Operazione Kappa: sparate a vista

Autres titres: Opération K. / Operazione Kappa... nucleo antirapina / Day of violence / Kidnapping... ein der tag gewalt
Réal: Luigi Petrini
Année: 1977
Origine: Italie
Genre: Polizesco
Durée: 95mn
Acteurs: Mario Cutini, Agnes Kalpagos, Ely Galleani, Anna Zinnemann, Maria Pia Conte, Marco Marati, Mario Bianchi, Patricia Pilchard, Linda Sini, Pino Lorin, Edmondo Tieghi, Viviana Polic, Franco D'Onofrio, Daniele Dublino, Piero Mazzinghi, Selvaggia Di Vasco, Silvio Klein, Alberto Mandalesi...
Résumé: Paolo vient d'être renvoyé d'une partie mondaine dans laquelle il s'était incrusté. Il rencontre Giovanni dit Joe, un voyou tout aussi désillusionné. Après avoir pris de la drogue, ils se réfugient chez la petite amie de Giovanni qu'ils violent avant d'assassiner la voisine venue à son secours. Traqués par la police ils n'ont plus rien à perdre. Afin de fuir l'Italie ils prennent en otage un restaurant huppé de la ville afin d'obtenir un avion et une jolie somme d'argent...
Etrange! Voilà ce que se dit le spectateur à la fin de ce film, quelque peu étonné et dubitatif. Etrange car Operazione Kappa: sparate a vista connu chez nous sous le titre de Opération K. semble ne jamais réellement trouver le public auquel il veut s'adresser.
Sous ce titre emprunté au registre du film d'espionnage se cache en fait non pas un polizesco mais un exemple type de cinéma d'exploitation transalpin particulièrement voyeur et gratuit. Le film de Luigi Petrini, réalisateur peu prolifique à qui on doit quelques petites bandes coquines et la comédie musicale christique White pop Jesus s'inspirerait du tristement célèbre massacre de Circeo dixit le cinéaste lui même, également auteur du scénario.
Renvoyé d'une partie mondaine pour avoir couché avec la fille des propriétaires de la villa Paolo, une petite frappe issue du prolétariat, fait la connaissance de Giovanni, le fils révolté et impuissant d'un professeur universitaire réputé. Tout aussi paumés l'un que l'autre ils s'unissent, fument de l'herbe et décident d'aller voir Anna la petit amie de Giovanni. Sous l'effet de la drogue ils violent non seulement la jeune fille mais également sa voisine venue à son secours. La vieille femme tente d'assassiner Joe mais il parvient à la maitriser et la tue sous les yeux de Anna. Ils fuient et se retrouvent très vite avec la police à leur trousse. Tout leur est désormais égal. Entrainé par Paolo Giovanni accepte de prendre tout un restaurant en otage. Les deux voyous comptent ainsi récupérer un bon paquet d'argent pour fuir en Australie et commencer ainsi une vie nouvelle loin de la misère italienne, pouvoir enfin se sentir libres et riches loin de cette société qui les a laissé tomber.
Ce tourbillon de folie meurtrière appartient indéniablement au filon de ces polizeschi qui prennent pour thème le mal être d'une jeunesse romaine désenchantée, qu'elle soit issue de la petite ou haute bourgeoisie ou des classes prolétaires. Le film de Petrini qui visiblement connait ses classiques se range donc aux cotés de pellicules de pur exploitation telles que I violenti di Roma bene, I ragazzi della Roma violenta, Il tempo degli assassini, Come cani arrabbiati entre autres, des films qui marient à la perfection sexe et violence dans un climat de voyeurisme exacerbé. Malheureusement cette fois la sauce ne prend pas vraiment faute à une mise en scène quasi inexistante, une intrigue bien peu convaincante et surtout totalement improbable, des dialogues risibles, des situations incroyables qui très rapidement font s'effondrer les quelques bons moments que réserve Petrini à son spectateur.
