Nicoletta Elmi: La perversité de l'enfance
Une longue crinière rousse, des nattes et quelques tâches de rousseur sur un visage clair aux yeux d'un vert limpide à la fois purs et durs, mieux que quiconque la petite Nicoletta Elmi a su incarner toute la perversité de l'innocence au cinéma.
C'est à l'âge de 6 ans que la petite Nicoletta, née le 13 février 1964 à Rome, fit ses grands débuts à l'écran, en fait un tout petit rôle dans Mort à Venise de Luchino Visconti. Déjà à cette époque, la petite fille posait pour diverses photos en tant que modèle et c'est tout naturellement que le cinéma va lui ouvrir ses portes.
En 1969, on la voit dans le film de Ettore Maria Fizzarotti, Il suo nome è donna Rosa aux
cotés du tandem Al Bano et Romina Power qui tombèrent amoureux sur le plateau. Dans la foulée, le réalisateur la fait tourner dans sa comédie musicale Mezzanote d'amore, mettant de nouveau en vedette le fameux couple. Dés lors, Nicoletta ne cessera plus tourner.
En 1971, Mario Bava la remarque et va en faire l'enfant terrible du cinéma d'horreur italien. Si son rôle dans La baie sanglante est plutôt minime, il marquera pourtant les annales du cinéma horrifique par son ultime et glaciale image où Nicoletta et son petit tuent de sang froid leurs parents. En une séquence, Mario Bava a su capturer et sublimer toute la perversité de l'enfance. C'est cette perversité que Nicoletta incarnera désormais si bien.
L'année suivante, le maître italien la choisit à nouveau pour être la petite Gretchen, la fille du Professeur Hummel, dans Baron blood. La même année, elle se voit offrir un court rôle dans Sotto a chi tocca, film d'aventures de Gianfranco Parrolini avec Sal Borgese, Dean Reed et John Bartha.
Son vrai départ, Nicoletta le devra au film suivant Chi l'ha vista morire? de Aldo Lado. Même s'il ne fait pas partie des gialli les plus violents, Chi l'ha vista morire est un des classiques du genre qui a su gagner au fil du temps une belle réputation auprès des amateurs. Superbement filmé à Venise, ville magique, la magnificence des images n'a d'égal que l'horreur du propos du scénario, un tueur sadique tuant de jeunes enfants. Nicoletta, la charmante et candide petite fille du héros interprété par Georges Lazenby, sera la proie de cette ombre voilée qui finira par l'assassiner après plusieurs tentatives infructueuses.
Désormais célèbre, la jeune comédienne se retrouve l'année suivante sur le set de Chair pour Frankenstein, le fameux film de Paul Morrissey et Antonio Margheriti. Réputé à travers le monde, ce film revisite à sa manière le mythe de Frankenstein en faisant du célèbre baron un homme lubrique et dément. C'est Antonio Margheriti qui s'occupa des scènes où les enfants étaient présents, les mettant à l'aise sur le plateau surtout et les dirigeant de main de maître. Nicoletta est la petite fille de la châtelaine qui en compagnie de son frère interprété par Marco Liofredi aime espionner les agissements du comte dans son laboratoire. Le film comme pour La baie sanglante se conclura par cette inoubliable scène où les deux enfants, imperturbables au milieu du sanglant carnage où baigne encore le corps de Frankenstein, s'apprêtent à reprendre les expériences du baron. L'image se fixe alors sur Nicoletta et son frère, le regard brillant d'une diabolique lueur, un sourire carnassier aux coins des lèvres. La même année elle est la fille de Bulle Ogier dans la comédie salace Io e lui.
