Serena Grandi: un avortement qui fit le tour du monde
Rien ne prédisposait cette petite laboratine à un jour devenir une des dernières stars du cinéma de genre italien. Rien sauf un gentil mensonge qui allait l'emmener à Rome et lui ouvrir les portes de Cinecittà. Dotée d'incontestables atouts physiques aussi flamboyante que charnelle, elle se fit très vite remarquée des réalisateurs qui avec elle venaient de trouver leur nouvelle sexy bombe que Tinto Brass transformera en véritable diva avant que le sort ne s'acharne malheureusement sur elle. Ultime reine de l'érotisme à l'italienne, sexy star explosive et mammaire, elle reste aujourd'hui une incontournable figure du cinéma d'horreur transalpin et de de l'érotisme de luxe.
Ouvrons donc sans plus tarder notre grand grimoire à la lettre S non pas comme sexe mais comme Serena Grandi.
Née le 23 mars 1958 à Bologne Serena Grandi de son véritable nom Serena Faggioli, diplômée d'informatique, est arrivée à Rome à 21 ans prétextant une visite à une amie. Ses parents en effet n'auraient jamais accepté qu'elle devienne actrice et même si Serena a toujours senti vibrer en elle la fibre artistique, à cette époque elle n'imaginait pas que ce mensonge allait lui permettre de vivre de rêve. Serena travaillait dans un laboratoire d'analyses médicales pour une clinique de Bologne. Ce désir secret d'être actrice la jeune fille selon elle le doit à une drôle d'aventure qui était arrivée à sa mère. A 17 ans, celle ci
s'aperçut un jour qu'un homme la suivait dans la rue. Apeurée, elle trouva cependant le courage de l'accoster pour mieux découvrir qu'il s'agissait de Pietro Germi qui l'avait remarqué et voulait lui demander si elle était d'accord pour jouer dans son prochain film Il ferroviere. Son père refusa catégoriquement et cela permit à la jeune femme de rencontrer le futur père de Serena, de se fiancer et faire un enfant. L'année suivante, alors que Il ferroviere se tournait, la mère de Serena se rendit sur le plateau, alla trouver Germi et lui présenta sa fille. Si elle avait accepté la proposition, Serena ne serait jamais venue au monde. Pour la future star, ce refus fit naitre en elle cette profonde envie de devenir un jour actrice.
A peine débarquée à Rome, une ville dont elle tomba amoureuse de suite, Serena prend des cours de récitation et se met en quête d'un photographe. Elle en trouva un très vite qui sans perdre de temps l'invita à faire connaissance avec le réalisateur Claudio Giorgi alias Claudio De Molinis qui à cette époque cherchait une jeune comédienne pour jouer dans le film qu'il préparait, Tranquille donne di campagna. S'il s'agissait d'un rôle de domestique, Serena se dit que tout personnage, aussi peu glorieux soit il, est bon à jouer pour parvenir à se faire un nom. Elle accepta donc et se retrouva aux cotés de comédiens aussi prestigieux que Rossana Podesta, Philippe Leroy, Carmen Scarpetti, Christian Borromeo et Silvano Tranquilli. Si la carrière de Serena est lancée elle ne se doute pas encore qu'elle est sur la voie de devenir une des dernières diva du cinéma de genre italien. La même année elle est
affiche de La compagna di viaggio de Ferdinando Baldi qui l'avait vue dans le film de De Molinis. Si elle a pour partenaires Moana Pozzi et Marina Frajese, deux des futures plus grandes porn stars italiennes, Serena regrette de ne pas les avoir rencontré lors du tournage, n'ayant aucune scène en commun. Toujours en 1980, Serena apparait dans le film qui aujourd'hui reste celui pour qui beaucoup se souviennent d'elle, le fameux Anthropophagous de Joe D'Amato dans lequel, enceinte, elle se fait arracher le foetus du ventre que Luigi Montefiori dévorera sous ses yeux. Cette séquence désormais culte a fait le
tour du monde et fit de Serena une actrice incontournable du cinéma d'horreur italien ce qui ne l'étonne pas car ce style de cinéma a toujours eu un fort impact sur le public à travers le monde. Du film, Serena se rappelle surtout la peur qu'elle ressentit lors du tournage, une expérience traumatisante mais D'Amato était un homme formidable dont elle garde un tendre souvenir. Elle enchaine ensuite avec deux épisodes de la série des Pierino avec Alvaro Vitali, La peste alla riscossa de Umberto Lenzi et Pierino colpisce ancora de Marino Girolami. Serena avoue avoir accepté ces films pour l'argent. Vivre à Rome coutait cher et malgré sa carrière frémissante, elle manquait gravement d'argent.
