Macro: Giuda uccide il venerdi
Autres titres: Judas kills on friday / Macro
Real: Stelvio Massi
Année: 1974
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 83mn
Acteurs: Angelo Infanti, Sophia Kammara, Leonard Mann, Franco Citti, Dada Gallotti, Luciano Rossi, Umberto D'Orsi...
Résumé: Une prostituée de luxe, Maddalena, rencontre dans un parc un jeune hippie. Elle tombe immédiatement sous son charme. Elle tente de le séduire mais le garçon refuse ses avances comme il refuse toute relation charnelle. Elle finit par l'accepter comme il est et décide de quitter le milieu de la prostitution pour lui, une décision qui n'est pas du gout de son maquereau et des proxénètes pour lesquels il travaille. Il essaie de dissuader ce nouveau Christ des temps modernes de quitter Maddalena mais ses menaces n'effraient pas le jeune hippie et ses disciples qui prônent la paix et l'amour...
Dans le vaste univers du cinéma d'exploitation beaucoup de branches et de sous branches virent le jour au fil du temps et des époques. Parmi les plus connues entre autres on trouve la sexploitation, le nunploitation, le nazisploitation ou encore la teensploitation. Il en est une dont on ne parle pas autant, moins populaire. il s'agit de la christploitation autrement dit des films ayant comme principal protagoniste le Christ quelque soit la forme qu'il peut prendre. Un des tout premiers du genre nous vint d'Amérique, Him, réalisé en 1974 par un certain Ed D. Louie. Il s'agit en fait d'un film pornographique morbide aujourd'hui totalement perdu
dévoilant la vie sexuelle du Christ version gay. Toujours aux USA on citera J.C de William F. McGaha et son Christ revenu sur Terre au début des années 70 à la tête d'une bande de bikers junkie noirs. Du coté de l'Italie impossible de ne pas citer l'étrange et cultissime Povero Cristo, l'onirique et obscène Cérémonie des sens fortement inspiré de Salo de Pasolini ou Stridulum dans le domaine de la science-fiction. A cette petite liste s'ajoute aussi ce Macro: Giuda uccide il venerdi mis en scène par Stelvio Massi un des futurs pères du polar à l'italienne dont c'était le tout premier film en tant que réalisateur.
Maddalena, une prostituée de luxe, tombe sous le charme d'un jeune hippie qui joue de la
guitare dans un parc publique. Comme éblouie par cet homme elle en arrive à se dresser contre son protecteur qui voit d'un mauvais oeil cette relation naissante. Elle commence à négliger ses clients pour passer plus de temps avec cet étrange garçon qui refuse toute relation charnelle et prêche l'amour, la compréhension, la fraternité. Son amant/maquereau tente de dissuader Maddalena de poursuivre cette relation mais elle finit par quitter le milieu pour être avec le jeune hippie. Le protecteur s'interpose et cherche dans un premier temps à les éloigner l'un de l'autre essayant de démontrer au hippie qu'une femme comme Maddalena n'est pas faite pour lui, qu'elle est et restera à jamais une putain. Las de ses
interventions dans leur vie, le jeune homme lui demande de les laisser tranquilles. Malheureusement la loi du milieu est impitoyable. Toute putain doit payer ses trahisons. Maddalena est passée à tabac et contrainte à de nouveau vendre son corps. Incapable d'accepter un tel châtiment le hippie va la retrouver une nuit sur son lieu de tapinage mais le protecteur et ses sbires l'y attendent tapis dans l'ombre. Après avoir été humilié puis forcé à avoir une relation sexuelle avec elle en publique commencera pour lui un long supplice avant son implacable exécution.
Il n'est jamais facile de mettre en scène une version, une vision moderne de la vie du Christ.
L'exercice est périlleux et les essais transalpins n'ont jamais été très convaincants même s'ils restent fascinants pour leur folie, leur coté trash et/ou obscène et leur tentative de sortir de l'ordinaire. Cette première réalisation de Stelvio Massi ne déroge pas à la règle. Cette nouvelle adaptation du parcours de Jésus, de ses apôtres et de Maddalena est intéressante au niveau technique, captivante par instant pour son aspect bizarre et sa pointe d'onirisme, sa violence la plupart du temps totalement gratuite mais malheureusement trop faible sur le plan de la narration et de l'intrigue qui s'intéresse principalement à la relation amoureuse du Christ et de Maddalena.
Transposé en 1974 Jésus apparait ici sous les traits d'un jeune hippie qui au début du film chante une étrange balade et joue de la guitare dans un parc entouré de ses apôtres, quatre autres hippies qui avec lui forment un groupe de rock. Une prostituée des hautes sphères de la bourgeoisie romaine, Maddalena, très attirée par cet énigmatique garçon, va rapidement se détacher de son amant protecteur puis du milieu, enfreignant ainsi les règles, jusqu'à mettre sa vie et celle du garçon en danger. Sur cette base d'intrigue plutôt faiblarde qu'on doit à Mario Gariazzo et Sophia Kammura, également interprète principale, on retrouve les grandes étapes de la vie du Christ revues et corrigées de manière contemporaine. Bien
ancré dans son époque le film a sur bien des points une forte résonance Flower Power notamment dans son discours très peace and love. Jésus et ses apôtres sont assimilés à une communauté hippie, un groupe de rock qui vit en marge dans la périphérie pauvre de la ville dans une bâtisse délabrée, l'occasion pour Massi de mettre en images la fameuse Cène. Ils prêchent l'amour universel, la non violence, une vie simple où l'argent, le luxe n'ont pas lieu d'être encore moins le sexe qu'ils différencient fortement de l'amour. Cela donne au film une de ses meilleures scènes, une des plus fortes aussi. Traitreusement convié à une fête bourgeoise Jésus entame un long monologue sur fond d'images d'archive de Martin
Luther King face aux invités stupéfaits qui restent de glace face aux propos du Messie.
