Sebastiane
Autres titres:
Réal: Derek Jarman
Année: 1976
Origine: UK
Genre: Fantastique / Erotique gay
Durée: 90mn
Acteurs: Leonardo Treviglio, Barney James, Lindsey Kemp, Neil Kennedy, Richard Warwick, Donald Dunham, Ken Hicks, Daevid Finbar...
Résumé: En l'an 303 avant J.C, l'empereur Diocletien persécute les chrétiens. Le jour de la fête de la naissance du Soleil, Sebastiane prend la défense d'un jeune page accusé d'homosexualité. Il est alors déchu et envoyé avec d'autres soldats dans un avant poste en plein désert où chacun dévoré par ses désirs vont s'adonner à l'homosexualité devenue forme courante depuis l'isolement des femmes. Seul Sebastiane, chrétien convaincu et futur martyr, refusera les plaisirs virils...
Réalisé en 1976 par Derek Jarman, Sebastiane provoqua un énorme scandale lors de sa sortie et fit l'effet d'une bombe non par pas le scabreux des images mais du propos lui même. Libre adaptation du célèbre martyr St Sebastian, Jarman y mélange en effet religion chrétienne et homosexualité et fait de son film une véritable fable homo-érotique fantastique à la limite du surréalisme, une sorte de rêve aux relents sado-masochistes, une fantasmagorie païenne où le réalisateur déploie toute une imagerie homo-érotisante absolument renversante.
Sebastiane s'ouvre justement sur une étonnante fête païenne vouée au Soleil qui n'est pas sans rappeler les délires hystériques de Ken Russel dans Les diables sur lequel Jarman fut le directeur artistique et l'univers monstrueux du Satyricon de Fellini. Des danseurs outrageusement maquillés et affublés de pénis géants dansent en transe jusqu'à l'apothéose de ce carnaval endiablé: une éjaculation faciale sur le maitre de cérémonie avant la mise à mort d'un jeune page accusé d'homosexualité, la gorge arrachée à pleine dents.
Le jeune Sebastiane, chrétien convaincu, favori de l'empereur et chef de la garde prétorienne, ayant pris sa défense se voit déchu et envoyé en plein désert en compagnie d'autres soldats sous la houlette de Severus, un centurion cruel qui va s'éprendre de Sebastiane.
Sublimé par une magnifique photographie, ce désert aride fait de rocs et de sable bordé par la mer et quelques lagunes cristallines, donne au film une aura surréaliste, intemporelle, fascinante. C'est dans ce décor idyllique qu'on assiste au long calvaire de Sebastiane qui refuse non seulement toute forme de violence mais également les plaisirs homosexuels. Il repousse ainsi les avances de Severus qui n'a d'yeux que pour lui, clamant sa foi au Christ. Vivant nus, livrés à leurs désirs sexuels qu'ils ne peuvent contenir dans un univers propice à tous les jeux d'où toute femme ou putain est absente, ces soldats se laissent aller aux joies des amours homosexuelles magnifiquement incarnées par la passion torride qui lie Anthony et Adrian qui s'ébattent dans les flots de la lagune sous l'oeil envieux de Severus.
Longs et langoureux ralentis sur les corps fiévreux et ruisselants qui s'enlacent, s'ébrouent, s'aiment, plongent dans l'onde pure qui éclabousse en milles goutelettes, Jarman a ici recours à une homo-érotisation foudroyante aussi puissante que lors de la longue séquence où Sebastiane se lave au puits. La caméra lèche et caresse avec amour chacune de ses courbes, sublimant la beauté de la nudité masculine tandis que l'eau coule et ruisselle le long de son corps.
Sebastiane lors de ces moments d'une intensité érotique étonnante se transforme en une sorte de songe érotique puissant appuyé par une très belle et lancinante partition musicale signée Brian Eno qui achèvera d'enflammer les sens du spectateur.
Risée de ses compagnons, Sebastiane devant son obstination et sa fidélité à Dieu va alors devenir un martyr. Ne pouvant plus contenir son attirance pour le jeune homme qui l'obsède, Severus le torturera jusqu'à ce qu'il lui cède.
Au delà des relations dominant / dominé s'instaure entre Sebastiane et Severus un étrange jeu de plaisir et de douleur, de désir et de luxure, un rapport de force entre amour et haine, folie et obsession. Si Sebastiane est tenté à se laisser aller, sa foi est pourtant plus forte et son combat s'en trouve encore plus dur puisqu'il doit désormais lutter contre cette attirance insidieuse et ce désir interdit.
Severus quant à lui est incapable de montrer ses sentiments par l'amour, il le fait donc à travers la souffrance et la violence condamnant Sebastiane au supplice ultime, la crucifixion. Monté sur la croix, il sera transpercé de flèches jusqu'à ce que mort s'ensuive.
Sebastiane est un conte gay fébrile et fiévreux, hallucinogène, irréel et mystérieux noyé dans une poésie homo-érotique et sado-masochiste toujours de bon aloi puisqu'il n'y a aucune scène de sexe explicite. Si le sujet s'y prêtait, Jarman les a évité pour mieux s'intéresser à la puissance évocatrice des images et une érotisation tout en poésie de son histoire.
Plus étranges sont les dialogues ésotériques déclamés en latin comme des poèmes. Voilà qui est rarissime voire unique dans les annales du cinéma puisque Sebastiane semble être le seul film a avoir été totalement tourné en latin mais bien heureusement sous titré en anglais.
La musique planante achève de donner au film cette aura de mystère tout en renforçant son coté hallucinogène. Cette magnifique partition trouvera toute sa force lors de la scène finale où la caméra à travers une lentille déformante remplace de l'oeil de Sebastiane qui regarde ses juges et bourreaux alors qu'il agonise sur la croix.
Sebastiane est une simple fable qui ne cherche à dissimuler aucun discours social précis ni message sous-jacent. Il ne faut y voir qu'un conte hérétique sur la religion et l'homosexualité, le retour de l'homme à ses instincts et pulsions primaires lorsqu'il est mis dans un contexte isolé et brutal uniquement régi par le sexe et la religion.
Tourné en Israël, Sebastiane tomba jadis dans l'oubli général, grave erreur aujourd'hui réparée grâce à son premier passage télévisé sur les chaines britanniques à la fin des années 90 lors duquel il provoqua une vague de scandale pour son contenu homo-érotique et sa sortie en DVD qui permettra à l'amateur de le (re)découvrir et l'apprécier à sa juste valeur.