La ragazza dalla pelle di luna
Autres titres: La fille à la peau de lune / Sex of their bodies / Het meisje met de maanhuid
Real: Luigi Scattini
Année: 1974
Origine: Italie
Genre: Drame / Erotique
Durée: 88mn
Acteurs: Zeudi Araya, Beba Loncar, Ugo Pagliai, Giacomo Rossi-Stuart...
Résumé: Un couple en pleine crise conjugale s'envole pour les Seychelles afin de tenter de résoudre leurs problèmes existentiels. Alberto, le mari, tombe très vite éperdument amoureux de Simone, une superbe indigène, la soeur de leur guide. Sa femme se sent seule, délaissée, peu à l'aise avec les autochtones. Elle se tourne vers un aventurier misanthrope tout en étant étrangement attirée par la beauté de Simone. Au fil des jours le couple s'éloigne de plus en plus...
A la fin des années 60 le cinéma érotique italien vit apparaitre une sous branche du genre joliment nommée l'exotico-érotisme, un filon qu'on doit à Ugo Liberatore qui en 1968 signe Il sesso degli angeli puis surtout Bora Bora et Incontro d'amore a Bali, deux gros succès du box d'office qui allèrent vite faire des petits. La recette est simple. Un couple de bourgeois en pleine crise conjugale part à l'autre bout du monde dans un endroit paradisiaque afin de tenter d'y régler leurs problèmes. Ils y découvrent une liberté sexuelle inattendue, la liberté des sens que renforce la magie des lieux pour au final réaliser que cette vie de rêve n'est qu'une utopie.
Venu du mondo (Amore primitivo, Angelo neri angeli bianchi, Suède enfer et paradis... ) Luigi Scattini s'infiltre dans cette brèche maritime dés 1972 avec La ragazza dalle pelle di luna, premier film d'une trilogie qui propulsa au rang de star mondiale l'érythréenne Zeudi Araya, la plus célèbre actrice de couleur des années 70 aux cotés de Laura Gemser, et aida à faire découvrir au monde les Seychelles alors très peu fréquentées par le tourisme.
Fort du succès de Bora Bora les producteurs du film décidèrent de marcher sur les traces du film de Liberatore en demandant à Scattini d'écrire une oeuvre quasi similaire. L'idée du scénario naquit lors d'un voyage en Somalie où le metteur en scène venait d'achever un de ses films. Il avait entendu un groupe de pécheurs indigènes parler des Seychelles et de ces
îles que bien peu de gens connaissaient alors, ces endroits merveilleux où vivaient ces "filles à la peau de lune". Ce terme éveilla la curiosité de Scattini qui s'offrit un voyage afin de rencontrer ces créatures divines mais il n'y trouva que d'horribles autochtones, des filles de couleurs d'une telle laideur qu'elle n'aurait jamais pu tourner dans un film. C'est à son retour à Rome qu'il fit la connaissance de Zeudi Araya à travers une publicité pour une grande marque de café. Avec elle il tenait la vedette de son film tout naturellement intitulé La ragazza dalle di luna que la belle érythréenne allait incarner si parfaitement. Le rêve exotique à l'état brut!
Alberto est ingénieur. Sa femme Hélène est photographe pour revue chic. Leur couple traverse une crise conjugale dont Alberto espère venir à bout lors de vacances surprises sur l'ile de Mahé aux Seychelles. Si au départ l'idée déplait à Helen elle finit par accepter ses vacances improvisées à condition qu'Alberto la laisse prendre des photos pour son magazine. Un jeune indigène, Ozon, leur sert de guide. Lorsque Alberto rencontre Simone la soeur de Ozon il en tombe de suite follement amoureux comme hypnotisée par cette splendide fille d'ébène avec qui il ne tarde pas de faire l'amour. Sur Mahé le sexe n'influe en
aucun sur les relations entre les hommes et les femmes. Il y est totalement libre, beau. Alberto est immédiatement séduit par cette philosophie de vie ce qui est loin d'être le cas d'Helen. Tout deux s'éloignent de plus en plus malgré leurs tentatives de rapprochements. Helen se sent mal sur cette ile, seule, inacceptée par les indigènes. A la fois jalouse mais attirée par Simone elle devient son modèle. Simone tente de la séduire mais Helen, coincée, repousse ses avances. Le dialogue devient impossible entre les deux époux. Abandonnée, furieuse, Helen finit par se consoler dans les bras d'Alan, un aventurier écrivain spécialisé dans les romans marins, qui la laissera tomber. Alberto de son coté réalise que sa vie n'est
pas sur Mae mais en Europe. L'illusion s'écroule. Lors d'une pêche aux requins Ozon est tué par la faute d'Helen. Après les funérailles le couple reprend l'avion pour l'Europe, plus en crise que jamais.
Le scénario est similaire à celui des deux films de Liberatore. Seul le lieu à changer. Fini Bali fini Bora Bora Scattini nous emmène aux Seychelles. Fuir le quotidien, fuir la routine bourgeoise d'une vie de couple trop bien huilé, fuir notre monde pour un petit bout de Paradis de l'autre coté de la terre pour essayer de résoudre ses questions existentielles tout en découvrant d'autres modes de vie, de croyances où le sexe est un élément vital. La ragazza dalla pelle di luna / La fille à la peau de lune n'apporte rien de nouveau à l'édifice. L'histoire
est même d'une absolue banalité. Ce n'est jamais qu'un magnifique roman-photo, un mélodrame aux senteurs océanes qui ressemble à un superbe dépliant touristique. Scattini emmène son spectateur en exil, l'entraine le long des plages de sable blanc bordées de palmiers, le jette au creux des vagues, le promène au coeur des forêts de l'ile, lui fait visiter les endroits les plus enchanteurs tout en lui faisant découvrir la faune (les tortues géantes, l'ile aux oiseaux), la flore (les papayes, la coco de mer le fruit qui ressemble aux organes génitaux féminins) ), les coutumes locales dont une cérémonie rituelle magique. La fille à la peau de lune est une pure invitation au voyage sans pour autant bouger de son salon durant laquelle il s'émerveillera face à ces paysages de rêve mais aussi devant la beauté de
Zeudi Araya dont c'était le premier film.
