Il nido del ragno
Autres titres: Le nid de l'araignée / The spider labyrinth / Cursed labyrinth: labyrinth in the dark
Real: Gianfranco Giagni
Année: 1988
Origine: Italie
Genre: Thriller / Fantastique
Durée: 84mn
Acteurs: Roland Wybenga, Paola Rinaldi, Margareta Von Krauss, Claudia Muzi, William Berger, Stéphane Audran, Valeriano Santinelli, Massimiliano Pavone, Arnaldo Dell'Acqua, László Sipos, Bill Bollender, Bob Holton, John Morrison, Attila Lote...
Résumé: Alan Whitmore, un jeune professeur américain, part à Budapest pour y retrouver un de ses collègues, le Pr Roth, avec qui il travaillait sur un projet commun concernant des manuscrits ancestraux. A peine arrivé Whitmore découvre le cadavre de son confrère. Il décide de poursuivre ses recherches et tenter de savoir ce que Roth avait découvert de si terrifiant. Logé dans un lugubre hôtel de la ville le jeune professeur va se retrouver plongé dans un monde angoissant et morbide fait de secrets inavouables qui vont le mener à une étrange secte qui adore une arachnide géante...
Premier et unique film de Gianfranco Giagni, un ancien assistant de Mauro Bolognini qui par la suite se consacrera uniquement au petit écran et à la réalisation de documentaires, Il nido del ragno est très certainement un des ultimes bons films italiens à une époque où le cinéma de genre, moribond depuis bien des années, n'en finissait plus d'agoniser. Cette étonnante surprise malheureusement méconnue oubliée des éditeurs reste à ce jour un des thrillers sur le tard non seulement parmi les plus réussis mais également parmi les déconcertants.
Le professeur Alan Whitmore, arachnophobe depuis le jour où il fut enfermé par son petit frère dans un placard où se trouvait un nid d'araignées, quitte l'Amérique pour se rendre à Budapest afin d'y retrouver le Professeur Roth dont il n'a plus aucune nouvelle. Roth et lui travaillaient sur un projet secret nommé Intextus basé sur le décryptage de manuscrits antiques. Il devait lui rendre ses notes mais il semble avoir disparu. Arrivé à Budapest il se rend chez lui où l'accueille sa femme. Il rencontre le professeur qui semble paniqué. Celui ci n'a pas le temps de lui révéler ses trouvailles, il est retrouvé pendu à d'énigmatiques filins de soie. Plus étrange encore sa femme s'est volatilisée. Roth n'a jamais été marié.
Whitmore décide d'enquêter et de trouver par lui même ce que Roth avait découvert. Il est hébergé dans un lugubre hôtel tenu par une sinistre femme, Mrs Kuhn, qui jadis a perdu son bébé. Tandis qu'un vieil homme persiste à le prévenir du terrible danger qu'il court une des domestiques de l'hôtel est assassinée au moment où elle allait lui révéler certaines choses. Whitmore, obstiné, continue ses investigations dans un univers de plus en plus bizarre et morbide. Il est sur la piste du professeur Morritz qui détiendrait la clé de l'énigme. Malheureusement lui aussi est tué, attaqué par une monstrueuse harpie. Il a eu le temps de remettre à Whitmore une petite tablette sur laquelle sont gravées des runes. Elles sont la clé
du mystère qui vont conduire Whitmore jusqu'à une secte qui vénère une arachnide ancestrale. Whitmore découvre trop tard que la plupart des habitants de Budapest en font partie. Le piège se referme inéluctablement sur lui.