Les premières vingt minutes font illusion, malsaines et riches en émotions. Petrini pose ses deux personnages, deux voyous qui ne se connaissent pas mais vont s'accrocher l'un à l'autre et dont rien ne justifie la violence et le sadisme des actes totalement gratuits commis lors de cette journée noire. C'est l'occasion pour Petrini de filmer un viol odieux accompagné de dialogues particulièrement orduriers qui d'ailleurs accompagneront tout le film, de zoomer sur la nudité de ses victimes avant qu'un des voyous en assassine une, point de départ de cette descente aux enfers juvénile. Jusque là Opération K se tient. Le film ressemble à bon nombre d'autres oeuvres d'exploitation de ce type dont le but est de satisfaire les pulsions
sadiques d'un public qui en est friand.
Paolo et Giovanni ne sont jamais que les archétypes du voyou désabusé, révolté contre l'ordre établi, les institutions et l'hypocrisie d'une société dans laquelle il est laissé pour compte qui pour tromper son ennui et rêver un peu laisse libre cours à son sadisme. Difficile cependant de prendre en pitié ou de détester ces deux délinquants qui ne contrôlent plus la situation, de tenter de les comprendre, de justifier leurs actes tant ils sont mal dessinés. Ce ne sont que deux stéréotypes privés de véritable dimension et surtout de réelles motivations. Pas vraiment crédibles elles sont disséminées au détour de quelques dialogues stupides qui finalement déteignent sur le comportement des deux jeunes à leur tour stupides. Tout va vite, trop vite. Petrini a oublié un élément clé, la psychologie, ne serait ce qu'une once, et le traitement de l'histoire n'arrange rien.
Arrive la seconde partie du film, la fameuse prise d'otages du restaurant censée être le clou du spectacle. C'est malheureusement là que le film semble s'arrêter. Si Opération K brillait jusque là par sa superficialité il sombre dés lors dans le ridicule et ne risque guère de provoquer autre chose que le sourire entre deux séquences ultra trash. Petrini semble s'être perdu dans une histoire qu'il ne parvient pas à maîtriser. Pourquoi les délinquants prennent ils ce restaurant en otage? Pourquoi cherchent ils à ce que la police les arrêtent? Pourquoi agissent ils contre toute vraisemblance? Pourquoi se contentent-ils durant quasiment 40 minutes de violenter les clients sans que rien ne justifie ces agissements? Mais surtout pourquoi la police ne fait elle rien, où sont les forces de l'ordre dont le seul signe de présence est un inspecteur balourd, quelques officiers et un planton moustachu droit sortis d'une comédie? C'est peut être ce point précis qui finit de tuer le film.
Plus à l'aise dans la comédie Petrini semble s'être fourvoyé dans ce genre bien précis qu'est le polizesco. Opération K ressemble plus à une comédie trash ratée qu'à un bon polizesco et finit par sombrer dans le n'importe quoi. Comment a t-on pu imaginer un tel commissaire? Plus apathique que l'inspecteur Derrick sous calmant il se contente de réciter des tirades qui atteignent des sommets d'hilarité tout en tentant de sauver son histoire d'amour sidérante avec sa fiancée amorphe venue tout spécialement sur les lieux pour tenter de le récupérer. Il en oublie bien entendu la prise d'otages et préfère en plein tumulte s'éclipser pour tranquillement bavarder dans un bar. On croit rêver. Est ce un gag? Comme la police ne fait rien nos deux délinquants peuvent donc s'amuser pleinement avec leur revolver afin que l'armurier du film n'ait pas préparé ses balles à blanc pour rien. C'est un peu comme au
cirque, on casse des assiettes, on tire dans les murs en tentant de faire peur et comme au cirque on rit beaucoup face aux pitreries certes sanglantes de nos deux voyous qui passent à tabac, humilient, violentent et maltraitent leurs otages personnes âgées et femme enceinte compris. Voilà au moins un menu qui comblera de joie les amateurs d'euro-trash, seul atout de cette brutale séquestration.
