L'albero della maldicenza
Autres titres:
Réal: Giacinto Bonacquisti
Année: 1977
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 84mn
Acteurs: Marc Porel, Al Cliver, Leopoldo Trieste, Franco Citti, Paola Borboni, Piero Fabiani, Alicia Leoni, Sonia Viviani, Tiberio Murgia, Zaira Zoccheddu, Tony Fusaro, Antonio Cepriano, Gianfranco Quadrini, Raffaele Di Mario, Gino Pagnani, Dino Chiappini, Eolo Capritti, Alessandra Vazzoler, Giacinto Bonacquisti, Lucio Parizzo Dal Pozzo, Mirella D'Auria...
Résumé: Dans un petit village du Lazio cinq amis venus d'horizons sociaux différents s'adonnent par ennui à l'oisiveté. Parmi leurs passe-temps favoris s'asseoir sous l'arbre de la médisance aux cotés du vieil Angelo Maria et l'écouter raconter ses souvenirs. Les élections pour élire le nouveau maire approchent. Un des cinq garçons, poussé par le curé du village, décide de se présenter mais un drame va à jamais bouleverser la vie des cinq amis...
Professeur de mathématiques et de sciences Giacinto Bonacquisti abandonne soudainement l'éducation nationale en 1977 pour vivre de sa grande passion, le cinéma. Grand ami de Luciano Rossi et de Joe D'Amato qui vont lui faire connaitre pas mal de monde dans l'univers du 7ème art Bonacquisti y fait ses premiers pas en signant les scénarii des deux nazisploitations que tourna Bruno Mattei, KZ9 camp d'extermination et SS girls / Hôtel de plaisirs pour SS ainsi que celui de sa sexy comédie Cuginetta amore mio. Il est aussi responsable du scénario du Porn esotic love de D'Amato avec qui il avait
déjà collaboré sur Emmanuelle et Françoise. Porn esotic love est en fait un assemblage de plusieurs de ses hardcore tropicaux auxquels furent ajoutées de nouvelles scènes pour lier le tout de façon maladroite. Toujours en 1977 il travaille sur Milano difendersi o morire de Gianni Martucci où il fait la connaissance de Marc Porel. Cette même année Bonacquisti passe derrière la caméra et signera trois films étalés sur quatorze ans dont le point commun est d'être au fil du temps devenus quasiment invisibles. Le premier des trois et le plus intéressant est cet Albero della maldicenza autrement dit "L'arbre de la médisance" qui sortira en salles trois ans après sa réalisation.
Dans un village perdu au coeur des montagnes du Lazio, dans les années 70, cinq amis politiquement de gauche passent leurs journées à se balader, jouer aux cartes et épier les couples du bourg pour s'amuser et se rincer l'oeil. L'ennui fait partie de leur quotidien. Tous sont issus de milieux sociaux différents. Mario est d'origine noble, Franco est étudiant et va à l'université, Nino, Carlo et Enzo sont fils de paysans. Lorsqu'ils n'ont rien d'autre à faire ils s'assoient sous l'arbre qui se dresse au milieu de la place publique, un vieil arbre que surplombe un Christ surnommé par les anciens l'arbre de la médisance. Et pour cause! Ils regardent vivre les villageois, se nourrissent des ragots et potins, écoutent le vieil Angelo
Maria raconter ses souvenirs de jeunesse, s'amusent des affabulations d'un chasseur de trésors excentrique. Les élections locales pour élire le nouveau maire sont toutes proches. Entre communistes et démocrates chrétiens la bataille fait rage. Don Ciccio, le curé du village, et la comtesse proposent à Mario de se présenter. Soutenus par ses amis il accepte. S'il est élu il risquerait d'y avoir pas mal de changement au village. Juste avant les élections afin de gagner des votes les cinq amis organisent une grande fête et s'enivrent. Franco, en état d'ébriété avancée, prend sa moto. Il est victime d'un accident dans lequel il trouve la mort. Plus rien ne sera désormais pareil pour les quatre amis qui se sentent responsables
de sa mort tragique. Ils vont chacun prendre des routes différentes.
