La peccatrice
Autres titres: La pecadora
Real: Pier Ludovico Pavoni
Année: 1975
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 82mn
Acteurs: Zeudi Araya, Franco Gasparri, Francisco Rabal, Clara Calamai, Ettore Manni, Turi Santalena, Rita Forzano, Gianni Ottaviani, Sonia Viviani...
Résumé: Sur les terres volcaniques et arides de la Solfataria se dresse un camp de travail pour dissidents dirigé de main ferme par le Patron, un homme dur qui aime collectionner les aventures amoureuses. Il remarque un jour Debra dont il tombe fou amoureux, une superbe jeune femme de couleur, épouse de Santalena, un de ses ouvriers les plus révoltés. Considérée comme une sorcière par les femmes du village en raison de sa couleur, il tente cependant de la séduire. Si elle refuse de céder à ses avances, une des servantes du Patron va l'inciter à se jeter dans ses bras à la mort de son mari, lui faisant miroiter l'espoir qu'un jour elle pourrait être la patronne. Son épouse, blessée par cette nouvelle aventure, fait revenir leur fils, Michele, de Rome afin qu'il raisonne son père. Elle n'avait pas prévu qu'il tombe à son tour passionnément amoureux de Debra. Un drame inéluctable va alors se jouer, terrible, cruel...
L'idée de départ était de rassembler de nouveau à l'écran le couple formé par la superbe Zeudi Araya et le prince du roman-photo Franco Gasparri un an après le succès remporté par La preda de Domenico Paollela. C'est à Pier Ludovico Pavoni, un des spécialistes de l'érotisme italien, que revint la tâche de les réunir dans un nouveau drame situé cette fois dans la profonde Sicile. La peccatrice est un mélodrame, une tragédie sur fond social qui va se dérouler de façon inexorable au coeur des paysages arides d'une Sicile implacable et superstitieuse. Pavoni situe ce drame sur les terres brûlées de la Solfatara où se dresse un camp de travail pour dissidents géré par le Patron, un homme au coeur aussi dur que les
roches qui sont extraites des mines, obsédé par les belles et jeunes femmes. Il trompe allégrement son épouse, pieuse et rigide, qui a toujours fermé les yeux sur ses infidélités jusqu'au jour où il tombe sous le charme de Debra, l'envoûtante jeune femme de couleur d'un des travailleurs. Repoussée par les femmes du village, surnommée méchamment La femme noire, considérée comme une sorcière, celle par qui le malheur arrive, Debra va tout d'abord refuser ses avances. Le jour où son mari meurt à la mine, une des servantes du Patron va l'inciter à se jeter dans ses bras. Blessée, furieuse, son épouse va ramener leur fils, Michele, au village afin qu'il raisonne son père. Malheureusement Michele tombe amoureux de Debra et décide de partir avec alors que la colère des ouvriers, las d'être exploités, monte de plus en plus.
La grande force de La peccatrice est d'une part son réalisme, d'autre part la beauté de ses décors naturels. Les terres volcaniques desséchées de la Solfataria dans le sud de l'Italie servent de toile de fond à l'histoire et semblent être à l'image de ce que vit Debra, un enfer sans aucun espoir de retour, une sorte de purgatoire dont elle ne sortira pas comme la condition d'esclave-servante à laquelle elle ne pourra échapper. A la rudesse des landes, sauvages, belles et fascinantes, s'ajoutent les vieilles superstitions locales, les mentalités d'hier, arriérées, empreintes de croyances ancestrales auxquelles croient ces paysannes hostiles, fermées toutes de noir vêtues. Pavoni tente entre autre de démontrer combien ces superstitions peuvent parfois régir le comportement humain, comment ce qui nous effraie
peut conduire à des actes particulièrement abominables. C'est la triste réalité de la vie au quotidien de Debra, rejetée de toutes car elle est noire mais désirée par tous les hommes car elle est divinement belle. Elle est donc une sorcière qu'il faut détruire, celle qui par le malheur arrive.
