Cosi cosi... piu forte
Autres titres: Les chercheuses du plaisir
Real: Luigi Petrini
Année: 1970
Origine: Italie
Genre: Drame / Erotique
Durée: 88mn
Acteurs: Susanna Levi, Margaret Chaplin, Ivi D'Annunzio, Irio Fantini, Mario Bardella, Simon Sacha, Alessandro Masselli, Gina Giuli...
Résumé: Alors qu'elle joue au tennis, Susan remarque la belle Lisa dont elle tombe immédiatement amoureuse. Les deux jeunes femmes deviennent inséparables. Lisa ignore cependant que Susan a un petit ami, Fred, qui ignore sa bissexualité. Susan doit se partager entre ses deux amours. De plus en plus jalouse de Fred Lisa décide de lui révéler leur relation et de le faire chanter afin qu'il quitte Susan. Le garçon réagit très mal et la frappe violemment. Les trois amants se retrouvent au poste de police où on fait comprendre à Lisa l'amoralité de cet amour interdit. L'homosexualité est condamnable, Lisa n'a d'autre choix que de quitter Susan. Pourtant les trois amants vont se retrouver et former un ménage à trois jusqu'au jour où le destin va s'abattre sur eux...
Réalisateur hétéroclite, la carrière de Luigi Petrini qui s'étira sur une petite cinquantaine d'années reste cependant une des plus méconnues du cinéma de genre italien. Après avoir collaboré avec Ferdinando Baldi et Vittorio De Sica, Petrini débute en tant que metteur en scène en 1965 avant de travailler avec Elo Pannaccio qu'il rencontra en 1970 en discothèque sur un diptyque érotique composé de La ragazza dalle mani di corallo et ce Cosi cosi... piu forte, premier de ces deux films.
En ce début de décennie le film lesbien est à la mode grâce notamment au succès des Biches de Claude Chabrol. L'Italie ne pouvait que suivre le mouvement et lança toute une série de pellicules plus ou moins anodines où l'homosexualité féminine était au centre d'intrigues souvent dramatiques. Un des premiers à avoir mis des amours saphiques en scène fut Alberto Cavallone avec Le salamandre suivi de Le altre de Renzo Maietto. Cosi cosi... piu forte discrètement sorti quatre ans plus tard en France sous le titre aguicheur Les chercheuses de plaisir ne fit que suivre le mouvement.
Ecrit par Piergiulio Scellini et non pas Pannaccio comme on le voit trop souvent écrit, Cosi cosi piu forte débute sur un cour de tennis sur lequel la brune Susan, une artiste peintre, dispute une partie acharnée. Elle remarque la blonde Lisa dont elle s'éprend au premier regard. Elle l'aborde et se lie très vite d'amitié pour cette jeune suédoise lascive à qui elle fait visiter Rome, main dans la main, complices. Elle ne tarde pas à lui faire l'amour. Malheureusement leur belle histoire d'amour va rapidement se ternir avec l'arrivée du séduisant Fred, l'amant de Susan. Si la jeune femme lui cache à Lisa sa relation, la suédoise ne tarde pas à découvrir la vérité. Furieuse, folle de jalousie, Lisa ne supporte pas de devoir partager Susan avec le jeune garçon qui ne se doute de rien. A bout de nerf, elle finit par lui annoncer la vérité. Elle lui ordonne de quitter Susan s'il ne veut pas être victime d'un odieux chantage. Hors de lui, Fred, dégouté par ce qu'il vient d'apprendre, frappe violemment Lisa au moment où Susan arrive. Tout trois finissent au poste de police. Le commissaire fait comprendre à Lisa l'immoralité de sa relation aussi honteuse que défendue. Prise de remord, Lisa accepte de se réconcilier avec le couple qui désormais fera ménage à trois. Mais le sort va tragiquement s'abattre sur eux mettant un terme définitif et rédempteur à leur relation interdite.
Ceux qui s'attendraient à une succession de brulantes séquences saphiques titillés par un titre français évocateur risquent d'être amèrement déçus. Cosi cosi... piu forte est une petite pellicule inoffensive à l'image même de tout un courant du cinéma érotique italien de ce début d'années 70 très inspiré des romans-photos d'alors. Le film de Petrini est une bluette filmée et montée comme un joli roman-photo où s'enchainent une multitude de gros plans sur les regards langoureux que se jettent les protagonistes, sur leur visage que l'amour rend lumineux, toute une série de scènes de promenade main dans la main, de caresses raffinées et de plage sur laquelle on danse et on chante entourés de beatnicks entre deux baisers doucereux et trois coucheries d'une exemplaire sagesse au son d'une jolie partition musicale romantico-sirupeuse signée Daniele Patucchi. Il ne serait donc pas étonnant que beaucoup risquent de trouver cette bande en apparence anodine plutôt ennuyeuse. Vu sous un autre angle Cosi cosi... piu forte est néanmoins loin d'être totalement inintéressant.
