Le notti peccaminose di Pietro l'Aretino
Autres titres: Les pages galantes et scandaleuses
Real: Manlio Scarpelli
Année: 1972
Origine: Italie
Genre: Décamérotique
Durée: 91mn
Acteurs: Adriana Asti, Elena Veronese, Gianni Musy, Lucia Modugno, Belinda Bron, Melu Valente, Luciana Turina, Piero Vida, Giuseppe Alotta, Salvatore Baccaro, Renato Pinciroli, Tiberio Murgia, Giacomo Rizzo, Renzo Rinaldi, Carla Mancini, Franca Scagnetti, Lee Banner...
Résumé: Nana, une noble dame, emmène sa fille Prudenza à Rome afin que l'évêque vérifie sa virginité et fasse d'elle une courtisane, autrement dit une honorable putain dans un bordel local. Tout au long du chemin Nana conte à sa fille des histoires aussi triviales que cruelles dont elle tire elle même la morale afin d'initier Prudenza à son futur statut de courtisane. Nana ignorait que sa fille n'était plus vierge. Elle va devoir tromper l'évêque grâce à une vile fourberie afin qu'il proclame au peuple qu'une nouvelle catin est arrivée en ville...
Après avoir débuté comme scénariste (on lui doit le scénario de l'excellente série télévisée Sandokan), Manlio Scarpelli s'est lancé dans la mise en scène avec la réalisation dans un premier temps de Siamo tutti in liberta vigilata puis de cette décamérotique très inspirée comme son titre l'indique des écrits de Pietro l'Aretino. Les intentions sont bonnes, les textes du célèbre écrivain qui composent I ragionamenti e Le lettere et définissent les trois conditions de la femme à savoir la religieuse, l'épouse et la courtisane sont parfaitement respectés.
L'ouverture de cette nouvelle décamérotique donne d'emblée le ton. Scarpelli choisit clairement la carte du trash, de quoi réjouir tous ceux qui aiment la salacité, l'égrillard voire l'indécence si ce n'est l'obscénité. Le film baigne en effet tout entier dans un doux parfum de scatologie, le tout arrosé d'un jet d'urine impressionnant lorsqu'un frère se vide la vessie secrètement épié par une novice en extase. Le point de départ de ces récits est l'origine même du mot cortigiana (courtisane) qui serait en fait composé de langue vulgaire et de latin. Ano en latin ne signifierait pas âne mais cul et corte se traduirait par courtoisie. Par extension la vie d'une courtisane reposerait donc sur la guillerette utilisation qu'elle fait de son derrière. C'est aussi pour cela qu'il faut toujours avoir beaucoup de respect pour les
ânes plus précisément pour leur derrière. Voilà pourquoi Scarpelli filme son âne entrain de déféquer le long du chemin, semant ses crottes comme le Petit Poucet semait ses cailloux blancs, tandis qu'une cohorte de villageois ramassent les excréments pour mieux finir se rouler joyeusement dans un bain de merde général. La récompense ultime sera peut être de trouver dans cet amas d'excréments un écu d'or. Montée sur l'animal Nana, noble dame de Cornedo, a pour intention de faire de sa fille Prudenza une courtisane. Elle l'emmène donc chez l'évêque afin qu'il témoigne de sa virginité et lui offre une jolie situation dans un bordel, faire d'elle une honorable putain. Les voilà donc parties pour Rome. Durant tout le voyage, Nana va initier Prudenza à travers cinq récits haut en couleur et quelques rencontres
interdites qui illustrent bien toute l'obscénité du propos... et des cours! Nana ignorait simplement que sa fille n'était plus vierge. Elle devra avoir recours à un subtil stratagème, elle tachera le drap virginal de sang de coq, afin de tromper l'évêque qui, fier, annoncera au peuple qu'une nouvelle putain est arrivée en ville.
