Una lucertola con la pelle di donna
Autres titres: Le venin de la peur / Les salopes vont en enfer / Carole / Woman with the lizard skin
Real: Lucio Fulci
Année: 1971
Origine: Italie
Genre: Giallo
Durée: 103mn
Acteurs: Florinda Bolkan, Anita Strindberg, Jean Sorel, Silvia Monti, Stanley Baker, George Rigaud, Alberto De Mendoza, Leo Glenn, Franco Balducci, Edy Gall, Mike Kennedy, Ezio Marano, Penny Brown...
Résumé: Carole, l'épouse d'un avocat réputé, est troublée par la vie dissolue de sa voisine, Julia. Hantée par un rêve qu'elle fait régulièrement dans lequel elle se voit assassiner Julia, Carole se confie à son psychanalyste. C'est alors qu'on retrouve le corps sans vie de la jeune femme apparemment tuée de la même façon que Carole l'avait vu en songe. Malheureusement pour elle, un coupe papier et un manteau de fourrure lui appartenant ont été retrouvés auprès du cadavre. Tout accuse Carole mais progressivement d'autres suspects potentiels s'ajoutent à la liste de l'inspecteur: son époux et sa maîtresse, sa belle soeur et le couple de drogués qu'elle fréquente et même son propre père. Carole, poursuivie par ses cauchemars plonge lentement dans un monde de folie...
Après un premier essai en 1969 dans le thriller érotique avec Una sull'altra, Lucio Fulci réalise en 1971 sa seconde incursion dans le giallo Una lucertola con la pelle di donna connu chez nous sous de multiples titres dont Le venin de la peur, Carole ou encore Les salopes vont en enfer.
Le venin de la peur plonge le spectateur dès les premières minutes dans un univers morbide et claustrophobe, une sorte de cauchemar glauque où dés lors la frontière entre le rêve et la réalité sera particulièrement dure à situer. La première scène est en cela un véritable tour de force, un instant quasi onirique. Carole, l'héroïne, se voit bloquée dans un train dont les compartiments refusent de s'ouvrir. Elle est agressée par une horde de gens nus avant qu'elle ne plante un couteau dans le ventre d'une femme, sa jeune voisine, par qui elle est sexuellement attirée. Carole se réveille, tout ceci n'était qu'un rêve enfin du moins c'est ce qu'elle pense sur le moment. Fulci crée immédiatement un climat étouffant où claustrophobie est synonyme de mort.
Si on retrouvera cette atmosphère à la fois vénéneuse et onirique tout au long du métrage, la structure du Venin de la peur est toutefois policière jusqu'à l'étonnant final, bien rationnel lui, où le titre original du film, cette "femme à la peau de lézard", prendra tout son sens.
Tout rationnel que soit l'épilogue, le fantastique est cependant présent à travers les rêves de Carole, délirants et terrifiants. A cette occasion, le maestro déploie la panoplie la plus imaginative qu'il ait jamais utilisé alors comme cette réunion de cadavres aux yeux crevés ou l'attaque de l'oie géante. A ce fantastique s'ajoute une réalité tout aussi effrayante telle cette horde de chauve-souris sanguinaires ou ces chiens de laboratoire au ventre ouvert qui continuent de gémir. Fulci fait en outre preuve d'une technique remarquable et s'offre des effets de virtuose lorsqu'il nous fait apparaitre l'homme de loi dans l'iris dilaté de Carole ou nous entraine dans le tourbillon étourdissant des rêves de la jeune femme. Cette maîtrise surprenante se retrouve également dans la manière dont Fulci représente la folie par l'intermédiaire de toute une panoplie d'angles distordus souvent inattendus, de zooms vertigineux, de gros plans effroyables mais également de toute une palette de jeux de lumières incroyables.
Film froid, glacé, Le venin de la peur est sans nul doute le chef d'oeuvre de Fulci période pré-zombis si on excepte son magnifique Beatrice Cenci / Liens d'amour et de sang. Il n'émane aucune sympathie de tous ces personnages, tous plus vils les uns que les autres, des personnages sinistres aux motivations toute plus empoisonnées les unes que les autres. Le venin de la peur est un venin qui lentement détruit les êtres. Il n'y a rien de bon chez l'homme pour Fulci et cette antipathie, il la renforce par un montage diabolique et sec souligné par la très efficace partition musicale signée Ennio Morricone, des dialogues tranchants comme des lames de rasoir, d'une rigueur absolue.
Le sexe est omniprésent et l'érotisme que dégage parfois le film est saisissant et parfaitement osé pour l'époque notamment la relation saphique entre Carole et sa voisine. Ambiance psychédélique, le film dont les effets spéciaux sont signés Carlo Rambaldi est une véritable réussite technique et artistique, un grand thriller qui demande toute l'attention du spectateur, un thriller où chaque scène a son importance, où chaque minute apporte son élément nouveau.
Florinda Bolkan que le réalisateur réutilisera dans La longue nuit de l'exorcisme est aussi parfaite que resplendissante dans le rôle de Carole aux cotés de Jean Sorel, Anita Strindberg dont ce fut le début de carrière en Italie et Stanley Baker. Le venin de la peur est un film sinistre, aux charmes cruels et pervers mais diaboliquement beau... La beauté du diable.