La citta sconvolta: caccia spietata ai rapitori
Autres titres: Colère noire / The kidnap syndicate
Real: Fernando Di Leo
Année: 1975
Origine: Italie
Genre: Polizesco
Durée: 95mn
Acteurs: Luc Merenda, James Mason, Valentina Cortese, Marino Masé, Vittorio Caprioli, Salvatore Billa, Enzo Pulcrano, Daniele Dublino, Irina Maleeva, Marco Liofredi, Francesco Impeciati, Alessio Juso, Renato Baldini, Tom Felleghi, Cesare Di Vito, Serena Bennato...
Résumé: Le fils d'un important homme d'affaires est enlevé par une bande de gangsters qui n'avait pas prévu qu'un de ses copains le défendrait. Ils le kidnappent également. L'enfant est le fils d'un petit garagiste qui avait déjà perdu sa femme quelques années auparavant. L'homme d'affaires, le comte Filipini, a main basse sur la presse, la police et la justice. Il refuse de payer la rançon de 10 milliards de lire qu'il trouve trop élevée. Il fait donc trainer les choses mettant en péril la vie des deux enfants. Le fils du garagiste est finalement exécuté. Son père n'a plus qu'une idée en tête, faire lui même justice et tuer les ravisseurs.
Connu chez nous sous le titre Colère noire, La citta sconvolta: caccia spietata ai rapitori appartient à la seconde partie de la carrière de Fernando Di Leo, celle des films noir et des polizeschi, entamée en 1969 avec I ragazzi del massacro. Réalisé en 1975 deux ans après Il poliziotto è marcio, La citta sconvolta: caccia spietata ai rapitori est outre la seconde collaboration du metteur en scène avec le producteur Galliano Juso dont le fils Alessio Juso y apparait brièvement, le troisième et dernier film de Di Leo dans lequel joue Luc Merenda. Une fois de plus le réalisateur suit les codes du polizesco traditionnel en imaginant une
histoire de kidnapping d'enfants qui débouchera sur la vengeance du père de l'un deux, froidement exécuté par ses ravisseurs.
Le fils d'un riche homme d'affaires intraitable, le comte Filipini, est enlevé par une bande de gangsters menée par Pardi. Malheureusement l'enfant n'était pas seul, son ami, le fils d'un petit réparateur de motocyclettes nommé Mario Collela, l'accompagnait et s'est lui aussi fait kidnappé par la force des choses. Les ravisseurs demandent au comte dix milliard de lires contre sa remise en liberté. Collela supplie Filipini de remettre la rançon exigée mais l'impitoyable homme d'affaires voit les choses d'un autre oeil. Ayant tout pouvoir sur la police,
la presse et la justice il fait trainer l'enquête et refuse de payer une somme aussi énorme au risque de mettre la vie de son propre fils en péril. Las d'attendre les bandits tuent le fils de Collela. Peu touché par la tragédie, Filipini refuse toujours de payer. Fou de douleur et de colère, Collela va prendre les choses en main et faire sa propre justice. Il retrouve les voyous et les tuent tour à tour. Il met à jour tout un complot dirigé par de hautes autorités financières et finit par affronter Pardi, l'homme qui a tué son fils.
Le scénario n'est guère original. Di Leo met en scène une histoire classique, sans grande
surprise, sur le thème de la vengeance et l'auto-justice d'un citoyen exaspéré par l'impuissance de la police et la corruption du système judiciaire, un sujet maintes et maintes fois abordé par bon nombre de metteurs en scène. Colère noire n'est qu'un film de plus dans cette longue liste d'oeuvres souvent inégales. Le plus intéressant n'est pourtant pas son thème cette fois mais la représentation que donne Di Leo de deux classes sociales bien précises, d'une part une certaine haute bourgeoisie, intransigeante, personnifiée par le comte, un homme de pouvoir qui régit tout à sa façon, un homme qui n'hésite pas à mettre en danger la vie de son propre fils pour économiser son argent mais également celle d'un
autre enfant, issu de la classe moyenne cette fois, le fils d'un garagiste qui de son coté incarne le petit peuple dont les riches n'ont que faire. Filipini est l'incarnation même de ce pouvoir qui détermine les choses en fonction de l'argent. Le film de Di Leo reflète parfaitement l'affrontement du prolétariat contre le capitalisme sous le regard du commissaire de police, impuissant, témoin de ces injustices contre lesquelles, coincé, il ne peut rien, un point récurrent dans l'oeuvre du cinéaste.