Cette histoire de triangle amoureux et de bissexualité est parfaitement représentatif de tout un pan du cinéma érotique d'alors, un cinéma cérébral à la fois dénonciateur et fortement moralisateur sur fond de discours existentiel pseudo philosophique. Certes la mise en scène est particulièrement discrète, épurée, très cliché. Certes l'ensemble est par moment puéril mais il faut reconnaitre qu'aussi prévisible, aussi facile soit il le film est une attaque sociale corrosive sur les idées et la sexualité de l'époque. Petrini porte un regard acerbe sur la place de homosexualité dans une société alors en pleine libération sexuelle pas réellement prête à l'accepter. Le cinéaste étaie ses idées à l'aide de chiffres, de pourcentages, de faits, tout en ayant recours à des dialogues souvent incisifs, introspectifs, même si parfois certaines élucubrations sonnent un peu creuses ou frisent le ridicule surtout plus de quarante plus tard. Il faut simplement les remettre à leur place, dans leur époque, sans trop chercher ni la complexité ni la profondeur.
Petrini crée une atmosphère subtile faite de silences, de longs regards, de plans fixes, de poses, d'une voix off qui récite ce que pensent, ressentent les protagonistes qui mettent lentement à jour leurs névroses (l'obsession développée par Lisa pour les bas) dans une ambiance de délicate sensualité dont un poisson rouge semble être le témoin observateur discret.
Derrière l'apparente gaieté des personnages, l'insouciance de l'histoire, se cache quelque chose de plus sombre et menaçant qui explosera lors d'un final qui tranche avec la douceur à laquelle Petrini nous avait plongé jusque là, une explosion de colère homophobe typiquement masculine qui cependant poussera les trois amants à se retrouver et construire finalement un ménage à trois, agissant ainsi à l'encontre de toute morale, un joli pied de nez à une société judéo-chrétienne culpabilisante et destructive imagée par l'officier de police qui, haineux, résume en quelques phrases l'état d'esprit d'alors. L'homosexualité est condamnable, honteuse, dangereuse pour la société et rejetée par l'Eglise. Lisa est donc un être méprisable coupable et doit être condamnée pour oser aimer une femme. De quoi faire bondir le spectateur dans son siège mais l'idée accusatrice, tristement d'actualité encore aujourd'hui, est subrepticement amenée par Petrini qui choisit de chambouler l'ordre établi.
Cosi cosi... piu forte aurait donc pu s'arrêter sur cette image d'amour triolique bissexuel, par une conclusion en forme de doigt d'honneur. Etrangement il choisit de faire triompher la morale lors d'un rebondissement doux-amer, cruel, en forme de rédemption. Assaillie par les images de son péché alors qu'elle est au volant de sa voiture, Lisa revit par flashes back sa relation interdite avec Susan, rongée, aveuglée par cette faute répugnante qui s'affiche en surimpression. Elle finit par oublier de surveiller la route et c'est l'accident fatal qui plonge la voiture au fond d'un ravin. Lisa n'était pas seule, Susan et Fred l'accompagnaient. Tous trois meurent comme emportés par une justice divine. La morale est sauve, les pécheurs ont ainsi expié leurs péchés.
Cinéma d'avant-garde très sobre du moins pour son époque Cosi cosi... piu forte séduira sans aucun doute tous les amoureux des années 70 grâce à cette imagerie qui est propre à ce début de décennie. Cheveux longs, tenues vestimentaires à l'avenant, décors arty, très pop, psychédélisme de bon aloi, ambiance hippie sur les plages, jerk endiablés... tout est là y compris un groupe rock (I Folk) qui nous offre un morceau entêtant sur le podium d'une boite de nuit où on danse à demi nu, une envoutante séquence sous acides aux savoureuses teintes sépia que Pannaccio réutilisera trois ans plus tard pour Les anges pervers. Ne serait ce que pour cette ambiance "so flower power" si délicieuse, unique, le film de Petrini se doit être vu, témoin d'une époque à jamais révolue qui n'en finit pas de fasciner et dont les comédiens sont le parfait reflet. On aura ainsi le plaisir de retrouver la brune Susanna Levi alors compagne de Pannaccio qui en fit son actrice fétiche et la blonde Margaret Chaplin aux cotés du fort séduisant Alessandro Masselli, bellâtre à l'incroyable regard translucide dont ce fut malheureusement l'unique prestation et le tout aussi charmant et inconnu Simon Sacha, dans le rôle de Stefano, l'ami de Fred.
Cosi cosi... piu forte n'est certes pas un incontournable du lesbo-movie qui coté érotisme reste très sage mais toujours élégant même s'il existe une version plus épicée qui usa de doublures pour certaines scènes de sexe. Voilà tout simplement une petite bande d'un autre temps, nostalgique, inoffensive, un agréable roman-photo saphique et solaire pour amateurs d'amours interdites sur fond de psychédélisme de bon aloi. Si le discours est léger, très léger, s'il manque de profondeur et de conviction, si on a connu beaucoup plus cérébral il fait cependant toujours mouche au détour notamment de quelques scènes efficaces. Cosi cosi... piu forte a sa place réservée dans la vidéothèque de tout féru d'oeuvres psychédélico-érotiques.
Comme la plupart des oeuvres de Petrini et de Pannaccio, Les chercheuses de plaisir a lentement disparu au fil du temps jusqu'à devenir aujourd'hui difficilement visionnable, Oublié des éditeurs DVD, le film est jadis sorti en vidéo en version française dans une édition grecque rarissime. Le collectionneur tentera de se procurer une copie de ses rares passages sur les chaines italiennes pour découvrir ce petit plaisir... interdit aigre-doux!