L'isola delle svedesi
Autres titres: Les biches suédoises / No man's island
Real: Silvio Amadio
Année: 1969
Origine: Italie
Genre: Dramatique
Durée: 79mn
Acteurs: Catherine Diamant, Ewa Green, Nino Seguirini, Wolfgang Hillinger...
Résumé: Manuela vient de rompre avec son fiancée. Afin de tenter d'oublier cette rupture, elle part avec son amie Eleonora, une jet- setteuse qui a abandonné le faste d'une vie rutilante pour se retirer dans une villa isolée sur une île de Sardaigne. Loin de tout, dans un cadre idyllique et sauvage, les deux amies vont se rapprocher. Eleonora va lentement tomber amoureuse de Manuela. C'est pour Eleonora une relation passionnée, très forte presque obsédante. Tout serait parfait si le fiancé de Manuela n'avait pas décidé de revenir pour tenter de reconquérir la jeune fille. Folle de jalousie, Eleonora nourrit en elle une haine sourde qui conduira au drame inéluctable et sanglant...
Surtout connu pour ses comédies douces-amères et quelques sexy gialli, Silvio Amadio réalise en 1969 ce petit film aujourd'hui devenu rare qui s'inspire assez ouvertement de Le salamandre de Alberto Cavallone sorti l'année précédente, de Le altre
de Renzo Maietto et des Biches de Claude Chabrol que le titre français évoque sans peine. Est ce donc étonnant si le thème principal de L'isola delle svedesi est le lesbianisme, l'histoire tragique d'Eleonora et Manuela, deux amies qui lentement vont tomber amoureuses l'une de l'autre jusqu'au retour impromptu du fiancé de l'une d'elles qui conduira leur histoire vers une inéluctable et dramatique tragédie.
Principalement centré sur la relation lesbienne qu'entretiennent les deux protagonistes, L'isola delle svedesi fit jadis scandale en Italie et fut à l'origine d'un procès qui aujourd'hui ferait sourire puisqu'une des scènes du film, jugée obscène, choqua particulièrement la censure d'alors, celle où une des héroïnes promène sa main sur le genou de l'autre. Celle ci est à l'image du film lui même puisqu'il ne faut pas attendre des Biches suédoises un saphisme exacerbé.
C'est peut être là une des grandes forces du film, Amadio suggère plus qu'il ne montre. Il préfère largement la sensualité au sexe, les sous-entendus, les regards langoureux ou hypnotiques, les gestes qui trahissent les émotions le tout mêlé à quelques très jolis plans de nus dorsaux, de corps dévêtus alanguis sur le sable chaud. Cet érotisme à fleur de peau, tout en douceur est puissamment renforcé par la beauté des décors naturels où se déroule entièrement cette histoire, ceux d'une magnifique île isolée quelque part en Sardaigne (à Caprera exactement) où se dresse la tout aussi superbe villa Eleonora. L'isola delle svedesi s'inscrit donc sans mal dans le long filon des films exotico-érotiques. La mer, le sable, le paysage escarpé et sauvage de Sardaigne sont autant d'éléments qui une fois encore aident à laisser parler ses sens, à effacer toute inhibition. Les rapports n'en sont que facilités et lentement la passion s'installe entre les deux femmes donnant naissance à une idylle aussi sentimentale que sexuelle d'une telle force qu'elle en devient obsédante, morbide du moins pour Eleonora.
La venue impromptue de l'ex-fiancé de Manuela venu la reconquérir va venir briser cette relation, intense, brûlante. La gente masculine qu'Eleonora a appris à détester au fil du temps représente un danger, une véritable menace pour sa relation, une source de jalousie destructrice qui va la mener au bord de la folie, une folie meurtrière. C'est dans un bain de sang que se conclut cette histoire où Amadio a tenté d'imager l'impossible et éternelle union d'Eros et Thanatos ou quand l'amour se confond souvent avec la mort. Et Thanatos n'avait il pas rejoint Eros bien avant l'arrivée du malheureux fiancé lorsque Eleonora rêvait qu'elle tuait Manuela afin qu'elle ne lui échappe pas?
L'isola delle svedesi (qu'on ne cherche pas de suédoises ici il n'y en a que dans le titre) est certes un film sobre, un peu lent qui vaut surtout pour cette élégance qui captivera sûrement le spectateur. L'isola delle svedesi doit beaucoup à son érotisme sensuel, quelques plans saphiques au bord de la mer particulièrement excitants, son décor méditerranéen et sauvage superbement mis en valeur par une photographie qu'on doit à Joe D'Amato, la beauté des deux actrices, le coté psychédélico-pop de l'ensemble et la très belle partition musicale, obsédante, signée Roberto Pregadio. On retiendra également et surtout son final aussi dramatique qu'implacable où la cruauté se retournera contre son instigatrice. Si les personnages manquent quelque peu d'une certaine introspection psychologique, cela n'enlève rien à l'intérêt du film dont la tension monte crescendo jusqu'aux explosives images finales. Amadio reste aux cotés de Mario Imperoli et Salvatore Samperi un des plus intéressants réalisateurs de l'érotisme morbide à l'italienne.
Catherine Diamant découverte par Jean-Pierre Mocky en 1963 qu'on reverra par la suite dans 5 donne per l'assassino et Le diable au corps et Ewa Green, le regard hypnotisant, dont ce fut l'unique rôle au cinéma forment un couple très spécial qu'on prendra plaisir à voir s'ébattre, s'aimer et se détruire.
Inédit à ce jour tant en vidéo qu'en DVD, les copies qui circulent sur les chaînes italiennes sont pour la plupart amputées des scènes saphiques les plus osées même si aujourd'hui ce terme n'est pas le plus adéquate.