, un rôle où il verse encore une fois beaucoup de larmes, tremble pour sa mère et se fait même gifler en public par Merli. Marco termine l'année 1974 en apparaissant au générique d'un drame érotique néofasciste signé Sergio Bazzini, Donna è bello / L'orgasme dans le placard avec pour partenaires Andrea Ferreol, Joe Dallesandro et Marina Masé. Il est le fils du comte qui apprend à un trisomique obsédé par les pénis la différence entre une fille et un garçon. Marco tourne son dernier film en 1975 sous la direction de Fernando Di Leo, Colère noire / La citta sconvolta: caccia spietatta ai rapitori. Il est cette fois le fils de Luc Merenda et ne déroge pas à la règle. Il est ici kidnappé puis finalement tué par ses ravisseurs.
L'adolescent alors âgé de 14 ans met ensuite un terme à sa brève carrière d'acteur qui fut pour lui un très agréable passe-temps dont il garde aujourd'hui encore une certaine nostalgie. "C'était le bon temps" commente t-il.
Qu'est donc devenu Marco? Il a définitivement tourné le dos au show-bizz pour poursuivre ses études et vivre de ses passions. Marco vit toujours à Rome même s'il voyage beaucoup. Passionné d'équitation, de pêche sous marine et de motos (en ce sens il garde un bon souvenir de Colère noire), grand amoureux des chiens et de bonne cuisine, Marco gère désormais des chambres d'hôtes, heureux et épanoui, toujours aussi bel homme à bientôt 68 ans, classieux, avec ses faux airs à la George Clooney.
C'est bien plus âgé que Ronni Valente parfois crédité Ronnie Valente débuta sa carrière de comédien qui fut bien plus brève que celle de Marco. Trois rôles à l'écran en l'espace de quelques quatre petites années seulement mais quels rôles! Ce jeune italien a dix neuf ans lorsqu'en 1979 Stefano Rola, metteur en scène méconnu spécialisé dans le documentaire tragiquement décédé en 2002, propose à ce grand adolescent d'incarner le personnage principal de son premier film Bugie bianche retitré pour sa tardive sortie en Italie Professione figlio. Il y est , un adolescent de 17 ans, un virtuose de la flûte, qui a pour habitude de se faire
passer pour le fils d'une famille qu'il a soigneusement choisi avant de disparaitre quelques mois plus tard pour se faire adopter par une autre. Il est cette fois le fils de Max Von Sydow et Virna Lisi, un couple qui souffre de ne jamais avoir pu d'enfant. Fable vénitienne moderne inspirée par Le joueur de flûte Professione figlio est un film original plein de sensibilité dont au départ on n'attendait rien de spécial mais qui très vite séduit, enchante, envoute, remplit de bonheur. On ne saura rien de ce garçon qu'interprète Ronni, ni qui il est ni qui il vient. Il est simplement un fils modèle tombé du ciel pour ces famille, un adolescent débordant d'amour qui ne veut que le bien des familles qu'il choisit. Et en guise de fils modèle on ne pouvait pas
mieux rêver que Ronni. Sans être un comédien exceptionnel son aisance, sa justesse de jeu face à ces monstres sacrés du cinéma que sont Virna Lisi et Max Von Sydow est remarquable. Bien difficile surtout de ne pas succomber au charme, à la beauté angélique de Ronni parfaite incarnation du garçon idéal, une beauté que Rola sait mettre en valeur en multipliant les gros plans sur son visage quasi parfait, ses yeux azur, son regard limpide, ensorcelant. Comment ne pas vouloir adopter ce si séduisant adolescent que Rola dévoile en slip blanc lors d'une trop brève scène de douche, un avant gout de ce corps que Ronni dévoilera enfin intégralement l'année suivante dans Eden no sono / Il giardino dell'Eden du
