Don Semeraro: l'effroyable histoire de l'embaumeur nain, homosexuel, pervers sexuel et criminel.
Visages d'un jour, visages de toujours! Voilà qui s'applique à toute une pléiade d'acteurs qui ont traversé l'univers du cinéma de genre en véritables comètes, des étoiles filantes parfois nébuleuses comme nous l'avons vu maintes fois dans cette rubrique. Le problème avec celui dont nous allons nous raconter l'abominable histoire, un des faits divers les plus terrifiants survenu en Italie durant la dernière décennie, est qu'il n'a aucun visage. A son actif on compte deux films dans lesquels il apparait soit de dos soit masqué: une doublure de dos pour l'un, un savant grimage pour l'autre. Bien des années plus tard son visage, son véritable visage fit la une des journaux en Italie non pas pour ses activités artistiques mais ses activités morbides qui conduisirent à l'un des drames les plus effroyables que l'Italie ait alors connu. Voici la véritable histoire de Don Semeraro, Mimmo pour les intimes, surnommé le nain de Termini, embaumeur de métier, homosexuel, obsédé sexuel, pervers, pédophile et psychopathe, un récit macabre comme le Maniaco aime en conter.
Né dans la province de Brindisi en 1946 Domenico Semeraro réalise à l'adolescence qu'il est différent de ses camarades. Son corps s'est arrêté de croitre, il ne grandira plus. Il sera adulte dans un corps d'enfant. Conscient de cette différence nait alors en lui une crainte indicible, celle de ne jamais pouvoir avoir une vie sexuelle normale, de relation amoureuse. Ne pas être comme les autres devient rapidement une obsession, une malédiction qu'il doit subir comme il subit le regard, le dénigrement et les moqueries des autres. Dés lors il va vivre dans la souffrance et développer lentement une personnalité particulièrement complexe vouée à la débauche et à la perversion. Fasciné par la mort il suit avec brio des études de taxidermie. Entre temps il fait sa première apparition à l'écran dans le film de Lucio Fulci La longue nuit de l'exorcisme, une simple figuration de quelques secondes en tant que doublure, celle de Michele le garçonnet à qui Barbara Bouchet, nue, demande de venir lui faire l'amour, une scène aujourd'hui impensable durant laquelle l'enfant acteur donne bien évidemment la réplique au vide pour les gros plans avant que Don ne le remplace pour les plans de dos (assez flagrants) où Barbara apparait face à lui. L'illusion est parfaite.
Après cet extra Don Semeraro va poursuivre son incroyable vie. Cette même année il est arrêté et poursuivit en justice pour être arrivé à un mariage au bras d'une mineure de 16 ans qu'il voulait selon ses dires épouser. La jeune fille l'accuse de son coté de violences sexuelles. Il échappe à la justice en plaidant son infirmité donc l'incapacité de violer. Persuadé qu'il ne pourra jamais plaire à une fille il se tourne vers les garçons et commence à hanter la gare de Termini, haut lieu de prostitution et rendez-vous des jeunes paumés et marginaux de tout genre. Innombrables semble être les jeunes garçons avec qui il coucha mais également quelques filles qui tombaient dans le piège. Car le nain de Termini tel qu'on le surnomme désormais savait se vendre, vantant ses incroyables capacités sexuelles, fier, très fier du sexe dont la nature l'avait selon lui si généreusement doté. Mais l'atout majeur de cet avorton infâme était avant tout son apparente générosité, une arme redoutable qui lui servait pour embobiner ses proies toutes désillusionnées, en quête d'affection, de protection. Toujours à leur écoute, prêt à les aider, les héberger, les couvrant de cadeaux afin de les attendrir, les rassurer, gagnant leur confiance, leur amour. Il était le père, l'ami, l'amant de ces garçons perdus qui venaient habiter dans son appartement rempli de matériels pornographiques et d'objets érotiques.
