Sarah Crespi: princesse malgré elle
Voilà encore bien un nom surgi de l'inconscient collectif, un de ces noms sur lequel il est toujours bien difficile de mettre un visage ou réciproquement. Cette jeune comédienne est d'autant plus difficilement identifiable qu'elle n'a tourné que très peu de films, cinq en tout et pour tout, dans lesquels elle a connu la plupart du temps une fin tragique. Elle fait donc partie de ces actrices dont on se souvient plus particulièrement de leur mort à l'écran.
Il est grand temps de faire renaitre sous la plume acérée du Maniaco la toujours aussi séduisante Sarah Crespi.
Soeur cadette de Patrizia Cecchi, ex-star des premiers romans-photos italiens et starlette de la télévision qui eut son heure de gloire au début des années 80, Sarah Crespi de son véritable nom Sarah Ceccarini est née en 1951. C'est bel et bien le fruit du hasard si la jeune fille s'est retrouvée un jour devant les caméras. En 1975 Sarah a déjà connu les infortunes du mariage. A 24 ans elle est fille-mère et a du retourner vivre chez sa mère afin de subvenir à ses besoins et pouvoir élever sa fille. C'est à cette époque que les photos qu'elle avait faites lorsqu'à 17 ans elle voulait être modèle ressurgissent. Elles tombent entre les mains de Riccardo Garrone qui cherche alors une jeune fille pour interpréter un des rôles de son second et ultime film, La commessa. Un agent la contacte et c'est très surprise qu'elle accepte de le recevoir. C'est ainsi que Sarah va doucement faire son entrée dans l'univers du cinéma. Elle obtient un des principaux rôles féminins dans La commessa, celui d'une jeune masseuse. Sarah ayant toujours paru plus jeune que son âge, ce personnage lui sied donc comme un gant.
La même année elle quitte Rome pour Paris afin de tourner La Pariggiana / The daughter of Emmanuelle de Guido Zurli, l'unique film dont elle sera la principale protagoniste. Ce film dont elle se souvient très bien lui donnera l'amour du cinéma. A savoir si jouer nue la dérangeait, Sarah affirme que si cela était toujours un peu gênant elle n'a jamais rien fait de scabreux. Si scabreux il y avait ce n'était jamais que des inserts ou des doublures auxquelles les producteurs faisaient appel.
C'est à son retour de Paris que Paolo Cavara lui téléphone afin de lui proposer un rôle dans le giallo qu'il s'apprête à réaliser E tanta paura. Savoir qu'elle allait tourner avec Corinne Cléry rend Sarah folle de joie. Elle avoue être tombée amoureuse de Corinne après l'avoir vue dans Histoire d'O. Alors qu'elle est en plein tournage, son agent l'informe que Renato Savini l'a choisi pour jouer dans I ragazzi della Roma violenta. C'est ainsi que Sarah se retrouve à travailler sur deux films à la fois, jonglant d'un plateau à l'autre. Si Sarah a un emploi du temps chargé cela ne lui déplait cependant pas.
Dans ces films, la jolie actrice connaitra une fin atroce, jetée en pâture à un tigre par John Steiner dans l'un, petite amie de Mario Cutini abusée par Francesco Pau et Gino Milli, elle se jette sous un train dans l'autre. De suite après ces deux films elle enchaine avec un des meilleurs nazisploitations italiens, La svastica nel ventre de Mario Caiano, dans lequel elle finit électrocutée sur des fils barbelés après avoir été violée par des officiers SS. Elle est ensuite au générique du téléfilm de Salvatore Nocita, Ligabue.
Si elle devait par la suite tourner un film aux cotés de Juliette Meynel, cela ne se fera malheureusement pas. La svatisca nel ventre aura été bien malgré elle son ultime film. Elle devait en effet se rendre chez l'époux de Juliette, le prince Ruspoli, avant le début du tournage. Nous sommes en mars 1976, c'est le coup de foudre entre le prince et Sarah. Il quitte Juliette et les deux amants commencent une histoire d'amour qui durera six ans, six années durant lesquelles jaloux et maladivement possessif, le prince interdit à Sarah de
poursuivre sa carrière d'actrice. Si de son coté elle souhaitait plus que tout la continuer, il fera tout pour l'en empêcher. Les portes du show-bizz se referment alors très vite sur elle, le cinéma l'oublie, ses anciens amis la snobent, pensant qu'elle préfèrent jouer les princesses hautaines, loin d'imaginer ce qu'elle vit en réalité, prisonnière d'un époux qui l'emmène aux quatre coins du monde. Cette vie de rêve n'est pourtant pas celle à laquelle elle aspire. Elle mettra finalement un terme à leur relation, lassée de cette vie de princesse qu l'ennuie, une vie qui n'était pas la sienne.
De nouveau libre, sa fille désormais mariée, Sarah peut commencer à revivre, débuter une nouvelle jeunesse dit-elle. Avec une amie, elle se lance dans la mode. Financièrement à l'aise, elle pouvait faire ce que bon lui semblait. Et le hasard frappa à sa porte en 2006. Alors qu'elle dinait dans un restaurant avec son nouvel amant, le fameux agent des stars, Tony Askin, la reconnut et lui proposa un rôle dans une fiction TV, Gente di mare 2. Folle de joie à l'idée d'être à nouveau devant une caméra, elle accepta. Après une absence de 30 ans, Sarah se retrouvait enfin sous le feu des projecteurs, toujours aussi jeune et séduisante, comme si le temps n'avait eu aucune emprise sur elle.