japonais Yasuro Masumura. Il est en effet Michele, un adolescent des banlieues pauvres de Rome qui pour survivre vit de menus larcins. Lorsqu'il tombe amoureux de Alessandra, une jeune bourgeoise étudiante aux beaux arts à qui il a dérobé le porte-feuille, sa vie va changer. Tous deux fuguent pour échapper à leur vie respective et se réfugient sur une plage isolée où ils vont vivre tels de nouveaux Adam et Eve leur impossible amour. Inspiré du Lagon bleu mâtiné d'un nuage de La maladolescenza cette version moderne de Roméo et Juliette se voulait une peinture acide de la lutte des classes, un drame anti-bourgeois cinglant mais n'est finalement qu'un simple teensploitation, une bluette sulfureuse version roman-photo
qui mise beaucoup sur la nudité intégrale de ces jeunes interprètes, la toujours splendide Eleonora Fani, la femme-enfant du cinéma de genre italien, et Ronni toujours aussi ravissant et séducteur. C'est émerveillé, les yeux remplis d'étoiles et désir qu'on pourra enfin admirer Ronni dans le plus simple appareil, étalant sans pudeur sa nudité de jeune vingtenaire le long de cette plage ensoleillée, seul ou entre les bras de Eleonora à qui il fait l'amour sur le sable chaud. Malheureusement l'objet de tous les désirs qu'on devine bien gourmand emprisonné dans son petit slip bleu est constamment masqué par un élément du décor. Petite frustration qui n'empêchera personne de fantasmer en imaginant que si Adam avait eu
les traits et le corps de Ronni nous aurions tous voulu être son Yves. Trop aseptisée, trop improbable, trop hésitante, on ne gardera donc en tête de cette jolie aventure ensoleillée et maritime, fraiche et sensuelle, jamais vulgaire ou trop osée, que l'image de ces deux jeunes corps nus s'aimant dans ce petit coin de paradis terrestre.
Si Professione figlio ne connut qu'une distribution aussi furtive que tardive avant de disparaitre Eden no sono de son coté ne fut jamais distribué et resta inédit en Italie. Malchanceux Ronni ne tira donc aucune gloire de ces deux films, ne parvint pas à se faire une place au soleil et tomba vite dans l'oubli. C'est au Japon bien ironiquement qu'il put jouir
d'une courte période de gloire à la sortie de Eden no sono. Le bel acteur fit en effet la une des journaux et devint un temps l'idole des jeunes nippones qui s'arrachaient ses posters. Il est intéressant de savoir que Ronni jouait dans ce film aux cotés de son frère cadet Sergio Valente dont ce fut l'unique prestation à l'écran.
Après ces deux échecs il faudra attendre trois ans pour que Ronni réapparaisse. On le retrouve en 1984 en Australie cette fois le temps d'un court rôle, celui d'un voyou d'origine italienne nommé Luigi, dans le troisième épisode de la première saison de la série australienne Special squad intitulé Code of violence. Réputée pour sa violence et ses
scènes d'action cette réponse australienne aux Professionnels, de Mission impossible pour d'autres, mettait en scène une section d'élite de la police de Victoria qui devait résoudre des affaires trop sensibles pour les divisions régulières. Dans l'épisode où apparait Ronni c'est un gang mafieux que doivent infiltrer les agents Anderson, Davis et Smith afin d'y briser la loi du silence. Ce sera l'ultime prestation du si ravissant Ronni qui mettra un terme définitif à sa courte carrière de comédien après cette apparition. On a depuis perdu toute trace du jeune acteur qui semble avoir totalement disparu. Gageons qu'il a su donner à sa vie loin des caméras un nouveau et productif tournant.
Si la chance n'a pas joué en sa faveur Ronni Valente n'en a pas moins gagné ses galons de jeune lolito du cinéma transalpin et c'est par la grande porte qu'il entre au musée des splendeurs latines, une place amplement méritée non seulement pour ce physique de jeune premier, mais également pour son évident talent qu'il aurait surement prouvé encore bien des fois si le sort en avait décidé autrement. Ronni restera à nos yeux un des plus ravissants divos italiens, un splendide Eros qui a su nous toucher en plein coeur et faire fantasmer à travers deux films aujourd'hui bien oubliés.