La ragazza dalle mani di corallo
Autres titres: Les chercheuses de plaisir
Réal: Luigi Petrini
Année: 1971
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 73mn
Acteurs: Susan Levi, Bernard De Vries, Linda Towne, Giuseppe Cardillo, Gianni Dei, Micaela Pignatelli, Claudio Sorrentino, Irio Fantini, Giovanni Petti, Franco Daddi...
Résumé: Nicole et Nadia vivent une relation saphique intense sans se poser de questions sur cette histoire d'amour particulière. Lorsque Diana annonce à Nicole qu'elle a un amant leur relation prend une autre tournure. Nicole va voir aussi ailleurs mais déçue elle revient vers son amante qui de son coté ne peut se passer d'elle. Diana décide de tuer son amant afin de vivre pleinement son histoire avec Nicole...
Cinéaste peu connu Luigi Petrini a tout de même derrière lui une carrière qui s'étale sur quasiment cinquante ans, partagée entre télévision, théâtre et cinéma. Après avoir fait ses débuts auprès de Ferdinando Baldi puis Vittorio De Sica Petrini réalise son premier film, Una storia di notte. Dés lors Petrini va toucher un peu à tous les styles sans jamais pour autant crever l'écran, le polar (Opération K), la comédie (C'è un spia nel mio letto, Scusi si potrebbe evitare il servizio militare...), le film musical (White pop Jesus), le drame mafieux
(A suon di lupara). En 1970 il met en scène son diptyque lesbien composé de Cosi cosi... piu forte suivi l'année suivante par La ragazza dalle mani di corallo, deux films maudits produits par Elo (Angelo) Pannaccio qui disparaitront rapidement des écrans radar pour devenir au fil du temps des perles rares pour collectionneurs acharnés.
Nicole est une jeune femme libre, indépendante qui ne se pose aucune question et vit sa vie comme bon lui semble. C'est ce coté qui a de suite plu à Nadia, une jolie modèle. Nicole et Nadia vivent ensemble une relation intense jusqu'au jour où Nadia avoue à Nicole qu'elle aime un homme, Tano. Nicole accepte la situation et va elle aussi tenter d'avoir des rapport
normaux. Elle dépucèle son ami Claudio, se laisse séduire par Elena la photographe, rencontre des hommes mais elle sort à chaque fois déçue de ces relations. Elle finit par revenir vers Nadia. Les deux femmes reprennent leur vie commune là où elles s'étaient arrêtées mais Nadia n'a cependant pas le courage de rompre avec Tano. Nicole finit par lui demander de choisir entre elle et son amant. Le choix est vite fait. Nadia préfère tuer Tano. Effarée par ce geste impensable Nicole quitte définitivement Nadia qui se suicide.
La ragazza dalle mani di corallo tout comme Cosi cosi... piu forte vogue sur le succès des
Biches de Claude Chabrol sorti en 1968, un des premiers films français traitant ouvertement du lesbianisme. En ce tout début d'années 70 l'Italie déjà très portée sur le sujet ne pouvait que suivre le mouvement et être à l'origine de toute une prolifique série de lesbo movies dont Le salamandre de Alberto Cavallone et Les biches suédoises de Silvio Amadio allaient être les deux premières oeuvres phare de ce filon. Avec le second film de son diptyque Petrini tente d'intellectualiser le lesbianisme alors que son précédent film malgré sa vision corrosive de l'homosexualité dans la société d'alors restait une gentille bluette tournée comme un joli roman-photo solaire. On y retrouve une partie de ce qui avait fait le
charme de Cosi Cosi... piu forte, ces longs plans fixes sur les visages radieux de ses actrices, sur leur regard, ces longs silences, ce coté parfois un peu naïf mais cette fois le film est bien plus amer.
La première partie est particulièrement contemplative, d'une beauté lumineuse magnifiée par un noir et blanc splendide. Il ne se passe pas grand chose si ce n'est qu'on fait connaissance avec les principaux protagonistes, un triangle amoureux là encore composé de Nicole et Nadia, un couple vivant une relation saphique particulièrement forte que la présence d'un homme va faire exploser. Ce sont les amours libres de l'imprévisible Nicole
qui sont principalement mis en avant, changeant de partenaires au gré de ses envies et désirs. Personne, homme ou femme, n'est insensible à la jeune femme, à sa beauté, à son insouciance. Petrini s'attarde sur les corps, les regards qu'il filme en gros plans statiques. L'érotisme omniprésent se fait délicat, tout en sensualité et beauté (la danse qu'exécute Nicole pour faire monter le désir en Claudio, les regards et gestes langoureux entre Nicole et la photographe). Tout est dans le geste, l'intention. De l'image nait l'émotion, l'excitation même si comme pour Cosi cosi... piu forte Petrini suggère plus qu'il ne montre mais il le fait avec une telle maestria que l'érotisme est tout au long du film à fleur de peau. La
ragazza dalle mani di corallo est telle une poésie qui diviniserait la femme du moins dans la relation qui unit les deux femmes, l'ensemble appuyé par des dialogues hautement philosophiques pas toujours très clairs ou facile d'accès. Voilà qui donne au film un coté que certains qualifieront de prétentieux, pompeux, mais que d'autres apprécieront bien plus pour l'aspect cérébral qu'ils lui apportent.
