Le père, le fils et le saint enfer: Jerry Ross, Claudio Aliotti, Ezio Miani
S'ils traversèrent à la vitesse d'une étoile filante le ciel du cinéma de genre transalpin, ils n'en furent pas moins des stars en Italie mais dans un autre domaine que le 7ème art, celui du roman-photo, un média alors très en vogue dans lequel ils excellèrent. Si leur visage n'imprégna pas la toile, s'ils restent énigmatiques pour la plupart des amateurs de pellicules Bis plus ou moins obscures, il illumina par contre les pages des magazines que feuilletèrent alors de nombreuses admiratrices... et admirateurs... qui en secret se perdaient en mille rêves plus immoraux les uns que les autres.
Pour ce nouveau numéro de ces Visages d'un jour visages de toujours le Maniaco a décidé de soulever un coin de vie de trois Dieux, trois jeunes Apollon que, chers lecteurs, avez forcément croisé au fil de vos projections pelliculaires et sur lesquels vous pourrez désormais mettre un nom, ceux de Jerry Ross, Claudio Aliotti et Ezio Miani.
Aussi étrange que cela puisse sembler Claudio Aliotti est né le 13 aout 1958 à St-Julien en Genevois en Haute Savoie mais c'est cependant à Rome qu'il a passé la majorité de sa vie. Issu d'une famille bourgeoise, Claudio dont la mère est danseuse à l'opéra de Rome est un élève studieux. Après avoir brillamment obtenu l'équivalent de notre bac scientifique, le futur jeune acteur rentre à l'université pour y faire des études de biologie. Parallèlement à ses cours Claudio, conscient de son physique avantageux, commence à faire des photos en tant que modèle qu'il envoie à différents magazines de mode, une passion qui va bouleverser
sa vie. Il est en effet assez vite vite repéré par la Lancio, une des plus grosses maisons d'édition italiennes de roman-photo. Nous sommes en 1977, Claudio n'a que 19 ans et tourne son premier roman, une aventure du fameux Jacques Douglas, personnage emblématique de la Lancio. En quelques mois seulement il devient la nouvelle coqueluche des jeunes italiennes qui ont trouvé leur nouveau prince. Elles n'ont désormais d'yeux que pour ce séduisant garçon au visage angélique, aux longs cheveux bouclés, aux yeux verts, au regard d'une extraordinaire douceur, qui les fait rêver sur papier glacé. En cette fin de décennie Claudio est le nouvel espoir du roman-photo, très à l'aise devant l'objectif tant
dans des rôles dramatiques que plus légers. C'est à la Lancio qu'il rencontrera sa première épouse, la modèle Simona Pelei, avec qui il aura une fille, Chiara, née en 1987.
Du roman photo au cinéma il n'y a souvent qu'un pas dit-on. Claudio en est une nouvelle fois la preuve vivante. Il fait une toute première apparition à l'écran non créditée dans le Caligula de Tinto Brass puis dans Black Emmanuelle autour du monde et La fille / Cosi come sei de Alberto Lattuada aux cotés de Marcello Mastroianni et Nastassja Kinski. Son premier véritable rôle c'est Masuo Ikeda qui lui offre en faisant de lui le principal personnage masculin de Dedicato al mareo Egeo aux cotés de Ilona Staller, Stefania Casini et Olga Karlatos. Il y interprète un jeune peintre qui subit les avances d'une femme beaucoup plus âgée (Olga) mais c'est avec Ilona qu'il partage une vie sexuelle totalement désinhibée. Loin des romans-photos plutôt sages auxquels il avait habitué ses admiratrices, Claudio y dévoile son corps et ses parties intimes (floutées dans la seule et unique version encore disponible aujourd'hui, le DVD japonais), impudique, très à l'aise devant la caméra même lors des scènes les plus osées qui flirtent parfois gentiment avec le hardcore. On retiendra notamment une fabuleuse scène de triolisme plutôt explicite et celle où Ilona le chevauche au milieu du salon. Claudio avouera que jouer nu ne l'a jamais vraiment dérangé, la nudité n'ayant jamais été pour lui un tabou.
