Sirpa Lane: L'anti-Bardot
Elle restera à jamais celle par qui le scandale arrive, l'héroïne d'un film unique qui la rendit célèbre à travers le monde mais qui fut aussi la cause de sa perte professionnelle. Selon certains, elle était celle qui avait tout pour devenir la nouvelle Bardot. Mais le destin en décida autrement et des paradis promis la nouvelle muse de Roger Vadim ne connut qu'une lente descente aux enfers jusqu'à sa mort malheureusement trop tôt survenue.
Voici le parcours d'une beauté scandinave que l'Italie avait adopté pour le meilleur et surtout le pire, celui de la Belle qui un jour aima la Bête,la blonde Sirpa Lane.
Un petit mètre soixante-treize, blonde, les yeux couleur noisette, Sirpa Lane de son véritable nom Sirpa Salo vit le jour en Finlande, à Turku, en 1955. Si elle débute très jeune en tant que modèle, c'est en Suède qu'elle se fait remarquer par David Hamilton, le fameux photographe toujours en quête de beautés juvéniles. Etre remarquée par Hamilton va lui mettre le pied à l'étrier. Après une série de photos pour le spécialiste du flou érotique, elle fait ses débuts à l'écran en 1974 dans une mystérieuse petite production érotique indépendante intitulée Fluff signée de l'acteur américain Robert Paget. Encore brune à cette époque Sirpa n'a que 19 ans et la chance avec elle.
Justement cette chance lui sourit à nouveau lorsque cette fois c'est au tour de Roger Vadim de la remarquer et d'en faire sa nouvelle égérie. C'est ainsi qu'elle tourne sous sa houlette La jeune fille assassinée où elle y interprète la jeune Charlotte, l'héroïne principale, aux cotés de Vadim lui même mais aussi Michel Duchaussoy, Mathieu Carrère et Thérèse Liotard. Sirpa y dévoile déjà sans pudeur aucune ses charmes nubiles, ceux d'une jeune vierge dépucelée et tuée par son amant avec qui elle se laissait aller à de morbides jeux érotiques.
Roger Vadim, ébloui par son charme, voit en elle la nouvelle Brigitte Bardot dont il fut un temps le compagnon et pygmalion. La vie semble sourire à la jeune finlandaise qui semble être promue à un bel avenir cinématographique.
En 1975 c'est au tour de Walerian Borowczyk de faire appel à ses services pour ce qui restera le film pour lequel on se souviendra à jamais d'elle, le troublant La bête où Sirpa se laisse aller aux amours zoophiles avec la fameuse Bête du titre.
Véritable film à scandale, Sirpa y dévoile ses charmes sans honte ni pudeur, belle et désinhibée, jusqu'au corps à corps final, audacieux, torride et humide avec la Bête. La jeune fille plus libérée que jamais ose l'impensable. C'est un véritable coup d'audace pour l'actrice qui laisse exploser ses sens animalites jusqu'à cette spectaculaire douche de semence.
Si ce film lui offre la notoriété, il sera aussi son carcan. Condamnée à être l'actrice érotique audacieuse par excellence, Sirpa ne réussira pas à sortir de cette prison dorée dans laquelle ce rôle l'a enfermé. On la présente même comme une nouvelle Silvia Kristel.
Dés lors, le cinéma d'exploitation italien va s'emparer d'elle et ne la lâchera plus. En 1976, Mario Caiano lui offre le rôle principal de La svastica nel ventre / Destin de femme, un nazisploitation qui suit les traces de Salon Kitty. Sirpa joue une jeune juive sortie des camps de la mort par un officier SS masochiste qui en est tombé amoureux. Si Sirpa y est toujours aussi désirable, étalant une fois encore sa nudité lors de nombreuses séquences, elle confirme malheureusement ses piètres talents de comédienne même si Destin de femme demeure son film le plus abouti, le plus conséquent.
Installée en Italie, Sirpa va malheureusement très vite sombrer dans un cinéma de genre peu clinquant qui ne fait qu'exploiter cette sulfureuse renommée dont elle ne peut se débarrasser depuis le film de Borowczyk. Elle va devenir l'actrice pour "films animaliers" par excellence dans lequel elle ne fait que reproduire ce qu'elle fit jadis avec le célèbre réalisateur polonais.
