Antonia Santilli: Une si parfaite doublure
Si son passage dans l'univers du cinéma de genre transalpin fut des plus brefs, elle demeure pourtant dans l'inconscient collectif de l'amateur pour quelques rôles marquants certes mais surtout et avant tout pour avoir été la généreuse doublure d'Ornella Muti. En effet, elle prêta maintes fois son corps et son intimité à la future diva alors mineure lors de ses premiers films. Et c'est après quelques courtes années seulement d'activité dans le monde du 7ème art qu'elle mit fin à sa carrière et disparut des écrans.
Voici la belle histoire d'une toute aussi belle doublure, décomplexée et désinhibée, celle d'Antonia Santilli.
Née à Spigno Saturnia le 8 août 1949, la belle Antonia, studieuse élève issue d'un milieu bourgeois, s'exile assez tôt à Rome pour suivre des cours à l'université de lettres modernes puis en sociologie. C'est diplômée dans ses deux disciplines qu'elle sortira haut la main à la fin des années 60. Tout juste âgée de 20 ans elle se passionne pour le théâtre et participe entre deux cours à quelques représentations provinciales mais c'est surtout comme modèle qu'elle va se faire remarquer. En effet, Antonia ne cache pas son rêve a toujours été de faire du cinéma et c'est la raison pour laquelle elle devient mannequin.
En 1971, le fameux magazine Playmen lui propose de poser nue pour sa page centrale. C'est sans hésiter qu'Antonia accepte, voyant là une très belle occasion de se faire remarquer par quelques producteurs. Rien de plus naturel pour la Belle qui n'éprouva alors aucune honte à avoir recours à un tel procédé. La même année, désinhibée et sans complexe, fière de sa beauté, elle devient la doublure d'une toute jeune Ornella Muti encore mineure pour les scènes de nu de Il sole nella la pelle et Un posto ideale per uccidere.
Antonia ne laisse pas indifférent les agents artistiques et autres producteurs. Elle va donc faire son entrée au cinéma en 1972 par le biais de quelques polissonneries érotiques puisqu'elle est à l'affiche de trois décamérotiques, Fratello homo sorella bona de Mario Sequi, Decameroticus / Les nouveaux contes immoraux de Giuliano Biagetti qu'elle retrouvera un an plus tard pour la comédie dramatique Ancora una volta prima di lasciarci et Boccaccio de Bruno Corbucci pour une rapide scène de bain. La carrière d'Antonia est ainsi lancée. A cette même période elle épouse un homme d'affaires très influent beaucoup plus vieux qu'elle. Son mariage se conclura malheureusement assez rapidement par un divorce. Si on put lire parfois qu'elle fut agent artistique à cette époque, Antonia dément formellement cette rumeur.
Antonia poursuit donc sa carrière de comédienne. Toujours en 1972, elle est l'interprète principale de Mon corps avec rage de Roberto Natale. Elle y joue une jeune fille velléitaire et révoltée en guerre contre ses parents. Elle est ensuite au générique de Grazie signore p... / Orgies Mesdames les putes de Renato Savino dans lequel elle est créditée sous le nom d'Irina Ross. D'Antonia, Renato Savino en garde un souvenir fabuleux. Il eut grand plaisir à tourner avec celle qu'il surnomme Donna Antonia, ébloui par sa beauté, sa simplicité et surtout sa facilité à se mettre nue. Elle fut une des seules actrices à se déshabiller entièrement sans aucune gêne sur le plateau mais fut cependant doublée pour les scènes les plus osées. Elle garde par contre de Ida Galli, sa partenaire dans le film, un bien mauvais souvenir. Les deux actrices ne se supportaient pas dû en grande partie à une certaine rivalité. Elles passèrent leur temps à s'éviter hors caméra et ne s'adressèrent nullement la parole. Antonia affirme d'ailleurs qu'elle ne s'est jamais très bien entendue avec ses partenaires féminines de manière générale.
En 1973 elle est au générique de Io e lui de Luciano Salce qui reste un de ses films préférés car il lui permit de se faire connaitre d'un plus vaste public. Elle affectionne également beaucoup son film suivant Buona parte di Paolina de Nello Rossato dans lequel elle tient pour la première fois le rôle principal.
C'est alors que Fernando Di Leo fait appel à son talent et lui offre un joli rôle dans Il boss, la fille du protagoniste principal, un mafieux. Ce fut pour Antonia un rôle difficile car elle devait réciter aux cotés de grands noms tels que Henry Silva. Le film lui apportera alors la notoriété. Pourtant Antonia est déjà au crépuscule de sa carrière puisqu'elle tournera encore un western Il giustiziere di Dio de Franco Lattanzi avant de partir pour la Russie, à Moscou plus exactement, où elle va tourner un des gros succès du cinéma russe d'alors Una matta matta matta corsa in Russia de Eldar Riazanov co-dirigé avec Franco Prosperi. Antonia est trés fier de ce film dont elle garde un fabuleux souvenir.
L'étoile d'Antonia brille, on la compare même à Stefania Sandrelli ou Anna Maria Pierangeli. Ce sera pourtant son ultime film. Pour l'anecdote, Antonia s'était vu proposer lde tenir le rôle de la compagne de Al Pacino dans Serpico mais elle refusa préférant tourner le film Riazanov. Après Una matta matta corsa in Russia Antonia va encore poser pour un roman-photo dirigé par Tinto Brass qui ne tarit pas d'éloges sur elle puis Antonia va disparaitre. Cette disparition aussi soudaine qu'incohérente va dérouter ses nombreux admirateurs qui ne comprennent pas d'autant plus que lors d'une des très rares interviews qu'Antonia a accepté de donner à l'époque elle se projetait dans l'avenir avec sérénité et espérait bien tourner de nombreux autres films. Antonia ne réapparaitra plus et beaucoup vont s'évertuer alors à la chercher mais en vain.
Quelque temps après sa mystérieuse disparition, le magazine Nocturno lui dédiera une très longue rubrique dans ses colonnes. Antonia s'est ensuite tournée vers d'autres horizons. Elle travailla en tant que publicitaire pour Berlusconi à la Fininvest, puis pour la RAI jusqu'à son mariage. Dés lors Antonia s'est surtout consacrée à un tout autre métier, celui de maman. Installée à Rome, elle a adopté en effet un enfant, centre principal de sa nouvelle vie, ne souhaitant plus revenir sur sa carrière d'actrice sur laquelle elle pose un regard très philosophe et objectif.
Malgré les quelques trente années passées, les admirateurs d'Antonia ne l'ont pas oublié et elle demeure à jamais dans nos coeurs de bissophiles. Tout ce que nous pouvons espérer c'est qu'un jour prochain elle nous réapparaisse de façon aussi inattendue qu'elle s'est évaporée. Antonia si tu nous lis, notre porte comme notre coeur t'est ouverte.