La plus longue nuit du Diable
Autres titres: La nuit des pétrifiés / Au service de Satan / Succubus / The Devil's nightmare / La notte piu lunga del diavolo / La terrificante notte del demonio / The Devil walks at midnight
Real: Jean Brismée
Année: 1971
Origine: France / Italie / Belgique
Genre: Epouvante
Durée: 95mn
Acteurs: Erika Blanc, Jean Servais, Daniel Emilfork, Ivana Novak, Christian Maillet, Lucien Raimbourg, Lorenzo Terzon, Maurice De Groote, Jacques Monceau, Colette Emmanuelle, Shirley Corrigan, Fréderique Hender...
Résumé: 1945. En pleine deuxième guerre mondiale, une jeune femme accouche. Son bébé est immédiatement assassiné après que la sage femme ait constaté qu'il s'agissait d'une fille. Une malédiction pèse en effet sur la famille Van Rumberg. Toutes les filles du baron sont vouées à devenir des succubes. Bien des années plus tard, un groupe de sept touristes égarés trouvent refuge au sinistre château des Van Rumberg. Accueillis par le baron vieillissant et sa fille, ils vont y passer la nuit. Ils réalisent assez vite qu'ils sont en fait prisonniers. Chacun d'entre eux va être assassiné par la jeune femme, terrible succube et ultime descendante des Van Rumberg...
Coproduction franco-italo-belge, La plus longue nuit du Diable connu sous de multiples autres titres dont La nuit des pétrifiés fait partie de ces petites séries étrangement oubliées ou méconnues malgré son passage remarqué au 1er festival du film fantastique de Paris en 1972. Réalisé l'année précédente par le belge Jean Brismée ce fut le seul film du metteur en scène documentariste alors tout auréolé du succès remporté à Cannes quelques années auparavant avec son court métrage Monsieur Plateau.
Épaulé par André Hunebelle, Brismée signe là un petit film d'horreur qui doit beaucoup aux séries d'épouvante gothique d'antan dont il tire son visuel. Sur une trame plutôt classique, un groupe de sept personnes doit passer la nuit dans un sinistre château perdu tenu par une étrange jeune femme. Chacune d'elle sera mystérieusement tuée durant la nuit. La plus longue du Diable se démarque surtout pour l'originalité de ses meurtres et l'ambiance toute particulière qu'il distille. Si l'originalité provient du rituel que suit méticuleusement la succube, celui des sept péchés capitaux, déjà utilisé dans quelques oeuvres fantastique dont The redeemer ou plus proche de nous Seven, ce sont avant tout les meurtres eux mêmes qui donnent par instant un ton singulier presque onirique au film. On retiendra entre autres celui d'un personnage qui s'enlise dans des sables mouvants aurifères ou l'impressionnante décapitation d'une protagoniste.
La plus longue nuit du Diable se permet également une certaine audace dans le sadisme, assez étonnant pour l'époque, notamment lors de la séquence d'ouverture. Tournée tout en sépia avec de légères teintes colorées du plus bel effet, ce long flash-back nous ramène à la seconde guerre mondiale alors qu'une femme accouche sous les bombardements. L'enfant maudit est aussitôt poignardé dans son berceau, Brismée se complaisant à montrer le couteau rentrer dans le ventre du nouveau-né alors qu'une tache de sang macule lentement le petit drap blanc. Après cette scène choc qui devrait en mettre plus d'un mal à l'aise, le film prend des airs plus classiques en reprenant les éléments inhérents aux films d'épouvante. On assiste assez rapidement à un inquiétant huis-clos dans ce sombre château dans lequel les sept protagonistes, tous incarnant un stéréotype bien précis, se retrouvent prisonniers, à la merci de l'affriolante succube et de son sinistre majordome, en fait le Diable lui même.
Si Brismée n'évite pas les écueils d'un genre bien rodé dont il connaît les ficelles, sa mise en scène efficace et la beauté plastique des décors charment d'entrée et font de cette petite série B un véritable joyau du film gothique. La visite du château particulièrement bien mis en valeur par un jeu de lumières magnifique, des couleurs chatoyantes rappellera en bien des points la grande époque anglaise de la Hammer avec ses longs couloirs qu'éclairent les chandeliers, ses salles aux réminiscences gothiques et ce grenier qui sert de salle de torture avec tous ces instruments de mise à mort. Brismée conclura de surcroit cette histoire avec une touche d'originalité. Si bien souvent les premières lueurs d'une aube salvatrice concluent de façon optimiste ce type de nuit surnaturelle c'est sur un retournement de situation finale totalement ironique et bien pessimiste que prendront fin ces aventures sataniques, un no happy end qui donne au film une note désespérée des plus appréciable.
Bercé par une très belle partition musicale lancinante signée Alessandro Alessandroni, La plus longue nuit du Diable doit beaucoup également à ses interprètes. Si les effets spéciaux sont aujourd'hui un peu datés sans pour autant perdre de leur crédibilité, les maquillages demeurent splendides. On retiendra la prestation d'Erika Blanc effroyablement attirante et terriblement inquiétante en flamboyante goule rousse dissimulée lors des scènes de transformation sous un maquillage blafard des plus réussis. La présence du regretté Daniel Emilfork, acteur au visage à la fois singulier et inquiétant, apporte à l'ensemble une touche supplémentaire d'angoisse. Revêtu d'une robe de bure, affublé de cet accent incroyable qui le caractérisait, il incarne un Satan aussi énigmatique que réjouissant. On saluera également la prestation de l'acteur Jean Servais, délicieux ici notamment dans la très belle scène où il se transforme en alchimiste, un de ses ultimes rôles au cinéma avant sa disparition cinq plus tard.
Souligné par une touche d'érotisme fort bien venu ce petit film d'horreur démoniaque devenu pour beaucoup d'amateurs au cours du temps une oeuvre culte souffre malheureusement d'un rythme parfois un peu lent, de quelques maladresses mais la virtuosité de l'ensemble, sa beauté visuelle et ses nombreuses qualités fera vite oublier ce désagrément. C'est donc sans l'ombre d'un doute que nous recommandons cette longue nuit aux amateurs férus de films d'épouvante délicieusement gothiques estampillés années 70 à l'atmosphère délétère.
Pour l'anecdote, ce dont Erika Blanc se souvient surtout du film c'est d'une part le froid qu'il régnait à l'intérieur du château d'Atoinglez-Tournai, rendant par moments difficile certaines scènes, d'autre part la beauté de sa partenaire, la brune Ivana Novak.