Divided into zero
Autres titres:
Real: Mitch Davis
Année: 1999
Origine: Canada
Genre: Fantastique / Horreur
Durée: 34mn
Acteurs: Philippe Daoust, Griffith Brewer, Max Firatli, Stephanie Kepman, Benoit Boucher, Andrea Hardy, Meredith Darling, Steve Jones, Tannis X, Chris Feldman, Rachelle Barrot...
Résumé: Un homme fait face à ses peurs et démons intérieurs. Enfant, il a vu son père mourir dans les flammes et sa mère se suicider incapable de supporter sa douleur. Il développe dés l'adolescence un goût très prononcé pour la scarification et l'auto-mutilation. Devenu adulte, il perpétue ces plaisirs à travers le masochisme poussé à l'extrême et l'urophilie. Il est d'ailleurs obsédé par l'urine, source de purification et de sanctification. Vieillard, il sombre dans la pédophilie, une manière de revivre cette enfance traumatisante. Incapable de pouvoir trouver des réponses à ses questions existentielles, une solution à ses tourments, il sombre dans une irréversible folie auto-destructrice...
Crée par la même équipe que celle du blasphématoire et subversif Subconscious cruelty que l'on doit au jeune metteur en scène canadien Karim Hussain mais réalisé cette fois par Mitch Davis, Divided into zero nous entraine dans les méandres de l'âme humaine, au coeur même des tourments qui mènent au seuil de la folie, de cette fissure dans laquelle on se perd parfois pour ne plus jamais en ressortir. Au centre de ce voyage au bout de l'abominable se trouve un enfant dont le père est mort carbonisé et la mère s'est suicidée afin d'éviter de faire face à ses propres peurs. Il a ainsi nourri une fascination morbide pour l'auto-mutilation
et s'inflige des cicatrices faites au rasoir afin de trouver une réponse à ses questions, à ses peurs. Devenu adulte, ce sont dans les plaisirs masochistes les plus cruels qu'il prendra du plaisir avant de se livrer à des actes pédophiles une fois arrivé à l'hiver de sa vie. Ses actes ne sont jamais que le miroir de l'enfant qu'il fut autrefois, une tentative de retour désespérée et impossible vers ce passé qu'il refuse au nom d'un dieu qu'il rejette. "If there is a god I wish I could never be reborn!"
Tout comme pour Subsonscious cruelty, Divided into zero est dépourvu de toute trame narrative. C'est une fois encore un fatras d'images surréalistes et subversives que chacun pourra interpréter comme il le sent ou le ressent, agencées cette fois de façon plus brouillonne, plus confuse mais tout aussi percutantes.
Découpé en trois parties, Divided into zero retrace le cheminement de celui qu'on appelle le Wanderer errant perdu dans le labyrinthe inextricable de son âme, de son enfance alors qu'il est au crépuscule de sa vie. On découvre petit à petit les raisons qui l'ont mené à sa sanglante fascination pour l'auto-mutilation puis vers la folie.
Né par césarienne, cette venue au monde fut la première mutilation qu'il ait connu en sortant de ce ventre ouvert par nécessité. Marqué dans son inconscient par ce premier traumatisme, cette opération chirurgicale donna naissance à cette fascination latente pour la scarification et l'auto-mutilation. Adolescent il passe son temps à se taillader les bras au rasoir ce qui lui procure un plaisir quasi orgasmique qu'il reproduira plus tard dans ses ébats amoureux en
se faisant lacérer le corps et ouvrir le ventre lors de jeux sadomasochistes durant lesquels il se souvient de ce qu'il éprouva face à l'agonie de son père prisonnier des flammes, du corps de sa mère qu'il laissa décomposer après son suicide, n'éprouvant strictement aucun sentiment. L'enfance omniprésente durant tout le métrage présente est à l'origine de tous les traumatismes. Elle est symbolisée par le Wanderer lui même mais également par ces poupées de plastique qui pleurent quand on leur met des yeux, ces abominables embryons que manipule le vieillard et la petite fille qu'il s'apprête à torturer.
Le calvaire que le Wanderer a vécu enfant a développé en lui une haine sourde à laquelle s'est mêlée une forme d'obsession née de ces regrets qui au fil du temps s'est transformée en tendances pédophiles qui le rongent. C'est à un véritable et terrible combat intérieur auquel il se livre au quotidien sans pouvoir lutter contre elles.
