To prosopo tis Medousa
Autres titres: Le visage de la Méduse / The face of Medusa / Vortex
Real: Nikos Koundouros
Année: 1967
Origine: Grèce
Genre: Drame / Expérimental
Durée: 80mn
Acteurs: Filippo Vlachos, Fanis Hinas, Alexis Mann, George Willing, Hara Angelousi, Yorgo Voyagis, Assounta Arka, Jacqueline Blaire, Nico Sarra, Dimitri Coromilas, Roberto Brunetta...
Résumé: Sur une ile grecque, dans un décor enchanteur, Filippos demande à sa petite amie si elle a vu son frère. Un inconnu surgi de l'eau les observe puis se joint à eux rapidement rejoint par un autre homme. Lors d'un flash-back, on apprend que la jeune femme a eu des relations sexuelles avec le frère de son copain avant qu'il meurt. Les trois garçons vont être séduit par cette femme qui va les envouter dans un processus auto destructeur fatal...
Diplômé des Beaux-Arts d'Athènes, Nikos Koundouros reste encore aujourd'hui un des plus grands cinéastes grecs, un véritable pilier du 7ème art qui à travers son oeuvre tenta de faire passer ses idées tant politiques que sociales, une idéologie gauchiste considérée subversive et interdite en Grèce après la guerre civile. Fortement inspiré par le cinéma russe et le néoréalisme, Koundouros débute ainsi sa carrière en 1954 avec Ville magique suivi deux ans plus tard par L'ogre d'Athènes, un des films majeurs de l'histoire du cinéma hellénique, puis au début des années 60 des Petites Aphrodites, un film quasi muet qui
traite de façon très artistique des amours de très jeunes adolescents quelque part sur une ile. Fort de son succès, Koundouros met en scène en 1966 To prosopo tis Medousa, une nouvelle version du Visage de la Méduse plus connu sous son titre international Vortex. Avec ce nouveau film le cinéaste ne fait que confirmer non seulement son sens poussé de l'esthétisme mais aussi de l'allégorie. Toujours inspiré des grands mythes grecs, To prosopo tis tou Medousa est une oeuvre tout aussi personnelle que les précédentes mais beaucoup plus hermétique, plus symbolique aussi ce qui la rend particulièrement difficile d'accès malgré une histoire, un semblant d'intrigue somme toute plutôt banal.
Quelque part sur une ile d'une beauté enchanteresse, un homme, Filippos, attend le retour de son frère. Il est rejoint par un autre homme tandis qu'un inconnu revêtu d'une combinaison de plongée les observe. Une femme arrive. Elle est la fiancée de Filippos. Quelque temps avant, elle a couché avec le frère de ce dernier alors qu'ils étaient à Londres. Rapidement il s'avère que son frère aurait pu être assassiné. Pris entre le désir sexuel montant, le doute et les soupçons, les trois hommes se déchirent petit à petit subjugués chacun à leur tour par cette femme qui va les séduire, les envouter telle Méduse.
Débuté en 1966, le tournage du film dut être interrompu suite au coup d'état de 1967 d'où
naitra la dictature qui frappera par la suite le pays. Koundouros s'exila pour mieux la combattre et ne put terminer son film que dix ans plus tard à Rome. Cela expliquerait il pourquoi Vortex semble si décousu? Bien difficile de parler de ce film qui est en fait une sorte de film dans le film puisque l'intrigue est régulièrement interrompue par des longues séquences où l'on voit l'équipe de tournage caméra en main entrain de filmer, le clap du réalisateur rythmant chacune d'entre elles, un procédé qui vient trop souvent briser l'aspect artistique d'un film au départ plutôt difficile à cerner.
Qu'a donc voulu dire Koundourous? S'il le définit avant tout comme une allégorie politique
sur le pouvoir, le principal propos de To prosopo tis Medousa ne serait-il pas l'éternel combat entre Eros et Thanatos, l'amour, passionnel, et la mort, une union souvent fatale qui ici serait menée par cette femme araignée mystérieuse qui tisse sa toile autour de ces hommes qu'elle séduit, domine, envoute puis tue telle Méduse après avoir jeté le trouble et le doute au sein du groupe. Elle est comme une étincelle qui va enflammer leurs sens, les faire bruler de désir pour mieux les détruire, aussi belle que dangereuse. Mais est elle réellement la plus dangereuse?
