Rosina Fumo viene in citta per farsi il corredo
Autres titres:
Réal: Claudio Gora
Année: 1972
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 94mn
Acteurs: Ewa Aulin, Hiram Keller, Fiona Florence, Lia Zoppelli, Roberto Lande, Franca Gonella, Dina Sassoli, Claudio Gora, Sandro Serafini, Paolo Granata, Guidarino Guidi, Benedetto Simonelli, Luigi Antonio Guerra, Rossana Canghiari...
Résumé: La jeune et belle Rosina, 17 ans, quitte sa campagne et débarque à Rome pour y trouver du travail afin de pouvoir acheter son trousseau de mariage puis épouser Sandrone, son fiancé actuellement sous les drapeaux. Vierge et naïve la jeune fille est embauchée chez les Zanelli, une famille bourgeoise. Vivent à la villa la tante et son jeune neveu, un étudiant arrogant et vicieux qui tombe de suite sous le charme de Rosina. Elle va devenir la nouvelle proie du séducteur qui va tout faire pour lui faire perdre sa virginité au cours de jeux de plus en plus brutaux et humiliants, des jeux de séduction que ne comprend pas l'innocente Rosina de plus en plus troublée face à des situations et sentiments qui lui sont inconnus...
Après des débuts au théâtre puis en tant qu'acteur dés 1939 essentiellement dans des coproductions franco-italiennes Claudio Gora fait ses premiers pas derrière la caméra en 1950 avec Le ciel est rouge, une oeuvre difficile tirée du roman de Giuseppe Berto. Il va alors devenir un des nobles visages de la comédie à l'italienne des années 50 et 60. Après huit films entre 1959 et 1969 il tourne son ultime pellicule en 1972, Rosina Fumo viene in citta per farsi il corredo, sans pour autant abandonner le métier puisqu'il poursuivra par la suite son chemin en tant qu'acteur. Un tel titre fait irrémédiablement songer à une sexy
comédie, une énième comédie populaire coquine qui finalement se révèle tout autre. Rosina Fumo... est un inattendu drame bourgeois morbide, cruel, de ceux que l'Italie des années 70 aimait alors en mettre en scène.
La jeune Rosina Fumo, une jeune paysanne de 17 ans, Pizzoferrato, un petit village des Abruzzes, pour tenter sa chance à Rome, persuadée qu'elle peut facilement trouver un travail afin de pouvoir acheter son trousseau de mariage. Rosina doit en effet épouser Sandrone, son fiancé, lorsqu'il aura terminé son service militaire. Elle se fait embaucher comme domestique chez les Zanelli. Belle, timide et surtout travailleuse elle plait de suite à la
maitresse de maison, la veuve Zanelli, mais surtout à Francesco son jeune neveu, un étudiant en philosophie fêtard, arrogant, sûr de lui, un séducteur qui n'a aucune peine à multiplier les conquêtes. Francesco va tout faire pour séduire Rosina qui pourtant résiste de toutes ses forces. Elle ne vit que pour Sandrone et n'attend qu'une seule chose, son retour afin de pouvoir afin l'épouser après lui avoir offert sa dot. Rosina va découvrir au fil des jours la grosse différence de moeurs qui existe entre la vie à la campagne basée sur le respect, la confiance et l'amour et la mentalité de la jeunesse bourgeoise citadine qui repose sur la frivolité et le sexe. Après une ultime tentative et un dernier refus de la part de Rosina
Francesco réussit à maitriser puis dominer la jeune fille qu'il finit par violer après une partie de tennis. Incapable de surmonter cet outrage et la perte de sa virginité Rosina reste prostrée dans sa chambre lorsque Sandrone arrive. L'heure de la vengeance a sonné.
Il ne faut surtout pas se fier au titre ni se référer aux films que Gora réalisa précédemment. Rosina Fumo... est un drame troublant, dérangeant qui illustre parfaitement la liberté qu'un certain cinéma italien, O combien immoral, pouvait se permettre en ces années 70 bénies. On assiste ici à la confrontation de deux mondes bien distincts, celui des gens de la campagne, simples et naïfs représentés par l'innocente Rosina, et celui des citadins, de la
bourgeoisie souvent perverse et corrompue mais qui représente la réussite aux yeux des moins bien lotis. Elle est incarnée par le cynique et vicieux Francesco, un garçon pourri-gâté qui voit en Rosina, un prénom qui le fait rire tant il fait campagnard, sa prochaine proie avec laquelle il va jouer à des jeux de séduction de plus en plus poussés mais également des jeux de domination qui n'excluent ni la violence ni l'humiliation avant de lui donner l'assaut final, le coup de grâce, en un mot la posséder sexuellement. C'est un peu les jeux de l'arène au coeur d'une somptueuse villa où se croisent la vieille tante souvent absente de Francesco très à cheval sur les bonnes manières, le père du garçon très peu présent car
toujours en voyage, Marietto le meilleur ami de Francesco, encore puceau à 18 ans et qui (par dépit?) semble être attiré par lui, et enfin tous les copains de Francesco, des fêtards qui ne pensent qu'au sexe.