Malheureusement La citta sconvolta: caccia spietata ai rapitori n'a pas la force des précédents films de Di Leo. Mené sans grande virtuosité, le film se scinde en deux parties
distinctes. La première concerne l'enlèvement des enfants et les pourparlers entre les autorités et les kidnappeurs. Particulièrement bavarde, mollement dirigée, elle n'est guère captivante et finit par ennuyer. Par chance, Di Leo y greffe quelques trop rares passages plein d'émotion et de chaleur (la scène de la morgue), de jolis instants, beaucoup trop courts, qui relèvent le niveau d'un film jusqu'alors trop tiède qui tarde à décoller. Il va falloir attendre la seconde partie pour que l'action explose enfin lorsque Collela prend les choses en main et décide de se faire vengeance. La citta sconvolta... semble enfin démarrer et prend son rythme de croisière. On retrouve enfin l'âme des films de Di Leo, brutale, implacable.
Courses-poursuites, bagarres, règlements de comptes, bagarres s'enchainent donc jusqu'au massacre final, inattendu, qui mènera à l'affrontement final dans le Luna Park entre Collela et l'assassin de son fils ou le triomphe de l'auto-justice sur laquelle la police fermera les yeux, une façon comme une autre d'approuver l'immoralité de cette conclusion. Fracassante, cette deuxième moitié nous fait que davantage regretter que la première ait été si peu captivante.
Di Leo a semble t-il voulu cette fois jouer un peu plus la carte du mélodrame au détriment de la force de son sujet. En résulte un film certes agréable mais inégal à qui il manque une
vraie dimension psychologique à laquelle se prêtait particulièrement bien le scénario. Hormis quelques séquences fortes, Colère noire évite soigneusement cet aspect et s'adonne au spectaculaire ce qui le fait assez rapidement ressembler à n'importe quel autre polizesco lambda.
Luc Merenda offre une interprétation de qualité, égal à lui même, parfait dans son rôle de justicier, cri de toute une classe sociale qui voudrait se rebeller. A ses cotés on saluera la prestation de James Mason, parfait, de la fragile Valentina Cortese et de Vittorio Caprioli dans la peau d'un inspecteur plein d'humour, compréhensif, prisonnier d'un système qu'il
réprouve mais contre lequel il ne peut rien. Très bon également Marino Masé dans la peau d'un gangster cruel et impitoyable qui obéit aux ordres les plus abominables. Quant au petit Marco Liofredi, son visage ne nous est pas inconnu puisqu'il fut le fils d'Udo Kier dans Chair pour Frankenstien avec Joe Dallesandro qu'il retrouvera dans L'orgasme dans le placard avant d'abandonner le milieu du 7ème art.
Colère noire n'est pas le meilleur noir de Fernando Di Leo, le cinéaste lui même le reconnait. Son manque de psychologie et l'invraisemblance du propos notamment la vendetta à laquelle se livre Merenda mais également quelques ellipses fâcheuses (que devient le fils de Filipini, oublié en cours de route) en font tout simplement un bon film d'action, divertissant, efficace mais rien de plus. On pourra donc lui préférer La mala ordina, Milan calibre 9 ou I ragazzi del massacro. A noter une inoubliable réflexion de l'inspecteur qui résume bien le propos du film: Si la merde avait de la valeur les pauvres naitraient sans cul.