Professione figlio
Autres titres: Bugie bianche / Bugie veneziane
Real: Stefano Rolla
Année: 1979
Origine: Italie
Genre: Comédie dramatique
Durée: 91mn
Acteurs: Virna Lisi, Ronni Valente, Max Von Sydow, Monica Paglicci, Annamaria Bramante, Carlo Russo, Bruno Miani, Roberto Milani, Maria Pia Colonnello...
Résumé: Renato a 17 ans. Depuis des années il a pris pour habitude d'aller de familles en familles chez lesquelles il se fait adopter. Il vient de quitter celle qui l'avait adopté à Rome pour aller en chercher une nouvelle à Venise. Il choisit un couple, Marcello et Luisa, un antiquaire et une violoniste qui n'ont jamais pu avoir d'enfant. Enchantés par l'arrivée de ce fils tombé du ciel le couple se retrouve, apprend à de nouveau vivre mais ils ignorent qui est véritablement Renato...
Essentiellement assistant réalisateur sur plus d'une quarantaine de films depuis le début des années, également producteur à succès, Stefano Rolla, tragiquement décédé à 66 ans lors d'un attentat en Iraq, ne mit en scène que trois films qui étonnamment disparurent rapidement avant de tomber aux oubliettes, trois films fantômes qui n'eurent pas même les honneurs d'une véritable sortie italienne. Bugie bianche fut sa première réalisation. Tourné en 1979 mais distribué seulement deux années plus tard (en juin 1982) de manière plus que furtive en Italie sous un nouveau titre Professione figlio le film disparut presque aussitôt pour
ne ressurgir qu'une trentaine d'années plus tard grâce une petite édition numérique italienne qui lui donna une seconde vie certes bien aléatoire mais qui permit de découvrir ce joli conte des temps modernes.
Renato a 17 ans. Lors d'une balade en motocyclette il se jette volontairement dans le Tibre. Son corps ne sera pas retrouvé au grand désespoir de ses parents. Tout n'est qu'une mise en scène. Renato prend la route et se rend à Venise avec pour tout bagage une flute et un petit porte-feuille. En réalité orphelin l'adolescent a pour habitude depuis des années de se trouver de nouveaux parents, une nouvelle famille qu'il choisit avec soin afin qu'il l'adopte puis
qu'il abandonne ensuite pour repartir vers d'autres aventures. Cette fois il jette son dévolu sur un couple, Marcello, un antiquaire, et Luisa, une violoniste. Il se présente un soir à eux et prétend qu'il est le fils de Marcello. Une lettre supposée être écrite par sa mère, désormais partie vivre au Canada, lui prouve la véracité de ses dires. Marcello accepte l'idée de ce fils tombé du ciel, une aubaine pour le couple qui n'a jamais pu avoir d'enfant. Si au départ Luisa est mal à l'aise, jalouse de ce fils qu'elle n'a pas mis au monde Renato parvient très vite à se faire aimer de cette femme avec qui il partage l'amour de la musique. Très vite le couple et Renato forment une famille aimante malgré les doutes de Marcello que certains détails
intriguent. L'amour pour cet adolescent est si fort qu'il passe outre. Un matin Luisa découvre le porte feuille que cache Renato dans l'étui de sa flute. Il contient les photos de toutes les familles auprès desquelles il s'est fait adopter. Luisa comprend le subterfuge mais décide de se taire. Elle aussi a succombé au charme de ce fils miraculeux. Malheureusement alors qu'il est avec Marcello un de ses pères précédents le reconnait par hasard dans la rue. Le soir même le couple voit débarquer chez eux toutes les précédentes familles de Renato qui crient au scandale et veulent lui faire payer sa traitrise. Marcello et Luisa refusent. Lorsque Renato arrive à l'appartement il est pris au piège. Il se sauve. Tous se le poursuivent, un des
ses "pères" tire sur lui. Renato tombe à l'eau. Son corps disparait dans les canaux de Venise. L'adolescent n'est pas blessé, il sort de l'eau, réussit à faire comprendre à Marcello et Luisa qu'il est vivant. Il peut repartir sur les routes en quête d'une nouvelle famille ou peut être se stabiliser, cet épisode de sa vie l'ayant peut être fait grandir. De leur coté Marcello et Luisa se mettent en quête d'un nouveau fils qu'ils ont peut être trouvé en la personne d'un enfant seul sur une immense place.
Pour son premier film Stefano Rolla signe une jolie fable vénitienne, un conte moderne tout en douceur et sensibilité même si l'intrigue est au départ assez improbable. Mais n'est ce
pas le propos de tout conte? Renato a 17 ans. Il vit à Rome au sein d'une famille aimante. Renato est un virtuose de la flûte promu à un bel avenir. Pourtant un jour il se jette à l'eau. Suicide? Ainsi débute cette surprenante histoire d'un adolescent dont le jeu préféré est de se faire régulièrement adopter par des familles qu'il choisit avec soin. Le rituel est à chaque fois le même. Au bout de quelques mois Renato met au point sa disparition, prend la route, change de région et se trouve un nouveau foyer laissant derrière lui des familles éplorées. Une simple lettre écrite de sa main mais signée d'une hypothétique mère célibataire partie aux Amériques et le tour est joué. Il devient le fruit d'une aventure de jeunesse et n'a plus qu'à
se faire adopter sentimentalement par ce père enfin retrouvé, devenir le fils providentiel pour des familles sans enfant. Son charme, sa gentillesse, sa tendresse, sa beauté font le reste. Sa seule arme de conviction hormis cette fausse lettre c'est l'amour qu'il apporte à ces familles et la féerie qui se dégage de son être lorsqu'il joue de la flûte. Le point de départ est un peu énorme. Difficile en effet de croire à une telle intrigue qui au début peut dérouter. Tout est trop énorme, trop facile, trop simple. Comment imaginer une famille adopter un adolescent qui se présente un soir à sa porte, prétendre qu'il est le fils du mari avec pour seule preuve une simple lettre manuscrite? Comment imaginer que personne ne se pose de
question, ne fasse d'enquête, que les familles prennent ce qu'il dit pour paroles d'évangile? Ce qui peut dérouter dans un premier temps trouve en fait quelques réponses au fil du métrage, s'inscrit dans une certaine logique donc cohérence. Le puzzle prend forme même s'il reste cependant peu réaliste mais on se prend au jeu, on se laisse séduire par ce garçon venu de nulle part, sa gentillesse, sa bonté, son désarroi également. On ne saura jamais qui il est, s'il est orphelin ou pas en réalité. La seule certitude qu'on a c'est qu'il déborde d'amour et ne cherche ni à nuire ni à profiter. C'est là la grande force du film.