Sa vie va prendre un tournant encore plus terrifiant lors de l'été 1986. Embaumeur de métier il travaille alors comme taxidermiste dans son propre laboratoire situé à Rome Via Castro Pretorio. Suite à une offre de travail parue dans le journal, un garçon de 17 ans, Armando Lovaglio, se présente à lui. Le nain est ensorcelé par la beauté de cet adolescent timide aux traits fins et délicats en guerre avec son père, un chauffeur de bus. Peu de temps après Don commence à le combler de cadeaux. Très vite ils couchent ensemble. L'adolescent encore inexpérimenté se laisse guider par son maitre, découvre les faces les plus sombres du sexe et devient au fil des mois de plus en plus audacieux sexuellement parlant. Un rapport morbide nait entre le nain vicieux et pervers et ce jeune paumé qui a trouvé en lui outre un nouveau père un amant débauché. Don lui procure également la drogue et la marijuna dont il a besoin. Il le convainc qu'il n'y a rien de mal à prendre des stupéfiants. Ainsi le nain le tient encore plus sous son joug. Cette relation va durer deux ans jusqu'au jour où durant l'été 1988, une jeune fille en perdition, Michela Palazzini, se présente à son tour au laboratoire de Don qui l'embauche de suite, séduit par sa beauté et sa grâce. Une fille, pourquoi pas? Il avait déjà tenté l'expérience quinze ans plus tôt. C'est pour le nain le début de la fin, le commencement d'un cauchemar sans nom pour les trois protagonistes de cette funeste histoire.
Désormais Michela vit avec Armando et Don. Ils font ménage à trois jusqu'au jour où les deux adolescents tombent amoureux. Tout se dégrade très vite. Ils veulent s'enfuir, quitter leur gourou diabolique, leur maitre mais Armando ne se sent pas prêt au fond de lui. Il a besoin de lui lorsque ça ne va pas. Quelque chose de sournois le lie à ce démon nanifié. La vie à trois devient un enfer fait de sexe, de perversions, de relations contre-nature. En 1990 Michela tombe enceinte de Armando, l'occasion rêvée pour le couple de fuir cette abomination faite humaine. Mais le nain a tout prévu. Il fait chanter Armando grâce à des photos immondes qu'il conservait dans un coffre-fort, des clichés sexuels obscènes de lui et de Michela lors de leurs ébats où Armando apparait parfois travesti en femme. Il a également des enregistrements vocaux qui prouvent que le jeune garçon se drogue. Pire! Il conserve des preuves comme quoi l'adolescent lui aurait dérobé une partie de l'argent rapportée par la police d'assurance que le nain lui avait ouverte. Armando est coincé. Le nain les tient à sa merci tous les deux.
A cette époque Don Semeraro décroche étrangement un rôle dans le film de Joe d'Amato L'épée du St Graal dans lequel, grimé de la tête au pied, méconnaissable, il joue le double rôle de l'affreux sorcier nain et fourbe Thorne-Grindel et de Hagen l'âme damnée d'un Donald O'Brien couvert de bubons. Ce rôle dans un sens et bien ironiquement rejoint quelque peu la vie de Don puisque le nain méphitique se voit confier la garde d'Ator encore bébé, une garde qu'il accepte si la jeune mère s'offre à lui. Ce sera là l'ultime sursaut d'une piètre gloire cinématographique.
A la naissance de l'enfant de Michela la situation devient ingérable. Le nain leur propose de vivre tous les quatre ensemble mais le troll a surtout prévu de les tuer en commençant par Michela. Il persuade Armando de l'aider. Le 25 avril 1990 ils tendent un piège à la jeune mère en lui donnant rendez-vous au laboratoire. Michela fait une scène, refuse une telle vie pour son bébé. Contre toute attente Armando se rebelle aussi et se range aux cotés de sa fiancée, avouant au nain que son père accepte de les héberger mais également qu'ils le quittent sur le champ. A cet instant Don Semeraro voit rouge, la rage l'envahit. Michela se sauve au moment où le nain s'apprête à poignarder son ex-bel amant qui le désarme et le tue. Revenue sur les lieux du crime Michela aide le jeune homme à mettre le corps du démon dans un sac en plastique qu'ils jettent ensuite dans une décharge. Ainsi se termina la vie de cet être infâme qui traversa l'univers cinématographique de la plus anonyme des manières.
Un retentissant procès eut lieu par la suite qui vit la condamnation du couple tandis qu'un film, L'imbalsamatore / L'étrange Monsieur Peppino, sera tourné quelques années plus tard. Mis en scène en 2002 par Matteo Garrone, présenté à de nombreux festivals dont celui de Cannes, multi récompensé, L'imbalsamatore s'inspire directement de la vie du nain pervers même s'il en romance une partie.