Addio zio Tom
Autres titres: Les négriers / Farewell uncle Tom / Good bye uncle Tom
Real: Gualtiero Jacopetti / Franco Prosperi
Année: 1970
Origine: Italien
Genre: Mondo
Durée: 126mn
Acteurs: Gualtiero Jacopetti et Franco Prosperi ( Narrateurs)
Résumé: Les réalisateurs quittent les années 70 et font un bond dans le temps pour revenir à l'époque de l'esclavagisme. A travers toute une série d'images d'archives et d'images mises en scène ils nous proposent de nous faire découvrir l'histoire de l'Homme noir, des esclaves dans les champs de coton dans un contexte historique détaillé. Des prémices de la guerre de secession aux premières églises noires, de la bourgeoisie sudiste des hippies en passant par les Black Panthers, ils tentent de dénoncer les horreurs commises aux temps des colonies...
Fort du succès de Mondo cane en 1962 et du scandale provoqué par leur film suivant Africa addio, Gualtiero Jacopetti et Franco Prosperi, les pères de ce genre cinématographique particulièrement controversé qu'est le mondo, mirent en chantier en 1970 Addio zio Tom connu chez nous sous le titre assez évocateur de Les négriers. Aprés le choc de Mondo cane qui secoua le monde en 1962 et surtout les débordements sanglants de Africa addio où les réalisateurs revenaient sur les conflits coloniaux africains et leurs terribles répercutions sur la population à grands renforts d'images répugnantes et souvent barbares pour lesquelles ils furent accusés d'avoir commis de réels meurtres à but faussement journalistique, Jacopetti et Prosperi répondirent aux accusations à travers ce nouvel opus.
Distribué chez nous en son temps dans une version hautement amputée en vidéo le terrible tandem nous invite à un retour dans le temps, au 19ème siècle plus exactement, afin de nous faire faire un tour d'horizon de l'esclavagisme et de la traite des Noirs dans les champs de coton.
Avec pour année de départ 1970 le duo, projeté 100 ans en arrière, atterrit dans son hélicoptère présenté comme une véritable machine à remonter le temps, non loin d'un de ces champs. Il se propose d'être le témoin de cette époque, la caméra prête à filmer l'achat et la vente des esclaves avant qu'ils ne soient emmenés dans les plantations où ils seront victimes des pires maltraitances que bien entendu l'objectif implacable des réalisateurs détaillera avec complaisance. Traité comme un animal, tenu en laisse ou enchaîné, déambulant nu, l'Homme noir, après avoir été sélectionné comme on sélectionne du bétail, est entassé dans les cales des bateaux qui l'emmènent dans sa nouvelle demeure où il sera nourri dans des étables avant d'être fait esclave.
La grande nouveauté ici est d'avoir mélangé de véritables images informatives d'archives à de longues séquences tournées avec d'anonymes acteurs particulièrement réalistes. En ce sens Les négriers, intégralement tourné à Haïti, est plus un véritable film qu'un mondo à proprement parler même si l'objectif sournois et toujours aussi pervers des réalisateurs est de satisfaire la soif de voyeurisme du spectateur. On y retrouve également quelques personnages qui ont bel et bien existé tel que le Réverend Falton Stringfellow qui ici prêche l'utilité de l'esclavagisme. Cette longue et terrible plongée à travers le temps, le film dure plus de deux heures dans sa version intégrale, est un des mondo qui rencontra le plus de succès dû en partie à son coté documentaire historique mais surtout à l'ambition dont il fait preuve. A vrai dire, le film fut réalisé en majeure partie pour répondre aux attaques dont furent victimes Jacopetti et Prosperi. Ils proposèrent alors ce nouvel opus qui derrière son sensationnalisme se voulait surtout un film profondément antiraciste.
Pourtant sous son humanisme le discours reste identique, toujours autant hypocrite. Les commentaires à double sens toujours aussi solennels des réalisateurs donnant leurs avis sur la question, les interviews d'hommes pour la plupart blancs pour qui l'homme noir est dépossédé d'âme génèrent des thèses souvent édifiantes sur l'infériorité du peuple noir. Finalement Addio zio Tom provoqua encore de plus bruit que Africa addio. La réputation des deux metteurs en scène en sortit certes encore plus écorchée mais surtout grandie auprès du public qui au menu trouvera entre autres viols, castrations, maltraitances, dégradations de l'être humain... un programme vertigineux censé dénoncer les horreurs commises au bon vieux temps des colonies.
Comme dans la plupart des autres mondos, un certain second degré désamorce l'abomination des actes et décrédibilise quelque peu les propos des réalisateurs qui une fois de plus utilisent toutes les ficelles d'un genre désormais bien rodé: caméra nerveuse, tremblotante, effets stylistiques, gros plans obscènes, fascination éthnologique, musique décalée signée cette fois Riz Ortolani, enchaînements de scènes incroyablement barbares et de séquences plus édulcorées presque inoffensives qui tranchent avec la fureur de l'ensemble. Choquer c'est certes montrer mais c'est aussi ne pas montrer et laisser l'imagination du spectateur vagabonder. Le mondo a très bien compris cela.
Sur plus de deux heures, Jacopetti et Prosperi passent en revue presque un siècle d'histoire, de l'esclavagisme aux prémices de la guerre de sécession, des premières églises noires à la bourgeoisie sudiste, des hippies aux Black Panthers, avec toujours en toile de fond le corps humain et ses organes génitaux, objet avant tout sexuel et parfaitement déshumanisé.
Si aujourd'hui la force du film a quelque peu diminué, il demeure tout de même un des piliers du mondo, subversif, cruel, voyeuriste, pervers, outrancier, crasse et nauséeux derrière le faste de ses décors et son casting haïtien totalement anonyme parfaitement crédible. Addio zio Tom, parfait exemple de cinéma d'exploitation transalpin nauséeux, devrait réjouir tous les amateurs de ce style fort controversé, à la fois fou et grandiose, témoin d'une époque où on pouvait tourner de telles oeuvres aujourd'hui totalement impensables, inimaginables, et ainsi satisfaire les plus vils instincts d'un public aussi averti que voyeur.