Nuda per Satana
Autres titres: Les nuits perverses de Nuda / Nude for Satan
Real: Luigi Batzella
Année: 1974
Origine: Italie
Genre: Horreur / Epouvante
Durée: 79mn
Acteurs: Rita Calderoni, Stelio Candelli, James Harris, Renato Lupi, Iolanda Mascitti, Luigi Antonio Guerra, Barbara Lay, Augusto Boscardini, Alfredo Pasti, Gota Gobert...
Résumé: Par une nuit d'orage, le docteur William Benson doit se rendre au domicile d’un patient mais il se perd et manque d’avoir un accident. C'est alors que la voiture d'une jeune femme, Susan, dérape à quelques mètres du véhicule du docteur. Benson emmène la jeune femme inconsciente avec lui dans un sinistre manoir perdu dans la campagne. Ne trouvant personne pour les aider, Benson entre dans la maison. Il y fait la connaissance du maitre des lieux, un inquiétant figure flanqué d'un valet tout aussi lugubre. Très vite Benson va perdre toute notion de temps et faire la rencontre du double de Susan. Susan de son coté rencontre l'alter ego de Benson. Ils vont vivre une longue nuit de terreur commanditée par le Diable lui même...
Luigi Batzella resterait il l'homme d'un seul film? Si on excepte Holocauste nazi, pur joyau totalement délirant du nazisploitation, seul surnage en effet de sa courte filmographie un des meilleurs film d'épouvante gothique transalpin jamais tourné, le splendide Vierges de la pleine lune. C'est de nouveau vers un certain cinéma gothique qu'il se tourne avec Nuda per Satana mais avec nettement moins de bonheur cette fois puisque Batzella nous offre une fois de plus une sorte de délire grotesque et incompréhensible, une de ses marques de fabrique, qui n'a rien à envier cette fois aux films de Renato Polselli dont il a presque toutes
les caractéristiques. Il n'est donc pas étonnant d'y retrouver Rita Calderoni, l'égérie polsinienne, dans un des principaux rôles, celui d'une jeune femme, Susan, qui une nuit d'orage a un accident de voiture sur une route déserte. Témoin de l'accident, le docteur Benson tente de lui venir en aide en allant chercher du secours dans un sinistre manoir tenu par un tout aussi inquiétant châtelain qui va s'avérer être le Diable lui même.
Jusqu'ici rien de très original, ce type de scénario a même donné d'excellents petits films tels La nuit des pétrifiés, tout se gâte malheureusement par la suite du moment où Benson va
faire la rencontre du double de la jeune fille, Evelyn, qui semble très bien le connaitre mais vit à une autre époque. Et lorsque Susan arrive au manoir elle fait quant à elle connaissance avec le double de Benson, Peter. C'est alors à une incessante croisée temporelle à laquelle on assiste agrémentée de scènes toutes plus farfelues et ridicules les unes que les autres, une sorte de délire érotico-horrifique mâtiné d'onirisme bon marché qui peut facilement se rapprocher du pesant capharnaüm qu'est Riti, magie nere e segrete orge del Trecento de Polselli. Cette abracadabrante folie psychotronique comme seul le cinéma d'exploitation italien pouvait en imaginer dans les années 70 n'est pas sans rappeler les fameux fumetti,
ces bandes dessinées pour adultes alors très en vogue, transposées ici dans un cadre très anglo-saxon (même si le film fut tourné à Ciociaria au mont San Giovanni Campano), les noms des personnages sont même anglicisés afin que l'atmosphère soit la plus "british" que possible. On ne peut pas enlever à Batzella le fait qu'il ait réussi à poser un décor tout à fait crédible, lugubre à souhait, qui réunit tous les éléments propre à l'épouvante gothique: lourde bâtisse isolée, campagne déserte, nuits d'orage, rafales de vent, chat noir, portraits menaçants, longs corridors dans lesquels errent les protagonistes éclairés à l'aide de chandeliers, valets effrayants... l'ensemble magnifiquement photographié. Ajoutons à cela
quelques touches de psychédélisme et des bains de lumière à dominante verte et rouge empruntés là encore à Polselli, à Walter Filippo Ratti et sa Nuit des damnés et même à certains films de Jean Rollin ou l'imbuvable Jess Franco ainsi qu'une partition musicale de circonstance signée Alberto Baldan Bembo. Le cadre est parfait, ce qui s'y déroule ne suit tout simplement pas.
