Sette note in nero
Autres titres: L'emmurée vivante / Prémonition / The psychic / Demoniac / Seven notes in black
Real: Lucio Fulci
Année: 1977
Origine: Italie
Genre: Thriller / Fantastique
Durée: 93mn
Acteurs: Jennifer O'Neill, Gabriele Ferzetti, Marc Porel, Ida Galli, Jenny Tamburi, Fabrizio Jovine, Gianni Garko, Bruno Corazzari, Veronica Michielini, Salvatore Puntillo, Loredana Savelli, Paolo Pacini, Vito Passeri, Elizabeth Turner...
Résumé: Depuis son enfance, Virginia a toujours eu des visions. A l'âge de huit ans elle a ainsi vu sa mère se suicider en se jetant du haut d'une falaise. Alors qu'elle pénètre au volant de sa voiture dans un tunnel, elle a la vision d'une femme entrain de se faire tuer et emmurer vivante. Elle découvre rapidement que cette étrange scène a eu lieu dans l'ancienne demeure de son mari, Francesco. Elle abat un des murs du salon et y trouve un cadavre. Il s'agit de l'ex-fiancée de Francesco. Il est incarcéré mais Virginia ne croit pas en sa culpabilité. Elle décide de mener sa propre enquête alors que ses visions se font de plus en précises. Elle ignore encore que sa vie est en grand danger...
Librement inspiré du Chat noir de Edgar Allan Poe, Sette note in nero voit ici le savant croisement entre le giallo traditionnel et le film fantastique puisque toute l'intrigue est axée autour du personnage de Virginia, une jeune femme dotée de pouvoirs psychiques qui lui permettent de voir à distance des évènements qui sont entrain de se produire. Si enfant elle a ainsi vu le suicide de sa mère (une séquence où Fulci s'auto-parodie avec humour en reprenant l'interminable chute finale de Non si sevizia un paperino) en pénétrant dans un tunnel elle a eu la vision d'un horrible crime durant lequel une femme était emmurée vivante. Elle découvre très rapidement que ce meurtre s'est jadis produit dans la vieille maison de son mari, la victime semblant être son ancienne petite amie. Sur ce canevas Lucio Fulci va alors tisser une sorte de toile d'araignée tout autour de son héroïne dans laquelle elle va lentement se perdre jusqu'à l'inattendue révélation finale.
Avec Sette note in nero retitré L'emmurée vivante lors de sa sortie en France tentait avec adresse de mêler les bases de la parapsychologie aux éléments propre au giallo. En ce sens Fulci confessait que ce film était l'un de ses préférés, un de ses meilleurs à ses yeux puisqu'il avait ainsi tenté de retranscrire à l'écran sa vision personnelle du temps, du passé et du futur en y mêlant l'ombre de Poe comme il le refera quelques années plus tard avec Il gatto nero. Avec L'emmurée vivante dont bon nombre de séquences font références à ses précédents gialli (Perversion story, Le venin de la peur, Non si sevizia un paperino), le Maitre signe un thriller fantastique rigoureux absolument superbe, d'une impressionnante précision dans lequel chacune des pièces de ce puzzle temporel trouvera judicieusement sa
place lors des ultimes et angoissantes secondes. Si le cinéaste délaisse cette fois quasiment tout effet sanglant, c'est pour mieux s'évertuer à créer une véritable atmosphère d'angoisse dés les premières minutes, à mettre en place un suspens qui ne fera qu'aller crescendo. Ainsi donc, l'héroïne évolue très rapidement dans un milieu oppressant, inquiétant, régulièrement ponctué par ses terribles visions auxquelles elle ne parvient pas à donner une réelle signification. Passé et présent s'entremêlent donc sans cesse tandis que certaines interprétations deviennent certitudes. Cependant, il semble manquer une pièce essentielle à ce tableau macabre, peut être la surprenante et très certainement la plus effrayante. Lorsque Virginia trouvera enfin la clé de cette ultime énigme, il sera trop tard. Si ses visions l'avaient jusqu'alors fait voyager dans le passé et l'instant présent, c'est dans le futur qu'elles l'ont cette fois projeté. La malheureuse victime n'était autre qu'elle même.
Outre son implacable logique, une des grandes forces de L'emmurée vivante est sa superbe photographie qui sait mettre en valeur ses tout aussi magnifiques décors qui empruntent beaucoup à Mario Bava et même Dario Argento. On en veut pour preuve ce flamboyant petit salon aux tonalités rouge sang, feutré, très intime, où s'est déroulé le drame que Fulci rend de plus en plus étouffant au fur et à mesure que le film progresse tandis qu'il semble rapetisser comme s'il se refermait lentement sur Virginia, une impression d'autant plus effroyable lorsqu'on sait que cette pièce sera en fait sa propre tombe. A cela s'ajoutent une mise en scène intelligente qui joue sur tous les éléments de ce décor qui deviendrait presque un personnage à part entière et des effets de style remarquables récurrents au
cinéma du réalisateur notamment ces incessants flashes, ses visions qui passent avec une aisance presque diabolique de l'obscurité à la clarté à l'image même des interrogations et des certitudes de Virginia, ses zooms souvent terrifiants et ces plans pour la plupart oppressants filmés à travers les fissures de ce mur de briques. On ne peut passer sous silence le final grandiose, un des piliers du film, particulièrement cruel et suffocant qui emprunte au Chat noir ses ultimes images. Ce n'est pas un chat qui cette fois trahira le meurtrier mais la montre de l'héroïne qui se mettra à sonner avertissant les policiers de son inexorable agonie à la différence près que Fulci terminera sur une note de mystère puisque ce sera au spectateur de laisser libre cours à son imagination quant à savoir si Virginia est encore vivante ou pas.
Certes L'emmurée vivante n'est pas parfait et le point faible reste comme souvent chez Fulci le jeu des acteurs. Jennifer O'Neill, l'inoubliable héroïne de Un été 42 et de L'innocent de Visconti, est belle, fort sympathique et récite avec une certaine facilité mais il lui manque ce petit quelque chose qui pourrait la rendre attachante, émouvante. Son interprétation est un brin trop mécanique. Marc Porel quant à lui est bien plus à l'aise dans la peau d'un flic que dans celui d'un parapsychologue dont les théories bateau font parfois sourire. Quant à Gianni Garko il pourra paraitre un peu fade d'autant plus qu'une partie du scénario repose sur son personnage. L'apparition de Jenny Tamburi, boulotte et bien peu mise en valeur, est quant à elle décevante et plutôt inutile.
Si le film au grand désarroi de Fulci ne rencontra pas un gros succès en Italie, il en fut de même en France tant et si bien que L'emmurée vivante rythmé par une intéressante partition musicale signée Fabio Frizzi reste un des films trop méconnus de son réalisateur malgré ses nombreuses et incontestables qualités.
Pour alimenter les anecdotes tel que le lecteur les apprécie, le tournage de L'emmurée vivante ne fut pas des plus reposants. Si on passe sur les accrochages qu'il y eut entre Fulci et ses acteurs notamment Jennifer O'Neill, la passionnelle histoire d'amour entre l'actrice et Marc Porel qui s'étaient rencontrés sur L'innocent l'année précédente rendit les choses parfois difficiles. Jennifer ne se sentait en effet pas capable d'assumer une telle liaison avec un homme toxico-dépendant à l'héroïne. C'est pour dire que leur relation durant le tournage fut par instant houleuse.