Il est ensuite le fils de Nino Manfredi dans le sketch de la comédie Testa o croce avec notamment une scène en mini maillot de bain puis après une brève apparition dans Champagne in paradisio il est au générique de la série télévisée Christophe Colomb qui bénéficie d'une impressionnante distribution internationale. Aux cotés de Janet Agren il tourne le thriller Incontri in case private de Gianfranco Clerici avant d'être un des protagonistes des Fantômes de Sodome de Lucio Fulci en 1988, une année bien sombre pour Claudio qui perd son père. Son décès va mettre un terme définitif à la carrière du jeune comédien qui, contraint et forcé, doit abandonner sa carrière et ses rêves pour s'occuper de la maison familiale et rester auprès de sa mère. Après 278 romans-photos et 10 films en l'espace de 10 ans, Claudio disparait alors de la vie publique. Après son divorce d'avec Simona Pelei, Claudio s'est remarié au début des années 90, une union qui ne durera malheureusement pas mais de laquelle est née en 1993 une seconde fille, Maria.
C'est également du roman-photo que vient le robuste Ezio Miani dont il fut une des stars non seulement en Italie pour notamment La Lancio mais également en Espagne pour de nombreuses publications dès le début des années 70. Contrairement à ses confrères ce grand blond aux yeux vert, à la solide carrure, Ezio diversifia ses activités. Roman-photo oblige, il passa brièvement par la case Grand écran même si sa filmographie reste assez anodine. Il débute en effet en 1976 sous la houlette de Massimo Dallamano qui lui offre un petit rôle dans Section de choc, celui d'un des flics de la section d'élite de Marcel Bozzuffi,
un personnage de second voire troisième plan qui lui permet l'année suivante d'intégrer l'affiche des Nuits rouges de la gestapo, le nazisploitation de Fabio De Agostini, dans lequel Ezio joue un officier SS, le seul et unique rôle de premier plan de sa très courte carrière puisqu'il est ici un des principaux protagonistes. Sa troisième et ultime apparition à l'écran sera en 1978 dans Un'ombra nell'ombra / Les vierges damnées de Pier Carpi, un film sataniste dans lequel il incarne Lucifer lui même, un Satan plutôt curieux en écharpe blanche et blouson de cuir, le Démon sous la forme d'un séduisant jeune homme à qui on donnerait le Bon Dieu sans confession mais qui organise des messes noires orgiaques. Une de ses
partenaires du film, Carmen Russo, se souvient d'Ezio comme d'un garçon assez timide, même très timide, assez discret sur le tournage.
Après cette courte expérience cinématographique Ezio tout en continuant le roman-photo va se mettre à la chansonnette et sortir un 45t en Italie qui n'aura pas vraiment marqué l'histoire de l'industrie du disque. Ezio va alors mettre un terme à sa carrière artistique pour se lancer un temps dans le journalisme puis devenir photographe avant de s'adonner à sa grande passion: les voyages en mer. Durant 9 ans Ezio va sillonner la Méditerranée à bord d'un bateau à voiles, profiter des plus belles iles, mais également partir pour la mer des Antilles,
plus précisément les îles de San Blas au large du Panama. Aujourd'hui Ezio après avoir quelques temps été skipper s'est entièrement dévoué à la mer. Il s'est installé en Grèce, à Corfu plus exactement, où il propose aux touristes des excursions maritimes d'une semaine dont le but est de leur faire découvrir les merveilleux paysages des iles avoisinantes mais également les mille et une beautés des eaux turques. Ses connaissances en photographie lui a également permis de développer un service photo qu'il met au service des touristes lors de ses charters. S'il a aujourd'hui troqué son costume et son physique de séduisant play-boy pour un bandana et un short de bain, le cheveu fou et le visage buriné du vieux de mer, Ezio n'a rien perdu de sa simplicité et n'a désormais plus qu'une seule ambition, celle de faire découvrir aux gens les mille et une merveilles des océans, là où il puise au quotidien toute sa sérénité.