Sa carrière va lentement décliner au fil des oeuvres de moins en moins fringantes dans lesquelles elle apparait même si elle continue à faire les belles pages des magazines spécialisés pour hommes en tant que modèle.
Elle est en 1977 une des protagonistes principales de l'agréable comédie Malabestia de Leonida Leoncini dans laquelle, quasiment nue une bonne partie du métrage, elle affole le pasolinien Ninetto Davoli aux cotés notamment de Femi Benussi et Enzo Monteduro.
En 1978, Joe D'Amato fait appel à ses charmes pour être l'héroïne de Papaya dei Caraibi / Et mourir... de plaisir,aux cotés de Maurice Poli et Melissa Chimenti, une des nombreuses oeuvres exotico-érotiques matinée de vaudou qu'il tourna à Saint-Domingue. Au fil du temps Sirpa peu à peu perd de son charme même si elle reste encore fort attrayante. Ses formes s'arrondissent lentement alors que son peu de talent s'amenuise de plus en plus. Joe D'Amato ne garda d'elle qu'un piètre souvenir. Le réalisateur ne mâchait pas ses mots lorsqu'il évoquait Sirpa. Pour lui elle n'était qu'une idiote, une sombre idiote prétentieuse et imbue d'elle même qui se donnait des airs de diva, fière d'avoir été l'élue de Vadim.
En 1979 elle est une des protagonistes principales de La bestia nello spazio, le cinquième film de la série de science-fiction signée Alfonso Brescia. Il s'agit en fait ici d'une sorte de plagiat spatial du film de Borowczyk puisque la plupart des séquences où elle apparait sont calquées sur celles de La bête jusqu'au viol final par le monstre troglodyte. Des inserts X particulièrement audacieux furent également tournés puis rajoutés pour l'exploitation européenne sans que Sirpa n'y participe bien entendu. Cette même année elle fait la Une des éditions américaines et espagnoles de Play boy.
En 1982, elle fait encore la couverture du numéro d'août du fameux magazine alors que Vadim une fois de plus y vante la beauté de Sirpa. Cette même année au cinéma, engoncée sous une lourde et affreuse perruque, elle est une bien piètre Lucrèce Borgia dans l'ennuyant Le notti segrete di Lucrezia Borgia où elle se laisse aller sans aucune conviction aux fantasmes débridés du réalisateur Roberto Montero Bianchi. Non créditée au générique, Sirpa continue sa vertigineuse déchéance avec Trois filles dans le vent un porno signé Jean-Marie Pallardy dans lequel bien ironiquement elle y interprète son propre rôle, celui d'une actrice nommée Sirpa qui refuse de faire du X. Elle est alors kidnappée par des producteurs sans scrupule.
La même année elle touche le fond en tournant Giochi carnali de Andrea Bianchi, une érotico-polissonerie aux limites du hardcore où, bouffie, le cheveu très court, elle est une infirmière prise en otage par deux violeurs en série qu'elle finira par castrer. Pur euro-trash, Giochi carnali, truffé de nombreuses séquences X pour lesquelles elle fut une fois encore doublée, sera son triste chant du cygne.
Pour Sirpa, la descente aux Enfers est sans appel. Celle qu'on propulsait nouvelle Bardot se serait alors tournée vers le porno avec notamment un énigmatique Nympho teens at Rome meet the wolfman avant de disparaitre. L'ex-égérie de Vadim, désillusionnée, fatiguée, décide alors de quitter le monde du 7ème art. Elle retourne un temps en Finlande où elle accorde encore quelques interviews, évoque sa carrière. A la fin des années 80, Sirpa apprend sa séropositivité qu'elle annoncera aux médias finlandais.
Seule, oubliée de tous, le Sida l'emportera dans l'indifférence générale. Elle décède en 1999 en Espagne où elle s'était retirée à l'âge de 44 ans.
Sirpa, maudite jusqu'à sa triste disparition, restera à jamais cette beauté scandinave qui fit les beaux jours des magazines masculins mais avant tout l'héroïne du film de Borowczyk, troublante, audacieuse, un rôle qui aura eu raison de sa jeune carrière, brisant les espoirs que certains avaient pu mettre sur elle. Sirpa restera le plus parfait mais surtout le plus triste exemple de ces actrices qu'un seul et unique film est parvenu à détruire.
Si Brigitte Bardot fut l'amie des bêtes, la Bête fut l'ennemie de celle qui devait lui succéder.