Le film est en effet un véritable book pour Zeudi. Scattini ne cesse de sublimer sa beauté d'un bout à l'autre du métrage. Promue nouvelle icône érotique il la filme sous tous les angles possibles et imaginables, lui fait prendre les poses les plus sensuelles, la photographie lors de longues séances de shooting au coeur de la forêt, sur la plage, la déshabille, la caresse, suggère, dévoile, capture ses regards langoureux, malicieux, son sourire éblouissant. Nue ou légèrement vêtue Zeudi, mutine, irradie l'écran, étourdit nos sens comme elle étourdit Alberto. Elle est par définition la créature de rêve, cette fille a la
peau de lune, sombre, qui incarne le désir, la liberté des sens, le sexe libre par opposition à Helen, anglaise à la peau laiteuse, froide, frustrée, engoncée dans ses idées occidentales, qui ne parvient pas à se libérer de ses carcans.
L'érotisme est omniprésent, un érotisme qui rime bien entendu avec exotisme. Scattini enchaine les scènes d'amour entre Alberto et Helen, entre Alberto et Simone, entre Helen et l'aventurier pimentant le tout de l'indispensable touche lesbienne entre Helen et Simone qui se résume ici à de regards troublés, quelques caresses et baisers timides, une attirance troublante qui lentement obsède Helen mais qu'elle n'exprimera cependant jamais
réellement car trop fermée. Tout en sensualité La fille à la peau de lune est fait pour exalter les sens du spectateur, le faire frissonner de désir par le biais du rêve, du fantasme.
Les ébats entre Alberto et Simone sont évidemment ceux qu'on retiendra, sur la plage, balayée par les vagues, Si aujourd'hui tout cela paraitra bien gentillet ramené à l'époque où le film fut tourné on comprendra que ces scènes durent en déranger certains notamment Dame censure qui ne put s'empêcher de cisailler quelques plans notamment lors des diffusions télévisées.
Malgré la magie de l'ile, malgré la distance, l'hypocrisie triomphera. Fuir ses problèmes ne les résout jamais, l'amour libre n'est qu'une illusion dans laquelle on se complait, à laquelle on croit, qu'on voit comme une solution. L'occidental prisonnier de ses propres carcans, de ses convictions n'est pas fait pour cette vie, il ne peut que la mettre en danger, lui être nuisible. Si on sourira lorsque Alberto remet sa cravate avant de monter dans l'avion qui le ramène à Rome avec sa femme, certains jugeront par contre la séquence du massacre des requins parfaitement inutile et nauséabonde, proche du mondo movie. Scattini filme en effet le carnage de manière particulièrement voyeuriste, un grand moment de cinéma vérité qui
fera la joie des amateurs de tueries animalières, une manière parfaitement complaisante pour illustrer d'une part la folie humaine, d'autre part la haine qui s'empare des protagonistes tout en rappelant que nous sommes toujours dans le cadre d'un certain cinéma d'exploitation tout mélodramatique soit il.
Outre la beauté hypnotisante d'une toute jeune Zeudi Araya La fille à la peau de lune c'est également le charme tout européen de la slave Beba Loncar, sa peau d'une blancheur diaphane, le regard triste, le visage éteint, véritable contraste avec sa consoeur éthiopienne. Giacomo Rossi-Stuart joue les aventuriers misanthropes. Seul Ugo Pagliai semble être
tombé sous les palmiers comme un cheveu sur la soupe. Choisi car il était alors le nouveau divo italien suite au succès de la série télévisée Segno del commando, il n'a pas l'étoffe du rôle plus ridicule que réellement convaincant contrairement à beaucoup d'autres de ses confrères à qui incomba ce type de personnage. Ses disputes avec Beba, ses scènes d'amour avec Zeudi sont souvent drôles tant il n'a pas le physique de l'emploi. Il dénote tout bêtement avec l'exotisme de l'ensemble. Ugo court sur la plage, Ugo ivre découvre les joies du sexe libre, Ugo fait la moue, Ugo sourit mais surtout Ugo fait pudiquement l'amour nu sur le sable mais le plan suivant lorsqu'il rejoint Zeudi en tenue d'Eve dans l'eau, il apparait vêtu
d'un affreux slip de bain, un vêtement sorti de nulle part. Impossible qu'Ugo le divo de ses dames apparaisse dans le plus simple appareil. Il était en effet interdit en ce début de décennie qu'un acteur de télévision apparaisse nu à l'écran.
Mené par une magnifique partition signée Piero Umiliani, une des plus belles qu'il ait écrite, La fille à la peau de lune remporta à sa sortie en Italie un joli succès auprès du public. Il reste aujourd'hui un envoutant mélodrame exotico-érotique, certainement pas le plus fouillé ni le plus profond au niveau de la réflexion, loin de là, mais un des plus dépaysants et ludiques, tout en sensualité, un véritable enchantement pour l'oeil et l'oreille à déguster sans limite un cocktail fruité en main garni de son ombrelle.
Luigi Scattini récidivera par la suite avec La ragazza fuoristrada puis Il corpo toujours avec Zeudi qui de son coté apparaitra dans La peccatrice et La preda.