D'une certaine façon il pourrait être le père de toutes les stars du roman-photo à l'italienne puisque Jerry détient un véritable record, celui du plus vieil acteur de roman puisqu'il officia dans cette branche durant plus de 40 ans. Véritable icône de ce média fort ciblé, il fit pleurer et rêver plusieurs générations de jeunes filles pour lesquels aujourd'hui encore il reste une sorte de Dieu vivant.
De son véritable nom Gerardo Rossi, Jerry Ross est né en 1940 à Palse di Porcia dans le Frioul. C'est à l'âge de 19 ans que Jerry se fait pour la première remarquer non pas dans le
monde artistique mais dans celui du sport, plus précisément la boxe, une de ses passions qu'il enseignera bien des années plus tard à son neveu, l'acteur-modèleVictor Alfieri. A la fin des années 60, Jerry, très séduisant blond aux yeux bleu azur, à la mèche rebelle, quitte Palse pour Rome où il entame dés 1967 une carrière d'acteur roman-photo qui très vite va s'avérer particulièrement prolifique. Nouvelle coqueluche des jeunes filles en mal de romantisme, Jerry va travailler non seulement pour la Lancio aussi bien en Italie qu'en Espagne que pour son concurrent direct Grand Hotel et de nombreuses autres maisons d'édition.
Toujours en 1967, Jerry fait ses débuts au grand écran sous la houlette de Sergio Bergonzelli dans son western Un colt dans le poing du diable où il y tient un rôle certes
secondaire mais assez important. Il récidive quatre ans plus tard avec un autre western, l'excellent Black Killer de Carlo Croccolo, dans lequel il donne la réplique à Klaus Kinski. Il y interprète le frère de Fred Robsahm, malheureusement trop vite tué par un gang de mexicains mené par Enzo Pulcrano et Antonio Cantafora. En 1972 il signe et persiste dans le western, une simple participation non créditée cette fois. Il est en effet à l'affiche de Giu... le mani / Django story de Demofilo Fidani pour lequel il tourne la même année un petit film dejungle plutôt idiot qui parodie les aventures de Tarzan, Karzan, maitre de la jungle / Karzan il favoloso uomo della giunglia. Il termine l'année avec Sergio Bergonzelli qui lui offre le rôle du petit ami de Toti Achilli dans Giorgina nonne perverse, un personnage une fois de plus secondaire mais qui nous permet d'admirer Jerry nu ou en slip lors de quelques jolies scènes érotiques. En 1973 Jerry tournera son ultime film, de nouveau une simple participation, dans le polar mafieux de Fidani La legge della Camorra / Le conseiller du parrain.
Las de ne pas voir sa carrière décoller, fatigué des rôles qu'on lui propose, n'arrivant pas réellement à trouver sa place dans l'univers du 7ème art, Jerry met un terme à son métier d'acteur pour désormais se focaliser uniquement sur le roman-photo pour lequel il ne
cessera plus de jouer. Fait quasi unique dans les annales, Jerry y passera quarante années de sa vie puisque sa dernière aventure sur papier glacé date de 2006. Alors âgé de 66 ans, cela fait de Jerry le doyen des comédiens de ce média-papier toujours aussi fameux en Italie. Jerry s'est alors doucement retiré du feu des projecteurs puis a quitté Rome où il y avait établi sa vie pour enfin retourner dans son pays natal en 2013 afin d'y couler une heureuse retraite parmi ceux avec qui il a grandi, ses amis d'enfance qui ont suivi sa fulgurante ascension à travers ses innombrables aventures qui firent le tour de la Botte et de la péninsule ibérique.