Difficile de raconter Nuda per Satana puisqu'il fait partie de ces oeuvres qu'il est quasiment impossible à décrire tant il faut les voir pour y croire comme il est impossible de parler des dialogues d'une incommensurable bêtise aussi délirants que le film lui même qui en
l'espace de quinze minutes part tout azimut. Il faut voir Nuda per Satana pour juger par soi même et constater l'immensité de cette aberration visionnaire dans laquelle les deux héros affrontent leur alter ego comme perdus dans une autre dimension spatio-temporelle où ils vont rencontrer de bien sinistres figures semblant s'être échappées d'une fête d'Halloween. A partir de l'instant où William et Susan pénètrent chacun de leur coté dans le manoir, le film part en vrille, le cinéaste nous perd dans cette espace-temps comme il s'y est lui même perdu. Plus rien ne semble avoir de sens, les scènes se suivent mais n'ont aucune cohérence, tout est décousu, rien ne s'emboite. Batzella savait il seulement quel sens
donner à son film? Mystère. Tout semble avoir été mis bout à bout, succession de scènes plus farfelues ou démentes les unes que les autres qui donnent l'impression d'un puzzle éparpillé. On abandonnera très vite l'idée de comprendre le film pour se laisser porter par l'extravagance de certaines séquences de cette loufoquerie hallucinée notamment celle qui demeure aujourd'hui encore le clou du film, la scène de l'araignée géante qui rappelle quelque peu celle de Vierges pour le bourreau. Prise au piège dans une immonde toile d'araignée géante bien difficilement simulée par un gros filet de volley-ball la malheureuse Susan voit débouler sur elle une énorme arachnide... en fait une inoffensive peluche aux yeux
rouges globuleux tenue par un fil que William fera exploser à l'aide d'un revolver! Le moment est dantesque et résume à lui seul tout le n'importe quoi de cette fantasmagorie aussi abstraite que saugrenue même si au final Nuda per Satana n'est jamais qu'une allégorie (ratée) sur la face obscure de l'âme humaine, les doubles des héros n'étant que la projection de leurs vices et travers, ceux qui mènent à la débauche et la perversion.
Et des fumetti on y revient par le biais d'un érotisme exacerbé et omniprésent qui ne nous fait jamais oublier que nous sommes bel et bien dans un contexte exploitatif pur et dur comme le prouvent la scène lesbienne entre Susan et la servante qui lui donne le bain, totalement
gratuite et inexpliquée, les nombreuses séquences de nudité intégrale dont celle fort drôle où Satan déshabille au sens véritable du terme Susan, superbe superposition de la jeune fille nue sur son oeil lubrique ainsi que celle où la jeune fille court nue dans les bois, sans oublier l'orgie finale chorégraphiée filmée au ralenti. Celle qu'on retiendra et qui surtout le mieux l'univers des fumetti reste cependant la violente et étonnamment cruelle flagellation de la servante noire orchestrée par le valet diabolique. Un grand moment de sadisme gratuit pour amateurs de châtiments corporels extrêmes.
On évitera de parler de la mise en scène erratique et de l'interprétation qui avoisine le néant
absolu, les comédiens, ni convaincus encore moins convaincants, semblant tout aussi égarés que le pauvre spectateur. Mais il faut avouer qu'un des grands intérêts du film, du moins pour ses admirateurs, est la présence de la globuleuse Rita Calderoni , peu avare de ses charmes, qui multiplie les plans de nudité frontale en toute insouciance sans pour autant avoir cette grâce lumineuse que certaines de ses consoeurs. A ses cotés, on retrouve le cabotin Stelio Candelli, le Jack Palance italien très actif dans le western, est consternant mais nous offre un autre grand moment de n'importe quoi, la poursuite avec son double, James Harris, repéré dans Zelda de Cavallone, plus théâtral que jamais, et Renato Lupi,
grimaçant à outrance et hilare, sont respectivement Satan et son valet tandis que la 100% polsinienne Iolanda Mascitti est la servante noire. On notera la présence furtive de l'énigmatique Gota Gobert, figure récurrente du cinéma érotique italien, en danseuse vampire nue.
Plus qu'aucun autre film, Nuda per Satana mérite l'appellation de weird movie. Cette petite perle inénarrable de Batzella si elle n'a ni queue ni tête est un pur délire visuel, un fatras hallucinatoire stupéfiant qu'on aimera détester, témoin d'un cinéma à jamais révolu et reflet de ce que fut l'oeuvre de Batzella dans sa majeure partie.
Signalons qu'il existe une version avec inserts pornographiques destinée jadis aux marchés étrangers qui n'apporte rien de plus au film si ce n'est un peu plus de ridicule, les six inserts plutôt fadasses ayant été tournés par des doublures trop visibles.