C'est Eriprando Visconti qui par la suite fait appel à ses services. Elle fait partie de la distribution de Malamore dans lequel elle joue une des quatre putains de l'histoire. On la voit également assez brièvement dans la mauvaise comédie Sturmtruppen de Salvatore Sampieri puis dans Les aventures d'Hercules de Luigi Cozzi lorsqu'en 1985 Serena va enfin exploser grâce à Tinto Brass qui fait d'elle le personnage principal de Miranda. Serena devient la nouvelle star de l'érotisme. Opulente, plantureuse, charnelle elle enflamme les écrans, son corps nu parfaitement mis en valeur par le maitre de l'érotisme fait fantasmer l'Italie... Et Dieu seul sait
si se déshabiller n'était pas ce que préférait Serena. Mais Brass avait le don de faire se déshabiller n'importe qui dit-elle. Le problème est que dorénavant tous les metteurs en scène allaient vouloir Serena nue dans leur film. Serena arriva à saturation, fatiguée de devoir toujours être nue. En 1987, elle accepte encore de tourner en tenue d'Eve pour Delirium, le giallo de Lamberto Bava, un homme qu'elle adore mais n'a jamais revu depuis, aux cotés du jeune Karl Zinny, Daria Nicolodi, David Brandon et Sabrina Salerno.
Serena va alors tenter de donner à sa carrière un nouveau tournant, Elle part en France pour Les exploits d'un jeune Don Juan tiré d'Apollinaire mais cette coproduction franco-italienne de Gianfranco Mingozzi avec Marina Vlady et un jeune Fabrice Josso en Don Juan qui tentait de faire oublier Rémi sans famille sera un échec en Italie. Le public italien se moque
bien du célèbre poète, il veut voir Serena nue. Refuser de se déshabiller c'est voir un film s'effondrer et la carrière d'une comédienne péricliter.
Si Serena va continuer à apparaitre de temps à autre sur les écrans de cinéma c'est essentiellement pour la télévision qu'elle va travailler dés les années 90. Elle va être au générique de nombreux téléfilms et séries télévisées fort célèbres en Italie. Malheureusement le destin va s'abattre sur l'actrice en 2003. L'actrice est arrêtée à son domicile pour détention de drogue et prostitution dans les milieux haut bourgeois romains. Tout cela fut une horrible erreur partie sur un énorme malentendu confessera t-elle plus tard. Si elle échappe à la prison, elle est néanmoins condamnée à la "détention à domicile" de
novembre 2003 à avril 2004. Les journaux s'emparèrent de l'affaire et comparèrent l'affaire à la triste descente aux enfers de Laura Antonelli. Serena se battit pour faire éclater la vérité mais sa condamnation, outre avoir entaché sa réputation, ruina sa vie, celle de son fils et de sa mère. Elle intenta un procès contre ses accusateurs et le gagna au terme d'un long combat en 2011. L'Etat lui versa alors 70000 euros pour les dommages moraux et matériels subis par l'actrice qui souffrait de dépression et de troubles hormonaux mais avait également vu de nombreux rôles et contrats lui échapper.
Durant les années 2000 Serena diversifia ses activités. Tout en poursuivant sa carrière de comédienne à la télévision en acceptant parallèlement quelques fameux reality shows, elle
dévoile d'autres facettes de son talent. Elle présente notamment en 2006 son premier roman à la presse italienne. En 2009 elle donne des cours de théâtre et enseigne essentiellement à ses élèves la méthode stanislavski. En 2008 Pupi Avati lui offre l'opportunité de faire un foudroyant retour au cinéma avec Il papa di Giovanna puis en 2010 avec Sconfinata giovinezza qui sera présenté à la Mostra de Venise. Plus inattendu, en 2013 La grande bellezza de Paolo Sorrentino dans lequel elle a un petit rôle fort émouvant, après un passage remarqué au festival de Cannes, remporte plusieurs Oscars aux USA dont celui du meilleur film étranger. Ravie Serena n'y croyait pourtant pas.
Serena a aujourd'hui quitté Rome pour Rimini. Elle y a ouvert en 2013 en compagnie de son fils un restaurant "La locanda di Miranda" en hommage à Miranda mais l'auberge a définitivement fermé ses portes en juillet 2014 après bien des déboires que la Diva regrette. Déçue, elle a décidé d'arrêter la restauration et de revenir à ce qu'elle sait le mieux faire: le métier d'actrice. Et l'Oscar reçu pour La grande bellezza lui ouvre bien des portes! C'est tout le mal qu'on souhaite à notre toujours aussi délicieuse Serena.