Suor omicidi
Autres titres: La petite soeur du diable / La nonne qui tue / The killer nun / Deadly habits / A freira assassina / La monja homicida
Real: Giulio Berruti
Année: 1977
Origine: Italie
Genre: Giallo
Durée: 87mn
Acteurs: Anita Ekberg, Paola Morra, Alida Valli, Massimo Serato, Daniele Dublino, Lou Castel, Joe Dallesandro, Laura Nucci, Alice Gherardi, Sofia Lusy, Nerina Montagnani, Franco Caracciolo, Brunello Chiodetti, ILeana Fraja, Lee de Barriault, Lesly Thomas, Aldo De Franchi, Enzo Spitaleri...
Résumé: Sœur Gertrude fut autrefois opérée d'une tumeur au cerveau. Elle assiste aujourd'hui le Dr Poiret dans l’aile psychiatrique d’un hospice. Soeur Gertrude, une femme de caractère, souffre cependant de terribles max de tête depuis son opération. Afin de soulager la douleur de plus en plus insupportable elle est devenue dépendante à la morphine et souffre désormais de graves pertes de mémoire et d'absences qui lui font commettre de nombreuses maladresses envers les malades. C'est alors qu'une série d'assassinats se produit au couvent. Tout semble accuser Gertrude qui pourtant ne se souvient de rien. Gertrude sombre t-elle dans la folie ou est elle au centre d'une diabolique et cruelle machination?
Si le producteur scénariste Giulio Berruti avait en 1976 signé un petit drame érotique aujourd'hui oublié qui réunissait Lorraine de Selle, Nieves Navarro et Robert Hoffman, Noi siam come le lucciole, Suor omicidi restera le film pour lequel on se souviendra de son passage derrière la caméra. Difficile d'aborder ce second et ultime métrage du metteur en scène tant il met en avant de nombreux thèmes comme il est assez difficile de le classer dans une catégorie précise. Suor omicidi sorti en vidéo en France sous le titre La petite soeur du diable mais également La nonne qui tue pourrait passer pour un nunsploitation pour le lieu où se situe l'action, un couvent, mais il relève également du psycho killer et du giallo tradtionnel dont il reprend certains éléments. Voilà qui fait du film de Berruti un parfait hybride qui malgré son aspect composite se révèle plutôt efficace à l'image de son scénario.
Soeur Gertrude s'est autrefois faite opérée d'une tumeur au cerveau qui semble t-il lui a laissé quelques séquelles, de terribles maux de tête qu'elle doit calmer à l'aide de fortes doses de morphine. Si ces maux de tête lui font le plus souvent perdre la mémoire ils la rendent également violente. Les erreurs qu'elle commet lui font perdre sa place d'assistante auprès du docteur Poiret. Gertrude implore la Mère Supérieure de lui faire faire de nouvelles analyses mais celle ci refuse. C'est alors qu'une série de meurtres particulièrement sadiques se produisent au couvent. Les patients de Gertrude meurt les uns après les autres
assassinés par l'ombre d'une nonne. Tout porte à croire qu'il s'agit de Gertrude que les indices accablent. Seule Soeur Mathieu, la novice qui partage sa chambre, la soutient d'autant plus qu'elle en est très amoureuse. Gertrude la repousse et l'humilie même si secrètement elle est jalouse de la relation qu'elle semble avoir avec le nouveau et séduisant docteur venu remplacer Poiret. Un ultime assassinat a lieu. Il porte un coup fatal à Gertrude arrêtée par la police et internée sous l'ordre de la Mère Supérieure. Gertrude réalise trop tard qu'elle a été victime d'une terrible machination plus rien ne viendra la sauver. Le véritable meurtrier vient alors se confesser.
Inspiré d'un fait divers belge qui se déroula dans les années 70, une nonne aurait assassiné plusieurs de ses patients à l'hospice où elle officiait, le film de Berruti reste aujourd'hui encore assez fascinant malgré ses faiblesses. D'une part pour son aspect religieux, très important ici. Non seulement car ce sont des nonnes qui en sont les principales protagonistes mais également parce que Berruti développe moult thèmes qui s'y rattachent de manière plus ou moins sulfureuse notamment à travers un soupçon de pédophilie et une bonne dose de lesbianisme qui donnent au tueur ses motivations profondes mais également à l'ensemble un coté très exploitatif renforcé par les pulsions sexuelles de
Gertrude qui incapable de réfréner ses désirs interdits s'offre à un inconnu, habillée en putain. Voilà qui offre à Berruti l'occasion d'étaler à l'écran bon nombre de plans de nu audacieux et de scènes de drogue qui satisferont pleinement les amoureux de pure exploitation. Ce coté blasphématoire propre au nunsploitation n'empêche cependant pas Berruti de particulièrement bien cerner le personnage de Gertrude, une malheureuse nonne qui souffre le martyr et perd peu à peu la raison, un être seul face à la maladie à laquelle personne ne veut croire, une victime qui se retrouve malgré elle au centre d'une série de
crimes odieux dont on va l'accuser, parfaite cible d'un implacable tueur qui sévit au couvent. Il est bien entendu assez facile de deviner que la pauvre Gertrude n'est pas coupable même si Berruti maintient le suspens et parvient à faire douter le spectateur de son innocence. C'est un des atouts du film, cette volonté d'effacer ce doute tout en sachant que tout n'est que machination, l'identité du ou de la coupable étant plus qu'évidente contrairement à ses raisons qu'on découvrira lors de l'ultime minute. Il faut dire que malgré son coté hybride La petite soeur du diable se tient d'un bout à l'autre du moins dans son scénario.
