El cristo del oceano
Autres titres: Christ from the ocean
Real: Ramon Fernandez
Année: 1971
Origine: Mexique / Espagne / Italie
Genre: Fantastique
Durée: 89mn
Acteurs: Nino del Arco, Leonard Mann, Pilar Velasquez, Paolo Gozlino, Roberto Camardiel, Ana Farra, José Manuel Martin, Elio Marconato, Goyo Lebrero, Donorino Garcia, Emilio Rodriguez, Juan Antonio Elices, Maria Elena Arpon, Berta Fernandez, Pedro Luis Lozano...
Résumé: Pedrito, un petit garçon d'une douzaine d'années, vit avec Juan le meilleur de ami de la famille depuis la mort de son père et l'internement de sa mère. Juan est pêcheur et doit souvent s'absenter. Parti en mer l'homme trouve la mort lors d'une tempête. Pedrito se retrouve seul. Chaque jour il guette la mer en espérant voir revenir Juan. Un matin il voit flotter sur les eaux un Christ sur sa croix. Il le transporte dans une grotte. C'est alors qu'un mystérieux jeune homme à la beauté christique nommé Manuel fait soudainement son apparition. Il devient l'ami de Pedrito...
En ce début d'années 70 le Christ fut à l'origine d'une brève et peu prolifique sous branche du cinéma de genre nommée la christploitation qui très souvent vit le fils de Dieu revenir sur Terre pour une raison quelconque. Un des premiers du genre nous vint d'Amérique. Il s'agit de l'énigmatique Him réalisé en 1974 par un certain Ed D. Louie, un artiste peintre homosexuel dit-on. Ce n'était ni plus ni moins qu'un film pornographique morbide aujourd'hui totalement perdu qui offrait une version gay particulièrement trash de la vie de Jésus. Deux ans auparavant le cinéaste marginal William F. Mc Gaha, avait annoncé le retour sur Terre du
Christ réincarné à cette occasion dans la peau d'un hippie violent et drogué à la tête d'une bande de bikers dans Iron horsemen, deux images de Jésus peu flatteuses mais terriblement excitantes quelque peu relevées en 1974 par le premier film de Stelvio Massi Macro: Giuda uccide il venerdi dans lequel cette fois toujours dans la peau d'un hippie Jésus tombait amoureux d'une prostituée de luxe nommée Magdalena. Du coté de l'Espagne, jamais en reste, nous vint en 1971 ce touchant El cristo del oceano qui redore enfin l'image du Christ dans une pellicule familiale proche du lacrima movie.
Pedrito, 13 ans, est orphelin. Il vit dans un petit village de pêcheurs. Son père est mort et sa
mère, malade, est depuis de nombreuses années dans un institut spécialisé. Il vit avec Juan, son meilleur ami, un pêcheur avec qui il partage une relation très forte. Vu son statut social les autorités envisagent d'envoyer Pedrito dans un orphelinat afin qu'il ait une véritable scolarité mais Juan refuse. C'est Carmen, la maitresse d'école et fiancée de son ami Bruno, qui s'occupe de l'éducation de l'enfant. Malheureusement un drame va frapper Pedrito. Lors d'une terrible tempête le bateau de Juan, parti à la pêche, fait naufrage. Il n'y a aucun survivant. L'enfant se retrouve seul, désespéré. Chaque jour il va sur la plage espérant voir revenir Juan. Un matin il aperçoit flottant sur la mer un Christ sur sa croix. Il le récupère et le
transporte jusqu'à une grotte. Alerté le curé du village, émerveillé par cette splendeur qu'il nomme le Christ de l'océan, veut à tout prix qu'elle aille dans son église. Pedrito retourne à la grotte et a la surprise d'y trouver un inconnu, un jeune homme surgi de nulle part, Manuel. Il devient son meilleur ami et confident. L'inconnu lui redonne espoir et confiance tandis que quelques miracles commencent à se produire au village. Manuel est en fait la réincarnation de Jésus revenu sur Terre pour aider Pedrito. Sa mission accomplie il disparait. C'est à ce moment que Pedrito a l'immense bonheur de voir sa mère franchir le seuil de l'église. Guérie elle rentre à la maison. Le miracle s'est produit.
