El asesino de munecas
Autres titres: Killing of the dolls
Real: Miguel Madrid
Année: 1974
Origine: Espagne
Genre: Horreur
Durée: 97mn
Acteurs: Antonio Molino Rojo, David Rocha, Helga Line, Inma De Santy, Elisenda Ribas, Marina Ferry, Marta Flores, Luis Induni, Marta Condal, Enric Majo, Rafael Gonzalez Jr, Salvador Buchila, Gaspar Gonzales, Rebecca Romer, Alejandro De Rio, Lupe Rocha, Susanna Taber...
Résumé: Homosexuel refoulé, misogyne, Paul, obsédé par les poupées, vit très mal sa sexualité et le fait de ne pas se sentir normal malgré ses tentatives. Dissimulé derrière un masque de poupée et sous une perruque de femme,Paul tue systématiquement toutes les femmes qui trouvent du plaisir dans le sexe. C'est alors qu'il fait la connaissance de la fille de la comtesse Olivia avec qui il rêverait de pouvoir avoir une relation normale. C'est le début d'un amour fou, dément, mais vain. Hanté par ses obsessions, poussé par ses pulsions sadiques, aux confins de la folie, il envisage d'ajouter à sa collection morbide de poupées une pièce unique, un modèle bien vivant...
Avant tout acteur et scénariste, Miguel Madrid n'a réalisé que quatre films dont le plus connu reste à ce jour Necrophagus, un curieux petit film d'horreur gothique dans lequel un savant fou redonne vie aux morts avant de tester ses découvertes sur lui même. Son second opus, El asesino de munecas, est quant à lui tout à fait déconcertant et témoigne même d'une certaine audace qui bien malheureusement retombe comme un soufflé trop tôt sorti du four par la maladresse de la mise en scène et l'infantilisme de certaines séquences. Voilà qui est d'autant plus dommage que le scénario, glauque, était tout particulièrement intéressant
puisqu'il met en scène un jeune homme torturé, Paul, misogyne, homosexuel refoulé, obsédé par les poupées, psychopathe qui tue inlassablement les femmes, symbole d'une sexualité et d'une normalité qu'il est incapable de trouver et de vivre. Tout bascule le jour où Paul s'éprend de la jeune fille de la délurée comtesse Olivia, déchiré entre un amour qu'il ne peut consommer, ses terribles obsessions et ses pulsions meurtrières.
Fable homosexuelle à la fois sadique et misogyne, histoire démentielle et vaine d'un amour fou, El asesino de munecas est avant tout un film raté qui trop souvent prête à sourire par l'incapacité de Madrid à créer tout climax et l'amateurisme, la bêtise de certaines séquences notamment l'ouverture qui tristement donne le ton. Un couple se promène une nuit près
d'une serre lorsque l'homme veut faire l'amour à sa petite amie, une parfaite gourde qui se refuse à lui car elle a ses règles. Une telle excuse fera bien évidemment pouffer de rire comme l'attitude de l'homme qui, vexé, préfère abandonner sa copine à son triste sort, la pauvresse ayant perdu ses lunettes dans une tentative d'ébats avortée. Le tueur revêtu d'un masque de poupée et d'une perruque de femme l'approche, se penche sur elle et lui rend ses lunettes. Horrifiée par ce qu'elle découvre elle hurle, le tueur lui tranche la gorge. Voilà une scène d'un ridicule sidérant qui d'emblée fait perdre de sa crédibilité au film mais fort malheureusement elle est à l'image de la pellicule qui amoncelle de façon trop
désordonnée tous les éléments du petit psychopathe en herbe dans un visuel tout aussi fouillis. Hanté par les poupées et les mannequins qu'il assimile aux femmes, Paul les collectionne, les affectionne. Masques et corps en plastique garnissent ses murs, trônent dans sa chambre, leur image se substitue à celle des femmes ou des couples qu'il croise, devient hystérique lorsque le petit voisin détruit une de ses poupées sous ses yeux. Il y a certes un climat étrange, curieux, aux limites du rêve et de la réalité qui se confondent dans l'esprit de Paul mais mal amené, mal agencé, mis en scène parfois de manière trop amateur
rien ne fonctionne vraiment d'autant plus que le personnage de Paul n'est pas très bien décrit psychologiquement. El asesino de munecas ressemble à un film d'horreur de niveau B mâtiné de giallo à l'espagnol arrosé d'une bonne dose d'érotisme malsain, d'homo-érotisme serait plus juste.