Voilà qui pourrait sembler simple d'accès si le cinéaste ne truffait pas son film d'une
multitude de symboles qu'il est bien difficile de saisir et de références tant à la culture grecque qu'à la mythologie. En fait il ne parle qu'à travers ces symboles, ces images qu'il faut déchiffrer mais auxquelles il n'associe pas assez de clés pour aider le spectateur à mieux les lire surtout s'il n'est pas un spécialiste de la Grèce, de son histoire profonde, de ses légendes. En ce sens, chacun pourra donc interpréter To prosopo tis Medousa comme il l'entend, le ressent, le reçoit, y voir ce qu'il veut bien y voir. Koundouros disait qu'il s'agissait d'un exercice entre lui et son public, un public érudit, une sorte de lecture à deux qui prend tout son sens en unissant les points de vue des deux parties. Voilà qui est intéressant
surtout lorsque le spectacle captive, lorsqu'on se sent happé par l'histoire. Ce n'est malheureusement pas forcément le cas ici.
On retrouve bien entendu le style artistique caractéristique de l'auteur presque poussé à l'extrême cette fois, un noir et blanc cinglant, des images magnifiques montée comme une suite de tableaux aux limites de l'onirisme, sensuels, suggestifs, l'ensemble imprégné d'une aura fortement érotique, homo-érotique par instant, Grèce oblige, dans cette façon suggestive de photographier et faire ses poser ces demi dieux vivants. Tout semble étrange, parfois surréaliste, alors que la tension aussi bien sexuelle que nerveuse grandit jusqu'à la
longue scène finale qui flirte avec la pornographie, les ébats passionnés du frère de Filippos et de cette femme mêlant nudité frontale, positions plus que suggestives et sexe en semi érection. Pourtant, malgré son esthétisme, malgré l'attirail artistique déployé, le film souffre d'un réel manque d'atmosphère qui laisse un arrière-goût d'inachevé. Koundouros ne profite pas assez des sublimes décors naturels de Crête où Vortex fut tourné tant et si bien qu'aussi fabuleux soient ils la magie n'opère pas vraiment, seules les structures blanches, géométriques, des lieux font effet, le cinéaste sachant très bien jouer avec chacune d'entre elles pour mieux les transformer en tableaux. Il en va de même pour l'érotisme sur lequel il
semble mettre un frein. On ne ressent que trop peu voire pas cette fulgurante montée érotique, cette passion brulante et destructrice, entre les quatre protagonistes comme on ne ressent guère le doute qui les envahit progressivement. Privé de ces éléments essentiels, ne reste pour retenir l'attention d'un spectateur lambda que l'étrangeté des images qu'accompagne une musique faite de distorsions sonores inquiétantes, leur beauté et celle des acteurs, le coté expérimental de l'ensemble qui se terminera sur l'image d'un ciseau prêt à tuer. Voilà qui est déjà bien mais peut être pas suffisant pour faire naitre un sentiment de fascination.
Aux cotés d'un Yorgo Voyagis tout jeune qui fait ici une brève apparition, aucun acteur connu sous nos cieux. La plupart s'illustrèrent un temps dans le court-métrage et les séries télévisées grecques. On remarquera surtout et avant tout la beauté sauvage d'Alexis Mann à qui revient les scènes les plus sexuellement osées. Il nous offre de surcroit trois étourdissants plans de nudité frontale dont une semi érection qui en laissera songeur plus d'un tandis que Fanis Hinas et surtout le séduisant George Willing, vu par la suite dans le rôle du hippie de Il prato macchiato di rosso, exhibent avec grâce et naturel leur torse parfait 90 minutes durant, mariant leur beauté physique à celle des lieux dans un climat d'homo-
érotisme certes latent mais bel et bien présent.
A noter que la jolie et très psychédélique chanson thème du film fut composée par Vangelis et interprétée par les Aphrodite's child, le groupe de Vangelis et Demis Roussos.
To prosopo tis Medousa est un travail artistique incontestable aux qualités évidentes, visuellement splendide, dans la continuité des oeuvres précédentes du réalisateur. Le film charmera à défaut de réellement convaincre, il ne laissera en tout cas pas insensible. Difficilement visionnable aujourd'hui car oublié des éditeurs DVD, Vortex est un des derniers films du réalisateur avant qu'il ne s'oriente vers un cinéma plus grand public. Un ultime essai qui devrait plaire aux amateurs d'un certain cinéma cérébral made in 70s.