Inspiré du roman éponyme d'Anatole France El cristo del oceano s'apparente dans un certain sens à La merveilleuse visite de Marcel Carné. Chez le célèbre metteur en scène français un ange réincarné en un magnifique jeune homme blond interprété par un hypnotique Gilles Kohler tombait malencontreusement du ciel et s'écrasait sur une plage bretonne non loin d'un petit village de pêcheurs dans lequel il allait bien malgré lui jeter le trouble avant de repartir pour le Paradis. Ici ce n'est pas un ange qui sort des flots mais le Christ lui même venu en aide à un petit orphelin. Les deux films ont en commun ce dénominateur mais là où Carné signait une oeuvre fantastique, troublante à la limite de la
comédie, Ramon Fernandez délivre un film beaucoup plus touchant et surtout lacrymal qui le rapproche donc des lacrima movies italiens d'autant plus que le principal protagoniste est un petit garçon, un orphelin élevé par un ami proche avec lequel il forme un duo inséparable jusqu'à ce que la mer le lui reprenne une nuit de tempête. Tous les éléments sont donc là pour toucher la corde sensible du spectateur même si la première partie du film se traine un peu en longueur, l'intrigue à proprement parler tardant à se mettre en place. Il ne se passe en effet pas grand chose durant les 45 premières minutes si ce n'est la vie au quotidien de l'enfant et de son ami jouant, chantant, faisant les fous dans une ambiance plutôt festive
puisque l'histoire se déroule lors des festivités de la Sainte Vierge, l'occasion pour le spectateur d'assister aux parades maritimes des bateaux garnis de madones et de fleurs et aux bals populaires locaux. De quoi plonger le film dans une atmosphère religieuse en totale adéquation avec l'intrigue même si ces célébrations restent trop superficielles pour réellement en faire ressortir la solennité. Faute d'avoir su insuffler à cette première partie un peu d'ésotérisme elle se laisse voir avec un certain ennui, le spectateur attendant surtout la venue de Jésus dés la seconde moitié de la pellicule plus réussie et surtout prenante.
L'apparition de la croix sur les flots quelques temps après la tempête, son transport jusqu'à
la grotte par l'enfant, fasciné par ce Christ qui semble irréel, la façon dont la croix semble se dresse dans la caverne, majestueuse, baignée d'une douce lumière, plonge le film dans une dimension totalement fantastique, lui donne enfin cette aura divine tant espérée. La mise en scène se fait plus pointue. Fernandez joue beaucoup sur les éclairages, magnifiques, la photographie, splendide, offrant par instant à l'ensemble un coté presque magique aidé par les sublimes paysages maritimes et sauvages des Asturies où fut tournée une bonne partie du film. L'arrivée de Manuel, énigmatique jeune homme surgi de nulle part, n'est en rien un mystère. On aura tôt fait de deviner qui il est en réalité même si Fernandez laisse planer
l'ombre du doute jusqu'aux ultimes images, un plan sur la main du garçon portant les stigmates du Christ. Le choix de Leonard Mann dans le rôle du Christ s'avère judicieux. Alors à l'aube de sa carrière Leonard qui n'avait jusque là que deux films à son actif, deux westerns, Ciakmull et Le pistolero de l'Ave Maria, à le physique de l'emploi. La douceur et la beauté de son visage, son regard aussi bienveillant qu'énigmatique, font de lui un Christ tout à fait crédible et charismatique. Il est intéressant de noter qu'en 1974 Leonard incarnera de nouveau Jésus, un Christ hippie cette fois, dans Macro: Giuda uccide in venerdi. C'est durant cette seconde partie que les glandes lacrymales du spectateur seront le plus mises à
l'épreuve. Les plus sensibles, les coeurs d'artichauts, ceux qui ont la larme facile auront du mal à retenir quelques sanglots et passeront la fin du film l'oeil mouillé, touchés, émus par les aventures christiques de Pedrito jusqu'au final, très touchant, fort réussi, où dans un rayon de lumière divine apparait la mère de l'enfant de retour à la maison. Un vrai miracle après que Manuel ait fait ses adieux au petit garçon emportés par les envolées de violons de Bruno Nicolai à l'origine de la belle partition musicale du film.
L'interprétation est des plus correcte. Nino del Arco qui avait ses débuts en 1966 dans Pour une poignée de dollars est un très bon petit comédien, jamais cabotin ni irritant, au jeu le
plus souvent juste, sans excès. A ses cotés outre Leonard on reconnaitra le générique Elio Marconato (Bruno, l'ami de Juan), Paolo Gozlino (Juan), ex-gloire du péplum et du western spaghetti, et la toujours incandescente Pilar Velazquez dans le rôle de Carmen la maitresse d'école.
Totalement inédit en France El cristo del oceano, coproduction hispano-italo mexicaine, est une jolie oeuvre familiale, un film certes inégal mais divinement charmant, humain et plein d'amour, loin des productions exploitatives, qu'on prendra plaisir à découvrir.