Le gâchis est d'autant plus regrettable que Petrini avait en main tous les éléments pour accoucher d'un film malsain, dérangeant, particulièrement violent au climat suffocant, Il échoue et préfère se complaire dans la violence et la bêtise peu aidé par une cohorte de personnages insipides: une comtesse gironde alcoolique et diabétique, son couard de vieux mari, un jeune et courageux freluquet, une femme enceinte, un couple dont l'épouse est hystérique et une prostituée blasée avide d'argent incarnation du syndrome de Stockholm. Privés d'épaisseur autant dire qu'on se moque de ce qu'il peut leur arriver. Il ne reste qu'à attendre la manière dont ils seront soit occis soit violentés. Et ce n'est pas l'audace de certaines séquences comme celle du vieux comte bedonnant obligé de faire l'amour en public à une pleureuse ou celle de la femme enceinte brutalisée qui relèveront le niveau du film puisque sous la direction peu inspirée de Petrini, ces scènes perdent leur force d'impact
et finissent souvent par tomber à l'eau. On retiendra cependant le passage à tabac plutôt efficace d'un client, une séquence plutôt jouissive qui nous mènera au final assez absurde.
Envoyé sur les chapeaux de roue comme si Petrini voulait en finir une fois pour toute on assiste à l'incroyable discours que tient le père de Giovanni venu sur les lieux de la prise d'otages pour le raisonner. Qui a pu écrire de telles inepties qui finissent comme une véritable engueulade? On est en effet plus très loin de la punition voire de la fessée déculottée si jamais son ingrat de fils rentrait à la maison. On comprend que Giovanni perde pied et crache son venin au visage de son père pendant que le commissaire rompt avec sa maitresse quelques mètres plus loin.
Si avec Opération K. dont la bande originale signée du trio Frizzi-Bixio-Tempera est empruntée en partie à Napoli si ribella Petrini offre sa vision d'une bourgeoisie toujours aussi décadente responsable de tous les maux, s'il essaie de traiter des motivations sociales et politiques de la délinquance juvénile romaine le film n'est qu'un agréable pétard mouillé. Le discours s'arrête au bout de quelques minutes pour laisser place à un capharnaüm frénétique mal maitrisé, une pellicule hybride dans laquelle se meuvent des personnages stéréotypés dont le seul intérêt est sa complaisante gratuité.En tête d'affiche on retrouve avec un plaisir Mario Cutini, un des éternels méchants du cinéma de genre transalpin, qui semble être le seul à croire à son rôle. Véritable chien enragé hystérique il mène la pellicule, jouant de son visage fermé et la sauvagerie de son personnage. Ami personnel du producteur qui demanda au cinéaste d'écrire le rôle pour lui Cutini lui fut imposé. Il le réutilisera pour son film suivant Ring dans lequel il joue cette fois un boxeur. C'est Marco Marati, un jeune comédien inconnu sosie de David Hess qui joue de façon là encore plutôt convaincante son compagnon, le psychopathe Giovanni. Marati se fera ensuite oublier et se reconvertira dans la production. Autour d'eux gravitent quelques visages
connus de l'exploitation italienne dont Agnes Kalpagos, Ely Galleani, Maria Pia Conte, Daniele Dublino et Linda Sini qu'on reconnaitra tous parmi les clients du restaurant. Petite curiosité de ce polar c'est le réalisateur et futur pornocrate de l'âge d'or du hardcore italien Mario Bianchi, ami proche de Petrini avec qui il collabora de temps à autre, qui interprète cet inénarrable inspecteur très sûrement piqué par une mouche tsé-tsé.
Tourné en majeure partie à l'hôtel Continental de Tirrenia à Pise Operazione Kappa est un des moins réussis des polizeschi qui mêlèrent sexe et violence pour dénoncer le mal être de la jeunesse italienne du moins quant à la crédibilité de son intrigue. Ne subsiste qu'une bande d'exploitation ultra violente qui assouvira sans mal les pulsions sadiques d'un public voyeur en quête de complaisance. Si Opération K est une belle réussite à ce niveau le film reste d'autant plus décevant que Petrini possédait tous les éléments pour réaliser une oeuvre coup de poing, noire, désespérée.
Longtemps restée difficilement visible si ce n'est par le biais de quelques très médiocres passages sur les chaines de télévision italienne et d'une vidéo française au doublage d'une sidérante nullité Operation K a récemment bénéficié d'une jolie édition numérique dont les amateurs de sadisme exacerbée que nous sommes pourront profiter.