Et c'est peut être là que le film prend tout son intérêt, dans les thèmes et sous thèmes qu'il aborde ou effleure. Après qu'il ait commis un meurtre, Paul va prendre une douche purificatrice, un moment privilégié durant lequel le cinéaste en profite pour se permettre un nu dorsal osé dans une pose tout à fait suggestive propre à une certaine imagerie homosexuelle sans pour autant dépasser ce que le cinéma espagnol alors très rigide en
matière de censure pouvait se permettre. Ainsi il n'y aucun nu frontal mais Madrid filme durant une bonne partie du métrage son héros de manière passionnée, enflammée, entre micro serviette, short long d'écolier, très souvent torse nu, mettant en évidence l'androgynie de son jeune acteur quelque peu efféminé. Plus trouble est l'ombre de pédophilie qui plane sur le film, mal exploitée mais évidente, née des rapports que Paul entretient avec son voisin, un garçonnet d'une dizaine d'années. Paul a pour l'enfant un désir bien plus qu'amical qui lors d'un simple jeu au bord de la rivière tourne pratiquement au viol interrompu de justesse par l'arrivée du grand-père, un désir qui fait de nouveau surface lorsque torse nu Paul joue au
docteur avec l'enfant avant de brandir un bistouri pour lui inciser le bras, une pulsion sadique là encore interrompue par l'arrivée cette fois de sa mère. Impossible de ne pas noter également les poses aguicheuses que Paul prend, uniquement vêtu d'un short, alors qu'il discute avec l'enfant.
Tourmenté par une sexualité qu'il n'accepte pas, par le fait de ne pas réussir à trouver une certaine normalité malgré ses tentatives infructueuses souvent masochistes, Paul tue toutes les personnes dites justement normales qui trouvent du plaisir dans le sexe. La réflexion, trop basique est peut être ici dangereuse puisque Madrid malgré ses efforts à jouer la carte
de l'homo-érotisme sulfureux, maladroit, mélange un peu tout et assimile peut être de façon un peu tendancieuse l'homosexualité à une grave pathologie mais surtout à la pédophilie. A moins de la voir comme une pulsion à part entière de Paul. Mais ce ne sont peut être là que les excès d'un cinéma hispanique qui tentait par ces moyens de bousculer une censure alors de fer.
Quelques soient les motivations de Madrid, ces mêmes excès ne sont finalement que prétextes pour étaler à l'écran bon nombre de déviances sexuelles telles que, hormis la pédophilie, la nécrophilie (Paul embrasse la tête tranchée d'une de ses victimes) tout en filmant de façon très arty-pop les terribles fantasmes de Paul dans un déluge de fumigènes
multicolores, de ralentis qui se veulent oniriques peuplés de mannequins et autres poupées et masques de cire jusqu'au final délirant, dantesque, hystérique, le tout agrémenté de quelques effets gore et sanglants amusants plutôt artisanaux dont une magnifique décapitation et un coeur arraché à pleines mains.
L'interprétation n'est pas excellente. Le jeune David Rocha qu'on reverra par la suite dans Cet obscur objet du désir, El caminante et surtout El ultimo pecado de la burgesia, indécente fable religieuse où on pourra enfin l'admirer nu, énerve plus qu'il ne touche dans sa folie psychopathe mais sa fragile beauté androgyne, ses poses affriolantes et son jeu nerveux sauront faire oublier un jeu un peu caricatural. Encore plus irritant est l'enfant, le tout potelé
Rafael Gonzales Jr, franchement insupportable, mais on se fera par contre un plaisir de retrouver Helga Liné dans le rôle de la comtesse et la jeune et trop tôt disparue Inma De Santi, alors 14 ans, qui affola la presse ibérique d'alors en s'affichant et posant aux cotés de David, alimentant ainsi l'hypothèse d'une relation amoureuse interdite alors qu'il n'y avait entre eux que de l'amitié.
El asesino de munecas n'est pas un grand film, c'est même dans un sens un film raté. Son coté délirant, totalement fou, ses excès, son visuel et son homo-érotisme, certains thèmes soulevés alors tabou comme la nécrophilie et la pédophilie, en font cependant aujourd'hui une véritable curiosité Bis, un spectacle malsain réjouissant et divertissant à ne pas trop prendre au sérieux. Il faut juste savoir se laisser porter par ce travail d'un autre temps qui témoigne de l'audace d'un cinéma ibérique à qui rien ne faisait peur malgré le régime alors en place. Foudroyé par la censure, le film, inédit en France, fit couler beaucoup d'encre en Espagne à sa sortie. Il reste aujourd'hui un exemple phare de ce cinéma déviant hispanique, une pellicule qu'a toujours défendu et que continue de défendre son interprète principal, fier d'avouer qu'il demeure le film préféré de sa carrière.
L'année suivante Miguel Madrid sera à la base du scénario de l'intéressant Las melancolicas de Rafael Moreno Alba.