Les personnages sont quant à eux moins crédibles non pas dans leur jeu mais dans l'aura qu'ils dégagent, plus spécialement Gertrude. Avoir choisi l'ex-diva de Fellini, la plantureuse Anita Ekberg, pour interpréter cette malheureuse nonne tourmentée et toxico-dépendante est plastiquement une bonne chose mais le coté très sophistiqué de l'actrice fait perdre à son personnage beaucoup de sa crédibilité. On a bien du mal à imaginer une soeur aussi sexy, aussi charnelle, aussi imposante et aussi maquillée. Certes le choix est osé mais plutôt incongru ici. Anita parvient même à écraser l'inégalable Alida Valli dans le rôle de la
Mère Supérieure. Il y a peut être un trop grand décalage entre la présence de Anita et le film lui même qui finalement n'est jamais qu'un petit produit commercial érotique voyeur et complaisant, tout réussi soit il. C'est un peu comme si on découvrait Catherine Deneuve au coeur d'un film de Bruno Mattei. Quant à Joe Dallesandro, l'ex-égérie gay du tandem Warhol-Morrissey, statique, s'avère une fois de plus un bien piètre acteur.
Hormis cela, The killer nun est un très bon petit film qui multiplie les moments forts avec une effronterie, une insolence parfois étonnante. Comme très souvent dans ce type de productions, l'Eglise est montrée comme hypocrite, perverse, une institution au climat putride
où règnent tous les vices, on s'adonne au péché, au mensonge, parfois cruel caractérisé ici par la Mère Supérieure. Homosexualité et pédophilie s'y dissimulent sournoisement. Berruti se permet même quelques séquences proprement hallucinatoires dont cette scène morbide presque onirique où sous l'effet de la drogue Gertrude s'imagine dans une morgue aux cotés d'un cadavre d'homme entièrement nu, la main posé près de son sexe, un plan impensable aujourd'hui qui rappelle les délires macabres de Mimsy Farmer dans Frissons d'horreur quelques années plus tôt. Stupéfiant également l'assassinat d'un sadisme glacial de la pauvre Sofia Lusy, des aiguilles médicales lentement enfoncées dans les yeux et le visage.
Surprenante la scène d'amour entre un vieillard paralytique et une infirmière, par une nuit d'orage, juste avant qu'il ne soit tué alors qu'il allait jouir. Très osée est la séquence où Gertrude humilie Mathieu, entièrement nue, en lui offrant des bas nylon tout en l'avilissant comme l'est le face à face entre Joe Dallesandro et Mathieu en fin de film, prête à lui faire une fellation.
Berruti se laisse aller aux outrances propre au cinéma Bis transalpin, arrose son script d'une bonne dose de perversité et de violence parfois gratuite mais il le fait avec une certaine intelligence sans jamais dépasser certaines limites et toujours dans le cadre de l'intrigue. Ainsi chaque excès peut trouver une explication même bancale. Suor omicidi se veut donc
plus ambitieux qu'un simple film dit Bis même si dans le fond c'est ce qu'il est et restera. Accompagné d'une agréable partition musicale signée Alessandro Alessandroni, inspirée et percutante notamment lors des séquences fortes, La petite soeur du diable, est une oeuvre intéressante tournée avec une certaine élégance et pas mal de froideur qu'on aurait peut être aimée un peu plus pointilleuse vu le talent et les aspirations de son metteur en scène. Outre Anita Ekberg et Joe Dallesandro, on y retrouvera quelques pointures du cinéma de genre italien telles que Massimo Serato, Lou Castel, Daniele Dublino ainsi que le futur hardiste Brunello Chiodetti. La petite soeur du diable sera aussi l'occasion de revoir la jeune Paola Morra qui trouvait là son seul et unique grand rôle après avoir été découverte parmi les nonnes de Intérieur d'un couvent de Borowczyk. Outre quelques softcore espagnols, Paola réapparaitra brièvement dans la sexy comédie La championne du collège dans les bras du regretté Maurizio Interlandi. Celle qui aura l'été l'amante éclair de Massimo Pirri disparaitra par la suite des écrans entrainée par ses addictions aux drogues.