Dans ce contexte suffocant se greffe tout un fond social, celui des travailleurs dissidents employés dans ces mines régies par un patron redoutable, leur lassitude, leur exploitation qui les mènera à la révolte. Sur ce plan, La peccatrice pourrait être vu comme un film historique sur une période difficile de l'Italie qui n'aurait rien à envier au grand cinéma italien. Si Pavoni est parvenu à très bien retranscrire à l'écran la dureté du travail dans ces camps écrasés par le soleil et la misère paysanne qui vit au rythme des superstitions, il n'a guère cherché à creuser ces sujets et s'est arrêté au simple mélodrame. Il se contente d'aligner tous les stéréotypes possibles sans jamais rien approfondir. Et c'est bel et bien là le gros défaut du film. On reste beaucoup trop sur notre faim.
Pavoni reste dans le superficiel, ne fait qu'effleurer du bout du doigt les problèmes, se concentre sur cette impossible double histoire d'amour mais l'ensemble sonne faux tant on a l'impression de suivre un roman-photo dramatique. Le réalisateur use et abuse des poncifs du genre et on devine très vite l'issue du film. Aucune réelle surprise donc pour ce triangle amoureux dont on connait à l'avance les tenants et les aboutissants, cette romance éperdue basée sur une passion destructrice entre un père, son fils et cette femme de couleur. Et ce n'est pas l'interprétation qui donnera un peu plus de crédibilité à l'histoire. Francisco Rabal ne semble guère convaincu par son personnage de Patron-père-mari et amant et ne lui donne surtout aucune force ni relief tant et si bien qu'il sombre vite dans l'insipidité. Quant à Franco Gasparri, le brushing parfait, il est d'une rigidité étonnante, totalement inexpressif et
ne fait que prendre ces poses de roman-photo dont il était la star. C'est là une de ses plus mauvaises interprétations de sa brève carrière d'acteur. Restent les prestations de Ettore Manni, excellent dans le rôle de cet ouvrier révolté et Zeudi Araya, la pécheresse du titre, splendide et toujours aussi fascinante. A leurs cotés, on reconnaitra une Sonia Viviani à ses tout débuts dans le court rôle de la fille d'une des servantes que le patron déflorera. On pourra également regretter que l'érotisme soit si discret alors que le thème s'y prêtait largement. Pavoni qui nous avait habitué à beaucoup plus d'audace ne profite guère de la présence de la superbe Zeudi et ne la déshabille que très furtivement lors d'une scène de bain. Les scènes d'amour sont quant à elles d'une extrême sobriété, de quoi dépiter tous les admirateurs de la comédienne d'origine éthiopienne et du ténébreux Franco Gasparri. On est donc loin, très loin des ébats passionnés sur fond d'océan de La preda.
Si cette superficialité, ce manque de profondeur, reste fort navrant, si le couple Araya-Gasparri échoue cette fois à véhiculer cette passion érotique qui définissait le film de Domenico Paolella, La peccatrice se laisse cependant visionner avec un plaisir non dissimulé ne serait ce que pour la splendeur de ses décors, envoutants, une partition musicale magnifique et sa chanson phare, un chant traditionnel sicilien, La piccatura, qui traduit toute la misère des ouvriers et de ses paysans, et son final destructeur, cruel qui n'est pas sans rappeler la mise à mort de Florinda Bolkan dans Non si sevizia un paperino. Cette procession de femmes en noir qui gravissent cette colline sauvage brûlée par le soleil pour lapider "la négresse", oiseau de mauvais augure qu'on doit tuer dans un accès de violence aveugle, a quelque chose d'à la fois solennel et terrifiant.
La peccatrice avait tout pour égaler les meilleurs films du grand cinéma italien des années 60 et 70. Malheureusement Pavoni n'a pas réussi à tenir les promesses qu'on était en droit d'attendre d'un aussi magnifique scénario. Ne reste qu'un agréable mélodrame esthétiquement superbe sans véritable surprise qui tentait de jouer sur la popularité alors au sommet de Gasparri et Zeudi Araya.