Maniaco Deprebis

Raging sun raging sky est le dernier film du tryptique gay de Julian Hernandez ouvert six ans plus tôt par A thousand of clouds of peace puis Broken sky . A l'instar de ses précédents films la référence au ciel est une fois de plus évidente mais cette fois Hernandez, jeune metteur en scène mexicain venu du court métrage, utilise de surcroit les quatre éléments fondamentaux notamment l'eau, signe de pureté et de rédemption, et la terre, symbole de mort et de renaissance, comme métaphore pour cette histoire d'amour éternel aux limites du surréalisme.

Oeuvre mystique, Raging sun raging sky s'ouvre sur les errances d'hommes en quête de plaisirs sexuels dans les sous-sols d'un ciné porno délabré. Dans ce cruising aussi miséreux que misérable le jeune Ryo semble être à la recherche de quelque chose ou de quelqu'un, alléchante proie pour toutes ces silhouettes avides d'instants aussi charnels que furtifs. Parmi elles, un autre jeune garçon, Tari, l'a repéré mais Ryo lui échappera avant qu'il n'ait eu le temps de l'aimer. Tandis que Ryo retrouve Kieri, le garçon dont il est épris, Tari se fait violer. A l'agonie sous l'orage diluvien, Tari sombre et commence alors un long voyage au delà des rêves dans lequel les trois protagonistes vont se retrouver pour une longue quête mystique.

Raging sun... marie parfaitement la plus lointaine mythologie à l'urbanité de notre société actuelle. Voilà une oeuvre proche de l'expérimental aussi philosophique que métaphorique, à la fois visuellement splendide et franchement déconcertante.
Filmé dans un N/B glacial, le film d'Hernandez est une sorte de saint-martyr dans lequel la mort lie les trois protagonistes. C'est en effet dans la mort et par conséquent dans l'au delà que l'Homme peut trouver outre la rédemption l'accomplissement de soi lorsque son amour est aussi pur qu'absolu.

Ryo se cherche, il est incertain, il a peur face aux sentiments qu'il éprouve pour Kieri qui de son coté ne fait qu'un avec Ryo. Leur amour est puissant et lui seul donne un sens à leur vie. C'est dans ces craintes que Ryo va mourir enlevé par Tari, jaloux de cet amour, qui possède enfin celui qui lui a échappé. Tari personnifie la luxure, le désir, l'envie. Il est le coté lubrique et pervers de tout être. A travers ce rapt, il invite Kieri à une longue et difficile quête qui le mènera à la résurrection. Afin de redonner vie à Ryo il devra faire don de son corps et de sa vie afin de renaître à son tour et trouver la rédemption.

Le jeune homme durant tout son voyage en des terres mythiques est protégée par une déesse nommée Le coeur du ciel. Elle lui insuffle la confiance et le guide à travers les épreuves tout en attisant son désir pour Ryo. Aprés avoir vaincu Tari, libéré de toute tentation et mû par l'amour exempt de tout désir, il tentera de redonner vie au corps de son bien-aimé en lui offrant sa semence en guise de sacrifice. Ce don lui coûtera la vie et c'est désormais Ryo qui porte le cadavre agonisant de celui qu'il aime. C'est en le recouvrant de terre qu'une nouvelle vie surgira de leur corps. La résurrection naît de la rédemption et de la pureté de l'âme et le Ciel récompense ceux qui savent aimer de manière absolue. Réunis dans une nouvelle vie, Ryo et Kieri s'aiment enfin sous les yeux cette fois réjouis de Tari, libre de toute forme de jalousie ou de désir interdit.
Tout empreint d'un romantisme et d'un homo-érotisme saisissant renforcé par ce N/B éclatant, Raging sun raging sky est une oeuvre hypnotique rythmée par une partition musicale à la fois étrange, envoûtante et oppressante à l'image du film qui par instant propulse le spectateur aux confins de l'onirisme.
Dénué de tout dialogue, Hernandez parvient avec brio à faire passer son message à travers d'une part les images et tout le symbolisme qu'elles véhiculent et d'autre part le jeu quasi parfait notamment dans leur palette émotive des jeunes acteurs, Jorge Becerra, Guillermo Villegas et Javier Olivan, la plupart du temps nus d'un bout à l'autre du film. Le défi en était d'autant plus difficile mais c'est haut la main que Hernandez le relève.

Dans cet univers Ryo et Kieri incarnent la relation parfaite, l'amour véritable celui qu'on vit lorsqu'on est parvenu à ouvrir les yeux et trouver en soi la foi.
Certes quelque peu difficile d'accès, Raging sun raging sky est un film cérébral qui demande au spectateur de mettre tous ses sens en éveil afin de pénétrer cet univers à la fois sauvage, tendre, effrayant et plein d'amour baignant dans un homo-érotisme aussi épidermique que fantasmagorique.

On retiendra plus particulièrement quatre scènes d'une rare beauté. Celle du cruising qui plonge le spectateur dans une autre dimension, aussi fascinante qu'angoissante où les silhouettes semblent par instant se mouvoir au ralenti, presqu'iréelles avant qu'elles ne se jettent sur leur proie pour mieux s'enlacer et se prendre le long des murs. Tout aussi fascinante, celle du viol muet de Tari, accroché à un grillage, sous une pluie battante, filmée comme un véritable film d'horreur décuplant sa puissance tout en donnant ainsi l'impression au spectateur que le dard phallique lui transperce les entrailles. Enfin, remarquable et terrifiante à la fois, la résurrection de Kieri, émergeant lentement de la terre d'un sol si craquelé qu'il en ressemble à un infini puzzle.

Si le film aurait peut être gagné en force si certains passages notamment vers la fin avaient été quelque peu réduits en longueur, Raging sun raging sky clot brillamment ce tryptique gay assez particulier. Ambitieux, véritable oeuvre d'art intriguante, si cela en est une vision, chacun au final y verra ce que son coeur et son esprit y trouvera. Les plus réticents se borneront quant à eux à admirer les corps et visages de ces trois anges latinos dont la beauté et les lignes parfaites de leur corps d'éphèbes les conduiront droit au nirvana.