Après un passage dans l'angoissant thriller de science-fiction de Luigi Bazzoni, Le orme, où elle joue aux cotés d'une pléiade de stars comme Florinda Bolkan, Caterina Boratto, Ida Galli et Klaus kinski, c'est au tour de Dario Argento de l'engager dans Les frissons de l'angoisse en 1975. La petite fille est devenue quasiment une adolescente et une fois de plus son inquiétant visage est mis en valeur pour le court rôle d'Olga, la fille qui prend un malin plaisir à écraser des lézards. On n'oubliera pas le regard qu'elle jette à David Hemmings lorsqu'elle le laisse à l'entrée de la grande bâtisse, regard si froid et énigmatique qu'elle jette le trouble dans l'esprit du spectateur qui ne sait plus trop à quoi s'attendre de sa part.
Elle enchaîne avec Emilie, l'enfant des ténèbres de Massimo Dallamano, où pour la première fois enfin elle a le rôle principal dans un film. Elle incarne Emilie, une adolescente qu'un étrange médaillon semble posséder, la conduisant à faire des actes qu'elle ne contrôle pas. Mais derrière le thème de la possession diabolique, c'est surtout un film sur les tourments de l'adolescence et l'univers névrosée d'une jeune fille trop attachée à son père. Nicoletta y est excellente, oscillant sans cesse entre tendresse et perversité, enfant perdue dans le tourbillon de ses peurs.
Après ce film aux teintes rappelant celles de Dario Argento, Nicoletta va faire un long break pour se consacrer à ses études. Elle réapparaitra en 1984 pour Amarsi un po de Carlo Vanzani, comédie dans laquelle elle interprète Amanda. Cette année sera une année chargée pour la belle jeune fille à l'impressionnante crinière rousse puisqu'elle va également tourner pour Claudio Risi une comédie adolescente estivale, Windsurf, avec pour partenaires Urbano Barberini et Pierre Cosso, fraîchement sorti de La boum 2.
Toujours pour Claudio Risi, elle tourne trois saisons de suite dans la très populaire série télévisée I raggazzi della terza C, un feuilleton sociologique à portée éducative traitant des problèmes de l'adolescence tels que la drogue, le suicide, le mal être... qui eut un énorme impact en Italie. Il reste aujourd'hui encore un des grands succès de la télévision italienne.
C'est en 1985 que Nicoletta tournera ce qui sera son dernier rôle, celui d'Ingrid, la sublime ouvreuse du cinéma de Démons de Lamberto Bava. Une fois de plus, ce personnage lui donne l'occasion d'incarner une jeune fille étrange dont l'inquiétant regard vert brille de mille feux sans qu'on sache jamais si elle connait l'horrible secret du cinéma.
C'est donc en 1985 après ce film que le rideau tombera pour la splendide jeune femme.
Après plus de quinze années passées sous les feux des projecteurs, Nicoletta voulut alors passer à une toute autre activité, un peu lasse aussi de ne pas trouver de rôle qui lui convenait mieux. Elle s'inscrit à l'université pour prendre des cours de pédiatrie et travailla en milieu hospitalier dans un centre de neuropsychiatrie pour enfants. Parallèlement à sa carrière d'actrice, la jeune femme s'était déjà beaucoup intéressée à ce milieu et étudiait studieusement cette discipline. Elle garde par contre de merveilleux souvenirs de cette époque dont elle parle aisément avec joie, une tendresse toute particulière pour Mario Bava et Antonio Margheriti qui n'arrêtaient pas de jouer avec elle. Ils avaient une étonnante facilité pour tourner avec les enfants et savaient les diriger tout en s'amusant. Tourner devenait donc un jeu quelque soit la gravité de la scène qu'elle faisait et parmi tous les films qu'elle a tourné, elle n'a de préférence pour aucun. Elle a apprécié chacun d'entre eux.
Aujourd'hui mariée, mère de famille et toujours aussi resplendissante, Nicoletta vit depuis de longues années à Milan où elle est pédiatre. Ironie de la vie pour quelqu'un qui a passé sa jeunesse à jouer les enfants sournois et troublés.
Nicoletta est fière de son parcours d'actrice qu'elle ne renie en rien. Elle se souvient avec tendresse et plaisir des années qu'elle a passé sous les feux de la rampe et se plie toujours avec joie et sincérité aux interviews.