Boccaccio
Autres titres: The nights of Boccaccio / Las noches de Boccaccio
Real: Bruno Corbucci
Année: 1972
Origine: Italie
Genre: Décamérotique
Durée: 90mn
Acteurs: Enrico Montesano, Pippo Franco, Bernard Blier, Sylva Koscina, Isabella Biagini, Mario Carotenuto, Alighiero Noschese, Lino Banfi, Hélène Chanel, Giacomo Furia, Nello Pazzafini, Luca Sportelli, Antonia Santilli, Luisa Dominici, Franca Dominici, Maria Baxa, Pascale Petit, Pia Giancaro, Tamara Baroni, Paola Tedesco, Raymond Buissières, Andrea Fabbricatore, Grazia Marsilini, Isabelle Marchal, Gastone Pescuccini, Sandro Dori...
Résumé: Deux amis, Buffalmacco et Bruno, profitent de la crédulité de jolies épouses et de maris peu méfiants pour multiplier les aventures galantes grâce à d'habiles stratagèmes et autres escroqueries. Lorsque la peste déferle sur Florence, les deux larrons quittent la ville sans pour autant oublier de s'amuser...
Scénariste de deux décamérotiques (Le décaméron interdit de Marino Girolami et Il prode Anselmo et il suo scudiero) Bruno Corbucci en réalisa également deux, Il prode Anselmo... et Boccaccio qui est en fait la toute première décamérotique à avoir été tournée après la sortie et surtout le succès du Décameron de Pier Paolo Pasolini. Si on peut prendre peur en évoquant le nom de Bruno Corbucci souvent synonyme d'humour gras aussi lourd et indigeste qu'une platée de cassoulet et d'érotisme , Boccaccio fait partie de ces exceptions qui confirment la règle puisque le film fait non seulement partie des meilleurs films du
cinéaste mais il est également une des meilleures décamérotiques qui ait été réalisées du moins dans sa richesse scénaristique et son coté classieux. Boccaccio est aussi une des pellicules du genre qui se rapproche le plus de l'esprit des écrits de Boccace.
Composé de sept segments tous empruntés aux récits du Décaméron (notamment la nouvelle 10 de la 4ème et 5ème journée, la nouvelle 9 de la 7ème journée, la nouvelle 1 de la 8ème journée, la nouvelle 2 de la 4ème journée, la nouvelle 3 de la 8ème journée) reliés entre eux par les facéties du duo formé par Bruno degli Olivieri et Buonamico di Cristofano surnommé Buffalmacco, Boccaccio suit les mésaventures des deux coquins qui font tout
d'abord croire à Calandrino, un pauvre petit blanchisseur, qu'ils possèdent une pierre qui rend invisible. Avec l'aide d'une exubérante prostituée ils vont tenter de la leur vendre en le persuadant qu'il pourra ainsi aller où il veut, faire tout ce dont il rêve notamment trousser jupons sans jamais être vu. Crédule, Calandrino achète le caillou mais c'est en prison qu'il finira.
Les deux escrocs s'enfuient et c'est aux aveux d'une gente damoiselle, Mona Lisa, que Buffalmacco va alors s'intéresser. Caché dans l'église où le père Ignazio la confesse, il ne perd pas une miette de sa confession. Profitant de sa crédulité, il lui fait croire que Frère
Martuccio est fou amoureux d'elle et souhaite la rencontrer sous une fausse identité. Se faisant passer pour un des enfant de choeur qui escortent le saint homme il abuse d'elle.
Les deux fieffés larrons multiplient les escroqueries et par conséquent le nombre de leurs victimes. Parmi elles, l'aubergiste Nicostrato que sa femme trompe avec un amant dont le sexe est malheureusement prisonnier d'une ceinture de chasteté puis de nouveau le pauvre Calandrino encore victime des espiègleries des deux compères, la plantureuse Fiammetta et son mari Pietro, Lambertuccio et le vieux Cagastraccio. Malheureusement l'arrivée de la
peste sur Florence met fin à leurs exactions. Suivis de tous les protagonistes du film ils parviennent à quitter la ville à bord du carrosse de la princesse de Civigni. Sur leur chemin ils croisent le pauvre Lambertuccio poursuivi des assiduités de la fille de Cagastraccio, un laideron toujours vierge nommée Belcolore, joué par un homme travesti, qui s'est amouraché du malheureux. Les deux compères proposent à Lambertuccio de fuir Florence avec eux mais l'homme préfère finalement rester et épouser la jeune fille après avoir l'avoir vu nue, découvrant son corps magnifique aux courbes parfaites.