Professione figlio est une fable douce-amère pleine de bons sentiments qui par chance
évite la mièvrerie, le coté mielleux propre à ce type de cinéma. Point de violon ni de larme juste une belle histoire d'amour entre un couple qui apprend à se redécouvrir suite à cette arrivée inattendue et ce charmant jeune joueur de flûte, un fils modèle spécialiste du pipeau diraient certains.
Le maitre mot du film est bel et bien l'amour, cet amour vrai, profond qui fait passer outre les doutes, les questions. "Peu importe qui tu es l'important c'est ce que tu nous as apporté". C'est aussi l'amour qui sauvera Renato des griffes de ses anciennes familles venues se venger du mal qui leur a fait en les abandonnant, de la trahison dont il s'est rendu coupable,
lors d'un final un brin surréaliste. Réunies dans le salon du couple qui peine à les calmer, à empêcher un drame elles crient vengeance, prêtes à le tuer malgré les supplications de Marcello et son épouse qui en appellent à cet amour, au bonheur, au soulagement aussi court fut il qu'il a su apporter et donner. C'est au couple que Renato devra la vie prêt à repartir vers de nouvelles aventures au son de sa flûte enchantée. Une histoire sans fin pour le messager de l'amour.
Professione figlio, un titre drôle mais explicite, est en quelque sorte une transposition moderne du fameux Joueur de flûte des frères Grimm. Le personnage surgi de nulle part du
célèbre conte allemand ne cherchait que le bien en chassant les rats qui avaient envahi la ville au son de son instrument magique mais il n'eut en retour que la traitrise et la méchanceté du peuple. Renato ne cherche qu'à être aimé et donner en retour l'amour à ceux à qui la vie leur a refusé, leur faire oublier leurs désillusions. Il ne récoltera que la haine et colère. Certaines critiques firent aussi un rapprochement avec Les chroniques martiennes de Ray Bradbury en comparant Renato et son parcours à l'extra-terrestre du roman.
Filmé dans la Venise des années 80 toujours aussi belle et mystérieuse où apparaissent et disparaissent les personnages tels des fantômes (Federica la petite amie de Renato) au
coeur de son dédale de ruelles et de places séculaires, le long de ses canaux, Professione figlio vaut aussi pour son interprétation, tout en douceur et délicatesse, Max Von Sydow et Virna Lisi en tête, un couple attachant et meurtri lié à cet adolescent par leur amour des antiquités et de la musique. Quant à Renato il est interprété par le si séduisant Ronni Valente dont c'était le premier film. Sans être exceptionnel son jeu reste convaincant, une prestation modeste mais sublimée par la beauté de ce jeune acteur qu'il est difficile de ne pas vouloir adopter. Avec son visage angélique, ses yeux bleus, son regard pur, son sourire, son allant il personnifie à la perfection le fils idéal, le fils rêvé qui séduira en un clin d'oeil le
spectateur foudroyé par son charme, d'autant plus perturbé que Rolla le fait apparaitre uniquement vêtu d'un slip blanc lors d'une trop brève scène de douche, cruciale pour le développement de l'intrigue. Ronnie sera l'année suivante le principal héros aux cotés de Eleonora Fani de Eden no sono, une romance adolescente audacieuse où il joue nu un bon quart du film, un excellent moyen d'admirer Ronnie enfin débarrassé de son slip déambulant au soleil le long d'une plage déserte sur laquelle il fait l'amour à Eleonora, tels de nouveaux Adam et Eve. Une chose est sûre: Ronni Valente a su entrer par la grande porte au firmament des lolitos transalpins malgré une carrière qui ne s'étala que sur quatre toutes petites années.
Bercé par les notes allègres d'une partition musicale signée Ennio Morricone et des accords magiques de la flûte de Renato Professione figlio est un beau film, sensible, une fable dont au départ on n'attendait rien de spécial mais qui très vite séduit, enchante, envoute et surtout remplit de bonheur. Rolla signe une pellicule qui réchauffe le coeur, fait du bien, une oeuvre originale qui ne laissera pas indifférent que le metteur en scène voulait absolument sortir en 1979 puisque c'est cette année que l'ONU avait choisi pour la dédier à la jeunesse. Ce fut raté.
Par la suite Rolla tournera Carlotta qu'il tourna en Espagne sous le titre Amor es... veneno
mais le film ne sera jamais distribué en Italie puis Klown in Kabul, lui aussi resté inédit, où il tentait de retrouver l'atmosphère de son premier film. Cruellement déçu par ces trois échecs cinglants Stefano Rolla abandonna la mise en scène pour revenir à ses premières amours.
Pour information on remarquera un certain Luca Barbareschi crédité en tant qu'assistant réalisateur, celui là même qui la même année sera un des principaux acteurs du Cannibal Holocaust de Ruggero Deodato.