Il est difficile de classer ce film dans une catégorie spécifique tant il mélange les genres. Fantastique, horreur, épouvante gothique et références lovecraftiennes, film de secte sur fond de giallo Il nido del ragno emprunte également de nombreux éléments à bon nombre de classiques tout en s'inspirant de grands réalisateurs. Impossible de ne pas penser à Je suis vivant de Aldo Lado dont l'intrigue s'en rapproche ne serait-ce que pour son lieu
d'action, non plus Prague mais Budapest. Comment ne pas songer à Mario Bava dans l'utilisation de certains éclairages mais c'est surtout Opération peur qui vient à l'esprit puisque le scénario en reprend quelques idées. Si l'ombre de Il profumo della signora in nero plane sur l'ensemble notamment lors du final c'est surtout à Dario Argento auquel on pense très vite tant Il nido del ragno s'inspire de Suspiria et Inferno jusqu'à reprendre certaines scènes du premier. L'impressionnant meurtre de la domestique pourchassée par une ombre le long d'un corridor bordé de draps baigné de couleurs verte et rouge en est un fabuleux exemple. Plus qu'un emprunt à l'univers de Argento le film de Giagni pourrait
même être vu comme l'ultime volet des fameuses Trois Mères que son créateur avait alors mis en sommeil. Cette secte diabolique dédiée à l'adoration d'un monstrueux Dieu arachnide dont les ramifications, les pouvoirs s'étendent sur la planète renvoie au monde mis en place par Argento à travers le clan des sorcières de Suspiria dirigé par la Mère des Soupirs et le royaume de la Mort de Inferno, celui de Mater Tenebrarum. La secte de Giagni pourrait tout à fait être celle de la Mère des Larmes dont on attendait à cette époque le récit. De là à dire que Il nido del ragno est le film que Argento aurait du faire il n'y a qu'un pas bien sûr même si la question est de savoir s'il aurait pu réaliser un tel film, plus exactement être
à l'origine d'une telle réussite, le lent déclin (la mort?) du réalisateur ayant débuté à la fin des années 80 pour ne cesser de s'accroitre au fil du temps jusqu'à la ponte de cette honteuse mais hilarante infamie que fut le consternant Mother of tears. Le débat est long et n'a certainement pas sa place ici.
Une des grandes forces de Il nido del ragno, écrit et produit par Tonino Cervi, est avant tout son ambiance. Dés les premières minutes Giagni instaure une atmosphère sombre, morbide, inquiétante qui au fil du métrage ne cessera de croitre. La peur, le mystère s'insinuent lentement dans un univers ouvertement déliquescent proche de la putrescence.
Ce film multi directionnel est avant tout une oeuvre horrifique atmosphérique du moins durant toute sa première partie qui nous plonge dans un monde de mystères, de secrets terrifiants au coeur d'une ville tout aussi étrange, angoissante, une Budapest spectrale, dépeuplée, vide, ses rues labyrinthe et places désertes, et de lieux tout autant lugubres, son vaste hôtel sombre et glauque au décor baroque et son gigantesque escalier en colimaçon, sa bibliothèque obscure, ses demeures décrépies fissurées figées dans le temps jusqu'au tunnel souterrain, cette crypte tout en dédales jonchées de cadavres putrides. Autant d'endroits qui rappellent une fois de plus Suspiria et Inferno mais font aussi référence à
Lucio Fulci et plus encore à Pupi Avati (La maison aux fenêtres qui rient et Zeder). Quant à la chambre plongée dans l'obscurité, son placard et surtout le berceau de l'abominable enfant de Mrs Kuhn il semble droit sorti de Rosemary's baby de Polanski auquel on pense également pour cette secte secrète diabolique.
Notre jeune professeur à lunettes, l'innocence incarnée, poussé par la curiosité et le désir de découvrir les clés d'une énigme dont il est loin d'imaginer l'horreur y croise des personnages tout aussi curieux, effrayants, sinistres, de l'enfant à la balançoire, à la directrice de l'hôtel qui s'apparente à Miss Tanner que jouait Alida Valli dans Suspiria, à
l'ingrate et austère épouse du professeur Roth et le vieil homme en noir, une sorte d'oiseau de mauvaise augure, de prédicateur maudit qui semble détenir les réponses à un mystère qui flirte avec l'innommable. Quant à la douce Geneviève, la jeune guide hongroise chargée d'aider le professeur dans ses investigations dans Budapest elle semble elle aussi cacher bien des secrets derrière sa beauté de façade et ses exhibitions nocturnes à la fenêtre de sa chambre.
