Le foto di gioia
Autres titres: Delirium / Photos of Gioia
Real: Lamberto Bava
Année: 1987
Origine: Italie
Genre: Giallo
Durée: 90mn
Acteurs: Serena Grandi, Karl Zinny, Daria Nicolodi, David Brandon, Sabrina Salerno, George Eastman, Capucine, Vanni Corbellini, Trine Michelsen, Gianni Franco, Patricia Boom, Beatrice Kruger, Lino Salemme, Loredana Petricca...
Résumé: La plantureuse Gioia, un ex-mannequin, hérite de la fortune de son défunt mari et du poste de PDG d'un magazine de charme qu'il occupait. Elle est en concurrence directe avec une femme d'affaire redoutable et lesbienne. Les séances photo se déroulent dans sa somptueuse villa. Tout irait bien si non seulement son voisin, un adolescent paralytique, ne cessait de l'observer par sa fenêtre et de la harceler au téléphone mais surtout si ses modèles ne se faisaient pas assassiner de manière effroyable par un mystérieux tueur. Gioia commence à recevoir les clichés que le meurtrier a pris des cadavres. L'adolescent avoue à Gioia qu'il a vu l'assassin mais elle ne le croit pas. Une enquête est menée tandis que les morts autour de Gioia ne cessent de tomber. Qui dans son entourage aurait intérêt à se débarrasser de la jeune femme...
Si le film devait au départ revenir à Dario Argento qui se désista au dernier moment, c'est à Lamberto Bava tout juste sorti de Démons 2 que le film échut finalement. Le foto di gioia / Delirium ne réveillera sans doute pas un genre alors moribond, le giallo, mais il n'en demeure pas moins une oeuvre intéressante qui compte parmi ce que Bava fils offrit de mieux après le coup d'éclat que fut Macabro quelques années auparavant.
Les producteurs voulaient au départ que le film soit un mélange novateur d'horreur et de sexe reposant sur une base de giallo d'où le choix de Serena Grandi dans le rôle de la protagoniste principale. Serena jouissait alors d'une très forte réputation dans le domaine de l'érotisme suite au succès de Miranda et Monella de Tinto Brass. Si sa présence était donc indispensable aux yeux des producteurs le scénario quant à lui plut beaucoup à Lamberto qui avait carte blanche pour y insérer ses propres idées. Ainsi naquit Le foto di gioia dans lequel l'amateur remarquera les nombreuses références dont le film est truffé.
On retrouve en effet le milieu de la mode que Mario Bava en son temps sut jadis si bien utilisé. L'atelier de couture devient cette fois un studio de jeunes modèles qui peut aussi renvoyer à Nude per l'assassino de Andrea Bianchi. Bava fait également référence à Fenêtre sur cour de Hitchcock lorsque le jeune paralytique observe à la lunette sa voisine, l'ensemble rythmé par une partition musicale signée Simon Boswell empruntée à Bloody bird.
Mais ce qui définit avant tout le film c'est son érotisme souvent osé et particulièrement froid à l'image de ses très beaux décors admirablement bien mis en valeur par une superbe photographie. Cette magnifique villa en marbre blanc immaculé toute décorée de verre et de cristal fait irrésistiblement penser à Ténèbres sur lequel Bava fut d'ailleurs assistant directeur. A la transparence du cristal et la blancheur des lieux s'ajoute le bleu de l'eau qui achève de donner au film un coté résolument glacé épousant à la perfection un érotisme de luxe d'où émerge entre autres la séquence où Marco promène un bâton lumineux sous la nuisette de l'héroïne avant de la violer avec l'objet phallique. Peut être est ce là un probable clin d'oeil à une époque où l'Italie se permettait encore mille audaces.
Quant au personnage du tueur il rassemble une fois de plus toutes les caractéristiques propre au genre: voix déformée, vêtements noirs et arme blanche. Mû par une folie homicide, une haine féroce, son motus operandi est cette fois l'inceste. Il se complait également à photographier ses victimes puis envoie les macabres clichés à la malheureuse héroïne.
Si la violence des meurtres somme toute fort peu nombreux est assez étonnante pour l'époque, on retiendra tout principalement le premier. Tandis qu'il peut des cordes, une jeune modèle est éventrée à coups de pelle. Son corps se découpe alors sur le bleu glacé du décor. L'héroïne, terrorisée, témoin de l'assassinat, se précipite à son secours, la pluie laissant deviner ses pulpeuses formes sous sa nuisette blanche détrempée lorsque la caméra s'envole de manière étourdissante comme pour mieux la laisser seule face à sa terreur. Il est bien dommage que de telles prouesses visuelles ne se reproduisent plus par la suite.
Malheureusement, Le foto di gioia n'est pas exempt de défauts. Si on tentera d'oublier un scénario convenu et assez faible, des dialogues souvent risibles, on regrettera plus spécialement une mise en scène inégale, par instant maladroite qui s'amuse à perdre le spectateur dans un imbroglio de fausses pistes absurdes afin de dissimuler l'identité de son tueur le plus longtemps possible. Bava ajoute à cela un zeste d'homosexualité et de saphisme bien inutile cette fois tandis qu'il oublie de mener l'enquête. Le personnage du commissaire, crucial dans un genre tel que le giallo, devient vite aléatoire et ne fait finalement que acte de présence.
Le plus regrettable demeure ce final peu crédible qui tente de nous faire découvrir un amour incestueux particulièrement mal amené et surtout totalement improbable. Voilà qui achève de faire s'effondrer un scénario déjà bien bancal dés le départ.
On appréciera par contre les formes généreuses et non pas la récitation plus que médiocre de Serena Grandi qu'on aurait aimé plus impliquée dans son personnage. Serena dont les piètres talents d'actrice n'étaient plus à démontrer souhaitait à cette époque se débarrasser de cette image sexy qu'on lui avait collé. Elle avait ainsi refusé d'apparaitre nue et de jouer certaines scènes trop érotiques. Bava dut donc suivre les exigences de la star au détriment du scénario.
A ses cotés, on retrouvera l'imperturbable Daria Nicolodi, le jeune Karl Zinny que Bava réutilisa à plusieurs reprises dans ses films suivants et David Brandon. On savourera comme d'accoutumée la présence de George Eastman dont on appréciera les ébats aquatiques dans une baignoire avec Serena Grandi et le charme de la blonde Trine Michelsen. La présence de Sabrina Salerno plus connue sous son unique prénom en tant que future reine surpulmonée du Top 50, donna au film une petite réputation en France même si elle est trop vite assassinée dans sa salle par un essaim d'abeilles judicieusement caché par l'assassin. Qu'on se rassure, Bava aura tout de même pris le temps de la déshabiller avant qu'elle ne meurt.
Exalté par sa magnifique photographie très années 80, Le foto di gioia tout plaisant soit il à visionner n'en fait pas moins oublier ses trop nombreux défauts. On aurait aimé un peu plus de nerf et surtout de crédibilité à cette histoire d'où surgissent quelques bonnes idées qu'on prendra comme une sorte d'hommage au genre. Sans être entièrement raté ni jamais réellement ennuyeux le film de Bava reste une oeuvre anecdotique parmi ce genre qui jadis brilla de mille feux.
Suite à une très mauvaise promotion, le film fut un échec lors de sa sortie en salles en Italie.