A Corbucci aidé au scénario par l'impayable Mario Amendola, peu importe la continuité des aventures de son duo qui s'enchainent sans véritable lien. Seuls comptent l'humour et le
divertissement, ce sentiment d'allégresse et de joie de vivre qui inonde d'un bout à l'autre du métrage cette pure décamérotique dont l'essence est le cocufiage, ces maris jaloux ou impuissants que leur épouse s'empressent de tromper à tout va. Boccaccio dont l'action se situe à Florence en l'an de grâce 1340 respire la bonne humeur. Si le couple de larrons que forment Buffalmacco et Bruno fonctionne parfaitement il permet surtout à leurs interprètes, Enrico Montesano en tête, de multiplier grimaces, déguisements et imitations mais également les chorégraphies qui accompagnent d'assez nombreuses séquences chantées, des airs joviaux qui donnent simplement envie de danser comme on dansait en ces temps
médiévaux sur des chansons égrillardes fort entrainantes, une partition musicale qu'on doit à Carlo Rustichelli. Trop nombreux pour être répertoriés les gags inondent le film, jamais grossiers ou lourds, chose étonnante pour un Corbucci qui n'a guère l'habitude de faire dans la légèreté.
On pourra également voir dans Boccaccio une certaine lecture socio-politique, celle du sous prolétariat montré comme fourbe et particulièrement rusé en incessante lutte contre le pouvoir et l'argent tout puissant représentée par une certaine bourgeoisie. Le petit peuple va ainsi contre toute loi et toute autorité ne cherchant qu'à gouter pleinement aux plaisirs de la
vie à travers l'adultère, le cocufiage, ces folles aventures qu'il vit avec toutes ces damoiselles et dames peu vertueuses qu'il croise sur son chemin au gré du hasard. En ce sens le film de Corbucci est un magnifique exemple de la philosophie de Boccace, un des plus parlants, des plus réussi. Il n'est pas cependant pas le plus visuellement osé, l'érotisme reste cette fois assez sage, peu de nu intégral encore moins gratuit. Le cinéaste ne montre que ce qu'il y a à montrer. Il se contente de poitrines semi dénudées ou simplement dénudées, quelques rapides nus tout à fait décents et... c'est tout même si l'esprit égrillard et bel et bien présent, l'ensemble filmé dans une Florence médiévale joliment reconstituée tant au niveau des
décors que des costumes colorés souvent très beaux. Le film fut tourné pour l'essentiel à Terni en Ombrie et à Viterbo dans le Latium.
Un des autres atouts du film est sa prestigieuse affiche notamment féminine puisqu'on pourra y admirer plus ou moins longuement une pléthore de starlettes de l'érotisme toutes plus en forme(s) les unes que les autres dont Maria Baxa, Silva Koscina, Paola Tedesco, Antonia Santilli, Pascale Petit, Isabella Biagini, Isabelle Marchal, Hélène Chanel et Pia Giancaro aux cotés entre autres de valeurs sûres comme Mario Carotenuto, Nello Pazzaffini, Lino Banfi et les français Bernard Blier et Raymond Buissières même si la
vedette revient haut la main au duo formé par Enrico Montesano et Pippo Franco souvent irrésistibles. Pratique courante alors dans ce type de cinéma c'est un jeune acteur travesti qui interprète l'ingrate et moustachue Belcolore. Il sera remplacé dans les ultimes images par une jeune fille qu'on ne verra que de dos, une énigmatique Luisa Dominici non créditée au générique.
Véritable petite bombe de gaieté et d'humour joliment salace, plus comique qu'érotique, Boccaccio, inédit en France, est non seulement une des décamérotiques qui colle le plus à l'univers de l'écrivain, une des plus réussies, mais également un superbe exemple d'un
cinéma populaire coquin aujourd'hui bien révolu. Drôle, divertissant, mené de main de maitre par un Corbucci professionnel qui ne laisse place à aucun temps mort, Boccaccio est un spectacle de qualité aussi joyeux qu'une farandole que l'amateur saura apprécier mais aussi un des meilleurs films de son auteur.
Pour information seul le DVD est proposé dans sa version intégrale et son montage initial. Les copies notamment télévisées sont non seulement tronquées mais le personnage interprété par l'exubérante Tamara Baroni n'y est apparait pas.