Voilà autant de lieux et de personnages qui conduiront Whitmore jusqu'à une effroyable secte, le feront plonger dans une horreur sans nom, insoupçonnable avant de refermer
leurs griffes sur lui. Cette horreur Giagni nous en avait donné un aperçu à travers sa créature incube, une sorte de harpie à cheval entre le vampire et la sorcière de Halloween telle qu'on peut l'imager dans les contes populaires, une créature cruelle assoiffée de sang dont on découvrira l'identité lors de l'explosive conclusion. Aussi bien imaginée soit elle cette créature est peut être un des points faibles du film qui justement la dévoile un peu trop tôt, brisant ainsi un peu le suspens pour laisser justement deviner un aspect surnaturel à l'énigme. La cacher, la suggérer un peu plus longtemps aurait entretenu un peu plus longtemps le mystère du moins accru un suspens qui fort heureusement se maintient
jusqu'aux ultimes minutes. Elle est en tout cas un avant gout de l'horreur qui attend Whitmore plus le dénouement approche puisque du film atmosphérique Il nido del ragno sombre définitivement dans sa dernière partie dans le film d'horreur absolu, pour être encore plus précis le gore, grâce notamment aux effets spéciaux très réussis de Sergio Stivaletti, ses meurtres violents et sanguinolents et surtout sa monstrueuse entité matrice.
En plus d'un scénario à tiroirs tout à fait convaincant dont il est difficile de démêler le pourquoi du comment, une intrigue passionnante qui vole de surprise en surprise Il nido del ragno bénéficie d'une réalisation certes un peu télévisée (il s'agit d'une coproduction
Reteitalia) mais soignée, précise, efficace qui ne laisse place à aucun temps mort. Difficile dans de telles circonstances de s'ennuyer et de ne pas être captivé par cette histoire diabolique dont l'atmosphère dégénérée souvent oppressante saisit à la gorge aidé en cela par une interprétation internationale de grande qualité. C'était une chose suffisamment rare en cette fin de décennie dans le cinéma de genre italien pour ne pas être souligné, un point d'honneur au jeune et tellement ravissant Roland Wybenga dont c'était le premier grand rôle à l'écran après une apparition deux ans plus tôt dans Tuareg de Castellari. Roland en est que plus méritable puisque être acteur n'était pas sa vocation première. Né à Malibu il était à
cette époque un célèbre mannequin international qui fit la couverture des plus grands magazines de mode. S'il mit un terme à sa carrière de comédien en 1989 après avoir joué dans Sinbad of the seven seas de Castellari il continua jusqu'au milieu des années 90 dans le milieu du mannequinat. Comble du bonheur Roland nous offre dans Il nido... un joli nu un peu trop pudique et surtout furtif lors de sa scène d'amour avec Paola Rinaldi.
A ses cotés on reconnaitra et surtout retrouvera avec plaisir de grands noms du cinéma dont William Berger (le prédicateur), Stéphane Audran, l'ex-femme et actrice fétiche de Claude Chabrol absolument parfaite en directrice d'auberge froide, austère, la roumaine Margareta Von Krauss, célèbre actrice de télévision, tout aussi impeccable en épouse à chignon strict
qu'hystérique et déchainée en goule, et une pléiade de seconds rôles et de figurants tous aussi excellents. S'il fallait chercher la petite bête (une araignée?) on pourrait reprocher le choix de Paola Rinaldi, jeune actrice qui se spécialisera par la suite dans les téléfilms et les séries télévisées, pour son coté trop lisse, un peu fade, maladroite dans le jeu trouble de la séduction anthropophage, mais qui offre cependant au film son soupçon d'érotisme par le biais de quelques nus et d'une onirique scène d'amour avec Roland.
Malgré sa conclusion prévisible, le Mal contamine et ne meurt jamais, Il nido del ragno est un thriller horrifique viral de haut niveau soigneusement rythmé par les musiques
hitchcockienne aux harmonies ancestrales de Franco Piersanti, une oeuvre hommage dédiée à l'âge d'or du cinéma de genre transalpin et de ses grands noms. Derniers véritables feux d'un cinéma italien moribond Il nido del ragno est une pure réussite malgré ses quelques défauts largement pardonnables, un film que tout amateur de bon cinéma Bis tardif devrait posséder dans sa vidéothèque.
Il est simplement dommage que le film de Giagni comme beaucoup d'autres réalisés à cette même époque n'ait jamais été distribué en salles en Italie encore moins en France. Il fut cependant édité en vidéo de l'autre coté des Alpes dans une très belle copie et bénéficia de quelques passages télé sur les chaines italiennes et américaines. L'édition récente d'un Blu ray offre enfin une seconde vie à ce thriller surprenant et méconnu.