Avec Rosina Fumo... Gora signe une oeuvre touchante, un drame d'amour et d'initiation insolite mais si authentique dans lequel le metteur en scène plonge un regard acerbe sur certaines réalités de la vie. L'opération est d'autant plus réussie que ses personnages sont très bien dessinés sur le plan psychologique, loin des silhouettes stéréotypées habituelles, et plus particulièrement la jolie Rosina, jeune campagnarde timide, naïve et sans défense
amoureuse de son beau militaire dont elle le retour avec impatience qui soudainement est confrontée au riche et débauché Francesco dont la vivacité, les ardeurs, la beauté hypnotique l'attirent et la troublent. Une bonne partie du film est axée sur ce trouble permanent contre lequel elle ne cesse de se battre, de repousser, incapable de faire face à ce type de sentiments difficilement interprétables à ses yeux, de situations qu'elle ne pouvait pas même imaginer. C'est cette lutte permanente, la souffrance qui en résulte que Gora réussit magnifiquement bien à mettre en images comme il maitrise les implications psychologiques que créent un tel contexte jusqu'à l'inéluctable explosion de violence finale
comme seul le cinéma italien de ces années pouvait en imaginer. Ce n'est plus un joli conte de fée mais un anti conte de fée, une anti fable morbide, douloureuse, amorale où le viol odieux de l'ingénue Rosina par Francesco, jeune coq triomphant fier, méprisable, obstiné, symbolise le sacrifice du prolétariat sur l'autel du cynisme bourgeois.
Les personnages secondaires sont tout aussi intéressants et tous autant qu'ils sont apportent quelque chose de positif au récit. De la tante en retrait à laquelle la grande Lia Zopelli donne beaucoup de profondeur au père froid et distant (Claudio Gora lui même) qui n'entretient quasiment aucune relation avec son fils en passant par le meilleur ami de
Francesco, le fils introverti et toujours puceau du concierge, sur lequel Gora laisse planer une ombre d'homosexualité, un doute qui ne sera pas vraiment levé mais perceptible tout au long du film à travers les jeux virils des deux amis, les regards, les gestes et les non-dits que Francesco semble parfois attiser. Un moyen de plus pour accentuer le degré de perversion du personnage? Sans oublier Bruna la voisine, femme facile qui se donne sans honte à tous les beaux mâles (Fiona Florence) et Sandrone (littéralement le gros Sandro, le fiancé de Rosina joué par Roberto Lande) présent via quelques flashbacks et les lettres enflammées qu'il lui envoie régulièrement avant d'être présent en chair et en os en fin de
bande pour se venger du mal qu'on a fait à sa douce.
L'érotisme est ici froid et nuancé. Malgré le sujet il reste léger, plus suggéré que montré, proche d'oeuvres telles que Malizia de Salvatore Samperi où on dévoile peu les corps mais toujours de manière progressive (on est également dans une relation passionnelle interdite maitre/domestique inconsciemment sadique) et des tout premiers film de Gloria Guida (La ragazzina, Blue jeans, Quell’età maliziosa) qui contaient les premiers tourments et amours contrariées d'adolescentes en plein éveil sexuel jusqu'aux dix dernières minutes quasi surréalistes, le point culminant du film. On bascule soudainement dans une dimension
proche de l'hystérie. Rosina Fumo... se transforme alors presque en un rape and revenge, beaucoup trouveront le viol de Rosina insupportable, le type de scènes aujourd'hui impensables.
L'interprétation est à la hauteur du film. Ewa Aulin, version brune, ex-Candy, ex-lolita du cinéma italien, est bouleversante dans le rôle titre. Magnifique, elle est d'une candeur étonnante, toujours très juste et parfaite dans une palette d'émotions très diversifiées. Elle réussit avec bravoure à sans cesse jouer sur le trouble et les doutes qui l'assènent. De là à dire que tout le film repose sur ses épaules il n'y a qu'un pas qu'on franchit sans hésiter.
L'ex-icône fellinienne et top modèle international Hiram Keller ne pouvait pas mieux trouver comme rôle que celui de Francesco. De par son élégance, son physique androgyne et sa beauté froide ce dandy est l'incarnation type de cette jeunesse bourgeoise délurée. On pourra regretter son coté parfois un peu raide mais on n'oubliera pas son corps parfait que Gora déshabille régulièrement pour qu'il pavane fièrement en mini slip blanc devant la caméra ou nous offre quelques appétissants nus dorsaux. On appréciera aussi la présence de Franca Gonella, l'amie libérée de Francesco, qui nous gratifie de jolis nus tant frontaux que dorsaux.
Pour son ultime réalisation Claudio Gora signe une oeuvre difficile dans la grande lignée des drames érotico-morbides italiens, un film inattendu, par moment tendre et drôle, puis froid, sinistre mais avant tout intelligent dans la vision qu'il donne du clivage qui existe entre le monde dissolu de la bourgeoisie et l'éducation des campagnes basée sur la sincérité et l'humanisme. Il n'est pas exempt de défauts (la mise en scène est ce qu'elle est, les dialogues sonnent parfois bien légers) mais il reste un film touchant, sincère qui devrait marquer les esprits ne serait-ce que pour son final hautement dérangeant.
Quel dommage qu'à sa sortie en 1972 le film ne fut visionné que par très peu de gens, le film très mal distribué disparut presque aussitôt pour ne plus jamais réapparaitre. Il fait aujourd'hui partie de ces pellicules perdues, oubliées, de ces trésors égarés considérés comme de véritables Graal. L'unique solution pour découvrir ce petit bijou de morbidité est une antédiluvienne vidéo italienne avec sous titres espagnols incrustés d'une rare médiocrité, à l'image quasi irregardable. Espérons un miracle et qu'un jour nous puissions enfin redécouvrir cette perle rare dans des conditions optimales. Rosina le mérite amplement.