Avec L'albero della maldicenza Bonacquisti à travers le regard de cinq amis tente de dépeindre la vie au quotidien d'un petit village perdu du Lazio, Collepardo (où résidait d'ailleurs le cinéaste), de ses traditions, ses coutumes le tout sur fond politique. C'est également une histoire d'amitié indéfectible, celle de ces cinq garçons tous d'origine différente que rien ne peut séparer, ni le milieu social d'où ils sont issus, ni leurs divergences d'opinions politiques. Ils sont la preuve que l'amitié, la vraie, peut résister à tout. Elle n'a ni bord politique, ni frontière, ni condition sociale. Bonacquisti nous entraine dans
un voyage entre passé et présent, l'ennui qui caractérise la vie de cette jeunesse qui n'a rien d'autre à faire que de passer son temps à se promener, écouter les rumeurs, aller voir les prostituées locales au rythme des préparatifs des élections et écouter le vieil Angelo Maria radoter et parler du temps passé, de ses souvenirs sous cet arbre centenaire, des souvenirs qui prennent la forme de flashbacks réguliers. Le point fort du film est son souci d'authenticité. D'une part Bonacquisti connait bien, très bien Collepardo, son vieux village de pierres, ses ruelles, ses fêtes, ses enterrements, qu'il filme avec tendresse comme il filme avec amour ses habitants, ses vieillards, ses enfants, qui face à la caméra sont autant
d'acteurs de ce quotidien, témoins du passé, garants de l'avenir. D'autre part ses collines où paissent les moutons mais où se jouent aussi des drames comme le viol de la bergère et l'exécution de la femme adultère et de ses deux amants, tués d'un coup de fusil, des moments cruels qui dénotent avec le ton doux amer, nostalgique du film que renforce une sublime, somptueuse partition musicale signée Gianni Marchetti. De ce souci de réalisme, de cette mélancolie qui définit le film nait une certaine émotion, une émotion qu'on aurait aimé retrouver dans les parties plus fictives ce qui n'est malheureusement pas vraiment le cas.
Pour un film dont un des thèmes principaux est l'amitié il faut bien admettre qu'il est assez difficile de s'attacher aux personnages, à ces cinq amis inséparables. Si Bonacquisti met très bien en valeur la vie de son village, fait parler avec sincérité les souvenirs il a un peu plus de mal à définir ses protagonistes qui manquent de personnalité, trop translucides pour toucher, émouvoir. Il a un peu de mal à jouer sur les sentiments et par la même sur la corde sensible du spectateur. Sur le plan humain il manque à L'albero della maldicenza ce petit quelque chose qui fait toute la différence, en fait une véritable âme, une dimension humaine, peu aidé de surcroit par une mise en scène par moment trop monotone. On
pourra aussi reprocher au cinéaste novice de ne pas avoir plus développé la partie politique de l'histoire qui reste finalement assez superficielle.
C'est d'autant plus dommage que cette petite pellicule méconnue brille par sa distribution composée de quelques grands noms du cinéma italien. En tête d'affiche on a ainsi Marc Porel (Mario), un choix peu surprenant puisque le metteur en scène et le comédien étaient devenus proches depuis le film de Martucci. A ses cotés on a le plaisir de retrouver Al Cliver, Piero Fabiani (Peter Fabian), Tiberio Murgia, Leopoldo Trieste, Franco Citti (qui interprète Angelo Maria jeune), Paola Borboni, Sonia Viviani et Zaira Zoccheddu (l'épouse
adultère) entre autres.
Pour son tout premier film Giacinto Bonacquisti signe une oeuvre certes pas totalement réussie mais sincère, humaine, une page de vie mélancolique pleine de charme qu'on aura plaisir à visionner. Voilà une bien agréable découverte réalisée par un amoureux du cinéma qui mériterait comme ses films suivants d'être réhabilitée. Espérons qu'un jour L'albero della maldicenza sorte enfin des tiroirs où il moisit depuis des lustres, la seule façon de voir ce film aujourd'hui étant via les vieilles et médiocrissimes éditions vidéo de la Avo film et Antonia films.
Bonacquisti tournera son second film quatre ans plus tard, I briganti, l'histoire vraie de brigands sans idéaux qui sévissaient entre 1815 et 1825 à Ciocciaria aidés par les autorités alors en place. Il réalisera son ultime film en 1991, Escurial avec son Auguste et son clown blanc avant de s'éteindre en 2008. Ses trois films forment une trilogie nommée La trilogie du pouvoir / La trilogia del potere.