La seconde partie est quant à elle presque uniquement consacrée à la relation entre Nicole et Diana, l'intensité de leur amour perturbé par l'amant de Diana. C'est dans cette deuxième moitié du métrage que la déification de cette relation prend enfin toute sa dimension, un
mysticisme auquel certains auront peut-être un peu de mal à adhérer. Chacune déifie l'autre, l'idolâtre de manière par instant presque religieuse et surtout péremptoire. Ce n'est plus Eve qui rencontre Adam mais Eve qui rencontre Eve. Petrini réécrit la Genèse selon sa vision de l'homosexualité féminine qu'il considère comme définitive et dans lequel l'homme devient un danger, un être incapable de comprendre ce qu'est l'amour et les sentiments. Pour Diana, la plus radicale, il est une menace qui doit être naturellement éradiquée. En condamnant et tuant Tano elle récupère Nicole, elle même déçue par les relations avec les hommes qu'elle croise (Jonathan le hippie qui ne lui apporte pas ce que Diana lui donnait).
La vision de l'amour et du monde qu'imagine Diana, un monde enfin libéré des hommes, un monde de femmes, est proche de la folie. C'est cette folie barbare qui explose lors d'un final aussi symbolique que cruel qui rappelle celui de Cosi Cosi... piu forte et annonce le futur film de Elo Pannaccio Comincerà tutto un mattino: io donna tu donna mais fera fuir Nicole terrifiée par le geste de la jeune femme qui se suicide. Une fois de plus c'est le triomphe de Thanatos sur Eros. Seule la mort pouvait mettre un terme à ses amours nuisibles ou le retour dans l'ordre des choses.
L'interprétation est tout simplement parfaite. Pouvions nous rêver mieux que ce superbe trio
d'actrices que Petrini met merveilleusement bien en valeur par le biais d'une multitude de gros plans sur leur corps, leur visage, leur regard, un travail artistique remarquable qui donne à l'ensemble un coté fascinant. Ainsi donc on retrouve Susanna Levi de son vrai nom Assunta Sicurezza, l'épouse à la ville de Pannaccio, dans le rôle de l'imprévisible Nicole, l'anglaise Linda Towne (Juliette De Sade) est sa compagne, la mystique Nadia. Quant à Micaela Pignatelli elle est Eva. C'est le hollandais Bernard De Vries (Le sexe des anges, Le 10 meraviglie dell'amore) qui joue les intrus briseurs de couple à ses risques et périls. Impossible de ne pas mentionner la présence d'un tout jeune et si séduisant Gianni Dei déniaisé par Nicole.
Rythmé par une très jolie partition musicale signée Roberto Pregadio La ragazza dalle mani di corallo est une oeuvre bizarre a bien des égards, du noir et blanc solaire qu'utilise Petrini à la curiosité de l'intrigue en passant par la beauté des images plus suggestives les unes que les autres. Film d'auteur, film intellectuel ce lesbo movie cérébral comme aimait en produire alors l'Italie n'est peut être pas très convaincant quant à son scénario mais il n'en demeure pas moins visuellement et artistiquement superbe, suffisamment étrange pour captiver l'attention du spectateur sous le charme de cette pellicule à l'érotisme à fleur de peau.
Fort malheureusement visionner aujourd'hui La ragazza dalle mani di corallo est quasi impossible. Il fait partie de ces films disparus jamais édités en vidéo encore moins en DVD et qui de surcroit n'ont jamais bénéficié d'un seul passage télévisé. Devenu un véritable Graal le film de Petrini a cependant resurgi des tréfonds de l'oubli il y a peu. Il fut retrouvé et restauré dans l'idée d'être enfin diffusé sur les chaines italiennes (dans une version légèrement tronquée). Au grand désespoir de nombreux collectionneurs cette diffusion fut annulée et le film a de nouveau disparu. Cette version télévisée restaurée est à ce jour la seule copie qui permet enfin de découvrir le second lesbo movie de Petrini. Reste à l'amateur acharné à mettre la main dessus.
Signalons que le film fut distribué en salles en France avec un certain succès mais dans une version interdite aux moins de 18 ans agrémentée de nouvelles scènes à caractère osé que le producteur demanda à Petrini de tourner tandis que d'autres furent éliminées du métrage dixit le metteur en scène lui même lors d'une interview il y a quelques années.