En plus d'être transposée dans un contexte moderne la parole du Christ comme sa vie sont simplifiées pour mieux pouvoir glisser vers l'euro-trash. Maddalena est devenue prostituée après s'être faite violée à l'adolescence et y avoir pris gout. La scène de la lapidation est remplacée par l'impressionnant passage à tabac d'une putain sur laquelle ses bourreaux urineront, un des plus violents jamais filmés qui n'est pas sans rappeler la mise à mort de Florinda Bolkan dans La longue nuit de l'exorcisme. Judas trahira Jésus à contre coeur en le livrant la nuit d'un vendredi au proxénète afin d'éviter d'être tué. Cette trahison aboutira sur
le long calvaire du Messie, une scène d'humiliation où il est contraint de faire l'amour en public à Maddalena. Parce qu'il continue de refuser toute relation charnelle il est alors condamné à mort. Montées sur leur moto vrombissante les sbires du proxénète entament sur fond de musique religieuse une ronde passant et repassant sur le corps du malheureux supplicié qui agonise sous l'oeil de Maddalena amorphe, défigurée par les coups, et de Judas écoeuré par son acte.
La démarche de Massi n'est certes pas très christique puisqu'il va à l'encontre de la parole du Messie en ne gardant de son histoire que les éléments les plus trash pour en faire un film
de pure exploitation tout en se focalisant sur la relation qu'entretiennent Jésus et la prostituée qui par amour accepte de mettre un terme à sa vie de fille facile, de renoncer au luxe et à l'argent qu'elle cela lui rapportait pour vivre une relation saine, platonique exempte de sexe.
Au coté bizarre et trash du film Massi y adjoint quelques scènes de pure poésie aux limites de l'onirisme voire du surréalisme. Comment ne pas tomber sous le charme de la longue séquence de rêve, la fascinante fugue onirique de Maddalena et de son bel hippie derrière lesquels court à perdre haleine le maquereau, le sacrifice sur l'autel de la putain et celle enfin plus romantique où Jésus et Maddalena s'embrassent sur une plage déserte sur fond de coucher de soleil flamboyant.
Difficile de ne pas songer par instant à Pasolini, autre atout du film, notamment lors des scènes situées aux abords de Rome où règnent misère et prostitution. La présence de Franco Citti accentue ce sentiment comme il est facile de faire un parallèle quasi prémonitoire avec la mort du cinéaste, écrasé de nuit un an plus tard sous les roues de son assassin sur une plage déserte, et le sort du Christ écrasé toujours de nuit sous les roues des motos sur une route isolée.
La distribution est plutôt intéressante. Aux cotés de Sophia Kammura, éphémère actrice aux faux airs d'Erika Blanc dont on saluera la prestation dans la peau de Maddalena on retrouve
Angelo Infanti toujours aussi impliqué, parfait dans le rôle du protecteur, Franco Citti peu présent certes mais dont la froideur colle à merveille avec son personnage de proxénète et Luciano Rossi enfin débarrassé de ses rôles de maniaque se paie le luxe de jouer Judas. Quelques années avant de devenir une des figures incontournable du polar italien, Leonard Mann interprète le Christ, un choix qui pouvait au départ faire sourciller mais qui s'avère finalement une bonne idée, Mann s'avérant plus convaincant en Jésus qu'en inspecteur de police. Son calme, son physique de jeune hippie au regard tendre, colle parfaitement à ce personnage qu'il avait déjà joué trois ans plus tôt dans un très gentillet christploitation
ibérique, El cristo del oceano,
Macro: Giuda uccide il venerdi pourra laisser perplexe, pourra surprendre ou faire sourire. On pourra lui reprocher sa platitude scénaristique et des dialogues par instant absurdes mais il n'en demeure pas moins un film curieux souvent fascinant au charme typiquement années 70, un charme qui transpire tout au long de la pellicule. Autant dire que les amoureux de cette décennie magique seront heureux de s'y replonger, s'immerger de nouveau dans cette splendeur révolue parfumée Flower power, rythmée par une partition musicale
mélancolique qui mêle avec harmonie rock psychédélique et mélodies acoustiques jouées au piano ou à la guitare composées par Nico Fidenco. Cheveux longs et communautés hippies n'ont pas encore fini de nous faire rêver. Avec ses quelques explosions de violence voilà un des principaux intérêts de Macro: Giuda uccide il venerdi, petite gemme christique du cinéma d'exploitation italien méconnue difficilement visible aujourd'hui si ce n'est par le biais d'une vieille vidéo italienne surexposée. Avis aux éditeurs mondiaux!