C'est la raison pour laquelle il cherche à laver son âme, à purifier son corps non pas par l'eau mais par l'urine. Ainsi il offre à la fillette vêtue de jaune non pas une citronnade mais un verre d'urine. Sa partenaire sexuelle lui pisse sur le corps durant leurs ébats. Si à travers cet acte il trouve la sanctification c'est aussi dans l'urine qu'il mourra dans la peau d'un vieillard décharné et incontinent qui se vide, recroquevillé dans sa propre pisse. Si dans Subconscious cruelty la femme se vidait par flots lors de ses règles, transformant son lit en un océan de sang, le vieillard se vide de son urine qui forme alors des rivières qui s'écoule par torrents dans sa chambre puis se transforme en chaudes larmes... ou comment pleurer son urine. "Urinate in agony" commente le Wanderer.
Si l'urine est purificatrice, elle est aussi un élément blasphématoire. On urine sur le Christ, ce Dieu que le Wanderer rejette. La religion fait partie intégrante du récit et ne peut se dissocier des interrogations que se pose l'Homme qui a crée un Dieu dit bon mais qui cependant autorise la souffrance et la peur. Les sanglants ébats sadomasochistes sont ainsi entrecoupés de flashes d'une incroyable cruauté dans lesquels le Wanderer se transforme en Christ ensanglanté crucifié aux entretoises d'un lit en métal au milieu d'une sombre pièce putride où trône une Vierge voilée momifiée tenant dans ses bras un affreux poupon.
L'élément liquide est d'ailleurs omniprésent soit sous forme de pisse soit sous forme de larmes. On se vide comme pour mieux évacuer sa folie, sa peur car Divided into zero s'axe également autour des interrogations et de la peur sans nom qui naissent d'états de fait qu'on ne peut expliquer, la terreur de ne pas comprendre qui on est, pour quelles raisons on est ainsi, le pourquoi de nos actes, toutes ces questions qui hantent l'homme jusqu'au seuil de sa mort qui n'est même plus une délivrance puisque avec elle, les questions deviendront encore plus effrayantes lorsqu'il lui fera face lors de l'ultime instant. Le film se clôturera sur l'une des plus terrifiantes images de la Peur jamais imaginée, un long plan sur le regard effroyable de l'homme perdu au plus profond de lui même, face à la nuit, à l'obscurité de son âme après avoir renié Dieu tandis qu'une main s'agrippe à une paroi sur laquelle elle glisse inexorablement au son de pleurs lugubres sortis des entrailles de l'Enfer et de la voix sépulcrale du Wanderer qui psalmodie ce qui peut résumer cette vertigineuse plongée au coeur même de la folie:
"There is a crack in the center of me,
I've lost myself deep inside of it,
I can't stop my mind from haunting my soul
and all the logic in the world wouldn't save me,
I don't how it is that I've become what I am,
All is meaningless,
I'm cold in my warmth,
Warm in my absence,
I'm very very.. afraid"
Moins sadique que Subconscious cruelty Divided into zero n'en regorge pas moins d'effets gore souvent extrêmes spécialement saisissants que les plus sensibles trouveront particulièrement choquants, l'apothéose du sadisme étant atteint lors de la séquence où la fillette-martyr, reflet obsessionnel du passé de cet homme, est crucifiée au mur, exsangue, une lame de rasoir plantée dans la bouche tandis que s'interfèrent des images particulièrement suggestives d'une poupée dont le visage se recouvre de sperme.
D'une beauté plastique étonnante, privilégiant les couleurs vives qui tranchent avec le noir de certaines scènes, Divided into zero que rythme une partition musicale atmosphérique aussi oppressante que planante est quasiment dénué de tout dialogue, une absence qui par instant le rend encore plus suffocant. Le film bénéficie en outre d'un jeu d'acteur excellent. Trois interprètes différents incarnent le Wanderer, chacun illustrant les trois phases de sa vie, le jeune et ténébreux Max Firatli, Philippe Daoust et le décharné et inquiétant Griffith Brewer depuis décédé.
Divided into zero est une oeuvre fortement dérangeante et subversive aux limites du cinéma expérimental, une vertigineuse plongée dans les tréfonds de l'âme humaine et les méandres de la folie, une exploration tortueuse inoubliable aux limites du surréalisme des questions existentielles et des interrogations d'un être perdu dans l'inconnue noirceur de ses peurs et trauma. Cet éprouvant court-métrage se classe aisément aux cotés d'oeuvres psychanalytiques outrageusement provocantes, profondément hérétiques et visuellement choquantes telles que Begotten, Pig de Rozz Williams et bien sûr Subconscious cruelty. Moins insoutenable que ce dernier, Divided into zero est fortement déconseillé aux plus sensibles mais réjouira les plus endurcis qui ne craignent pas de repousser toujours plus loin les limites de l'insupportable.