Le premier récit est celui de Frère Santo, un jeune moine qui a une façon bien particulière de bénir les soeurs d'un couvent. Afin de les sanctifier et d'éviter au démon Astaroth de les posséder, c'est lui qui les possède à la grande joie des novices lorsque le subterfuge est découvert par une Mère supérieure quelque peu dubitative. Suit très certainement le plus cruel des cinq voire peut être des contes des décamérotiques en général (excepté le second
sketch de Sollezzavoli storie di mogli gaudenti... de Joe D'Amato lorsque le malheureux Ari Harrow se fait coincer le pénis dans une malle fermée à clé par un mari cocufié, l'obligeant à se castrer lui même afin de se libérer) en général celui d'un maréchal-ferrant qui pour punir sa femme adultère et son amant les pousse à se retrouver au lit pour les recouvrir de métal en fusion et tomber ensuite fièrement dans les bras de sa maitresse. Le plus cocasse et totalement absurde flirte quant à lui avec le fantastique. On fait la connaissance avec un démon, Satanasso, qui grâce à un sort prive les paysans de leur sexe qu'ils peuvent désormais dévisser et mettre dans une Jarre. Ainsi les coquines épouses des soldats peuvent s'amuser sans cocufier leur mari durant leur absence. Le plus abominable serait
par contre que les malheureux ne retrouvent plus leur membre déposé dans le pot! Le quatrième segment narre le subterfuge d'une épouse qui pour prendre en flagrant délit d'adultère et punir son époux prend la place de la prostituée qu'il voit régulièrement. La dernière histoire est celle d'une jeune putain et de son souteneur, l'ami de la famille en fait, qui vont s'acoquiner à un peintre fourbe déguisé en archange. Ce dernier va abuser de la confiance du souteneur pour faire l'amour à la putain.
Quant aux rencontres, elles se composent de paysans qui fêtent joyeusement l'accouplement publique puis le fracassant coït de deux jeunes mariés afin de prouver leur
compatibilité sexuelle (une séquence qu'on retrouve dans Quando le donne si chiamavano madonne de Aldo Grimaldi avec Edwige Fenech et Don Backy), de l'énorme sorcière qui prépare des philtres d'amour, l'évêque de Rome qui vérifiera la virginité présumée de Prudenza et de dépravés atteints par la peste tous entrain d'agoniser dans un château. Récits et rencontres sont accompagnés des imprécations d'un prédicateur qui dénonce la décadence de notre société et finira brulé sur le bucher pour hérésie après avoir affirmé que Prudenza n'était plus vierge. Ou comment sauver les apparences et donc la morale derrière le vernis de l'hypocrisie! Le triomphe du vice et de l'immoralité comme nous l'apprécions tellement.
Tourné dans les splendides décors naturels de la région de Fabriano, Le notti peccaminose di Petro l'Aretino connu en France sous le titre Les pages galantes et scandaleuses est le premier film d'une série de quatre qui illustre les écrits de Pietro l'Aretino, les suivants seront E si salvo solo l'Aretino con una mano avanti e l'altra dietro de Silvio Amadio, L'Aretino nei suoi ragionamenti sulle cortigiane, le maritate e i cornuti contenti de Enrico Bomba et I giochi proibiti de l'Aretino Pietro de Piero Regnoli, et reste sans doute le meilleur de cette trilogie. Malgré un manque de budget évident qui se traduit par des décors intérieurs d'une flagrante pauvreté, le film de Scarpelli dépeint à la perfection l'univers de l'écrivain avec une trivialité particulièrement réjouissante. Insolent, paillard,
truculent, vulgaire, de bien mauvais goût et franchement immoral, Le notti peccaminose di Pietro l'Aretino bénéficie en outre d'une mise en scène des plus correcte, d'un rythme alerte et d'une interprétation joyeuse. Les amateurs d'érotisme égrillard et d'obscénités guillerettes seront ravis même si la nudité reste là encore assez sobre. Soulignons que pour sa sortie en France, le film fut agrémenté de quelques inserts hardcore plutôt malvenus. Malgré quelques anachronismes et incohérences (on remarquera du vernis à ongles sur les orteils d'une soeur, des sandales à boucle un peu trop vingtième siècle, un cardinal qui ne doit
guère dépasser les 25 ans...), cette seconde et ultime réalisation de Scarpelli est une décamérotique "aretinesque" tout à fait réussie qui se laisse voir avec un plaisir non dissimulé. S'ils prêchent tous par leur amoralité, chacun des épisodes est drôle, ludique, gaiement excrémentiel, parfois grotesque voire horrible.
C'est la frêle Adriana Asti qui se glisse dans la peau de Nana, un rôle qui au départ devait revenir à Ingrid Thulin, tandis que l'éphémère sexy starlette Elena Veronese interprète Prudenza avec beaucoup d'entrain. A leurs cotés on pourra reconnaitre la pachydermique
Luciana Turina un des monstres du cinéma de genre italien, la beauté de Lucia Modugno, Giuseppe Allota, Gianni Musy alors en pleine période décamérotique, l'imposant Piero Vida sans oublier le simiesque Salvatore Baccaro qui se glisse sans mal dans la peau du démon obèse et velu. On reconnaitra au passage parmi les figurants la gironde Franca Scagnetti.
On remarquera au générique le nom de Lamberto Bava qui fut assistant réalisateur sur le tournage et celui d'Aristide Massacessi (Joe D'Amato) comme directeur de la photographie. Joe tournera quelques quelques mois plus tard Novelle licenziose di vergini vogliose dans les mêmes décors naturels de Fabriano.