Sandro Pizzochero: le plus séduisant des mystères milanais
Bien peu le connaissent sous son véritable nom comme peu seraient capables de retracer son parcours cinématographique puisque ce jeune acteur discret changea souvent de nom au fil des génériques tant et si bien qu'une partie de sa filmographie est occultée de l'Imdb. Un visage angélique qui irradiait l'écran, le regard hypnotique, une présence scénique indéniable, ce jeune homme aux allures un brin androgynes fut l'acteur fétiche de Cesare Canevari et Gianni Vernuccio qui en firent une figure incontournable du cinéma Bis milanais. S'il s'est retiré il y a déjà bien des années des feux de la rampe, son aura est toujours aussi forte et ses yeux trop bleus toujours aussi envoutants. C'est avec grand plaisir que nous allons vous faire faire plus ample connaissance avec un des plus mystérieux acteurs milanais du cinéma de genre des années 60 et 70, le fascinant Sandro Pizzochero.
Né au début des années 30 à Milan, Sandro Pizzochero, plus connu sous ses noms d'emprunt Sandro Korso et Alex Morrison, est entré dans l'univers du 7ème art un peu par hasard. Il avoue que c'est avant tout à cause de sa timidité, une timidité qu'il qualifie lui même de paranoïaque. Bien décidé à se prendre en main, il a l'idée de devenir danseur. Il a alors pour idole Gene Kelly dont il adore les films. Le jeune Sandro s'inscrit donc à l'Ecole de ballet de la grande Elisa Ghezzi alors première ballerine de la Scala. Malheureusement l'âge déjà avancé de Sandro joue en sa défaveur. Il ne pourra pas devenir danseur. Elisa lui conseille de tenter sa chance au cinéma. Elle lui présente le réalisateur Gianni Vernuccio qui tourne alors le scopitone d'une chanteuse pour lequel il cherche un danseur. Sandro est retenu.
Nous sommes en 1959, c'est pour lui le début d'une belle aventure. Plus frappé par la beauté de son visage que par ses capacités à jouer la comédie, Vernuccio lui offre un rôle dans son prochain film, La morte in Tasca qui sortira finalement sous le titre L'inferno addosso. Sandro y a pour partenaire Annabella Incontrera et le fascinant Sandro Luporini. C'est sous le pseudonyme de Sandro Pizorro que sera crédité Sandro, son nom véritable nom sonnant trop comme un mauvais jeu de mots en italien. Le jeune acteur qui à cette époque traine beaucoup avec les artistes peintres du centre culturel de Milan va devenir très proche de Vernuccio pour qui il tournera deux autres films toujours sous le pseudonyme de Sandro Pizzoro. C'est tout d'abord en 1966 La longue nuit de Véronique, un petit d'épouvante gothique discret qu'il aime beaucoup dans lequel il joue trois personnages différents. Puis il enchainera avec un film de contrebandiers, A due passi del confine.
Sa deuxième grande rencontre cinématographique sera avec Cesare Canevari pour qui il sera acteur mais également assistant réalisateur et scénariste. Sa première collaboration avec Canevari sera Io Emmanuelle avec Erika Blanc, l'ancêtre dans un certain sens de la longue série des Emanuelle que connaitra l'Italie. Sandro y interprète un jeune artiste drogué avec qui Emmanuelle entretient une sulfureuse relation. Impossible de ne pas remarquer ce jeune homme plus androgyne que jamais, fragile, le regard d'un bleu quasi électrique qui se déshabille aisément pour mieux nous offrir quelques éblouissantes et troublantes séquences dans un film un peu trop terne. Une belle amitié naitra entre lui et Canevari qui prendra l'habitude de lui offrir des rôles de garçons étranges, de drogués. On le retrouve donc par la suite dans ce type de personnages dans l'intéressant giallo Una iena in cassaforte dans lequel sa beauté physique et son regard intense sont magnifiquement mis en valeur par le cinéaste. Etait ce sa destinée ou un malheureux hasard mais au théâtre aussi pour lequel il a quelques fois joué toujours à Milan Sandro se voit offrir des rôles de drogués ce qu'il trouvera lassant au fil du temps.
On le retrouve ensuite à l'affiche du difficile Storie di vita e malavita de Carlo Lizzani pour lequel le réalisateur cherchait des acteurs milanais. Sandro garde un très mauvais souvenir de Lizzani, un metteur en scène avec lequel il ne s'est pas du tout entendu tant et si bien qu'il a plus ou moins effacé le film de sa mémoire. Il en va de même pour Vincenzo Rigo, un homme selon lui lugubre qui sur le plateau du polar Gli assassini sono nostri ospiti lui demanda de se faire un véritable shoot à l'eau distillée, une scène qui durant le tournage lui valut une réputation de vrai junkie de la part de ses partenaires. Si aujourd'hui il en rit à cette époque il trouva ça odieux. Ce seront ses deux derniers films. Mais ne plus être acteur ne signifie pas que Sandro allait quitter le monde du show-bizz pour autant. Il tourna en effet un nombre impressionnant de publicités, un métier beaucoup plus difficile avoue t-il que de jouer la comédie, et réalisera aussi pas mal de romans-photo, un support très à la mode alors chez le public féminin.
Entre 1970 et 1975, il travailla parallèlement pour la RAI comme réalisateur / programmateur télé à succès. Il était parvenu à entrer dans la sacro-sainte institution télévisée suite à un documentaire sur la chasse qu'il avait tourné en 16mm avec un de ses oncles, désireux de créer enfin quelque chose qui lui serait propre. Monté, sonorisé puis gonflé, il fut diffusé en salles entre deux projections avant d'être acheté par une chaine suisse. C'est à cette époque que Sandro rentre sur Canale 3, une des nouvelles chaines de la RAI dont il devint une des valeurs sûres entouré d'une dizaine de confrères.
Après le cinéma, le théâtre, la publicité, la télévision, la réalisation, ne restait plus à Sandro qu'à mettre en scène un long métrage. Il en avait le sujet, certains des acteurs, le titre (Implosion) et le financement mais ce qui devait être un film d'essai psychologique ne se fit finalement pas. Sandro partit alors pour Los Angeles et décida d'y rester pour y travailler en partant du principe que si les américains pouvaient réussir en Italie un italien pouvait lui aussi réussir en Amérique.
A son retour en Italie, Sandro s'installa à Brianza en Lombardie où il réalisa bon nombre de documentaires industriels. Il s'est ensuite reconverti dans la sculpture de portraits. Las des statues de bronze, sur les conseils d'un ami d'enfance, il est allé voir les célèbres frères Mazzoli qui depuis les années 80 font partie des talents créatifs de Walt Disney à qui on doit entre autres certaines des attractions de parcs du type de Gardaland. Sandro est de suite embauché et construit un volcan de plus de 10 mètres de haut sur 6 avant de créer le chef d'oeuvre de sa vie, le Tornado, un avion grandeur nature, une construction qui fut saluée aux quatre coins du monde. Sandro devait y rester trois ans, il y est toujours au jour d'aujourd'hui.
A plus de 70 ans, l'un des plus beaux regards du cinéma de genre italien est un homme heureux et comblé, père d'une fille de 20 ans et d'un petit garçon de 12 ans.Si la nuit fut longue pour Véronique, le chemin vers le succès pour Sandro fut encore plus long. Si son regard si intense n'a pas fini de nous foudroyer sa créativité et son génie artistique n'ont quant à eux pas fini de nous étonner.