Haydée Politoff: Le désir exotique
Issue de la nouvelle vague française, c'est pourtant en Italie que cette jeune actrice va faire carrière même si le cinéma n'a jamais été son ambition première. Dix ans sous les feux des projecteurs durant lesquels elle s'amusa tout en s'offrant des vacances sous les tropiques. Tahiti, Bali deux destinations qui firent rêver bien des spectateurs qu'elle fit à son tour rêver dans des films gentiment érotiques. Puis elle disparut comme elle était apparue. Le temps est venu de faire revivre cette jeune louve, une jolie collectionneuse qui fut une des envoûtantes sorcières du lac, la séduisante et timide Haydée Politoff.
Haydée est née à Paris le 25 mai 1946. Faire du cinéma n'a jamais été l'objectif premier d'Haydée. Jusqu'à ce qu'elle obtienne le rôle féminin principal de La collectionneuse en 1967, Haydée était passée d'une chose à une autre, doucement, aisément sans se poser de question. Son premier rôle au cinéma est aux cotés de Jean Rochefort dont elle garde un joli souvenir dans Ne jouez pas avec les martiens. Nous sommes en 1967, Haydée connaît un peu le milieu du showbiz grâce à la bande d'amis avec qui elle traîne alors. A cette époque elle fréquente France Gall, Jean-Jacques Debout et Chantal Goya, toute cette vague yé-yé qui déferle sur la France. Eric Rohmer l'avait repéré un jour lors d'une fête chez des amis communs. C'est là qu'il eut l'idée d'écrire pour elle un rôle sur mesure, celui de La collectionneuse. L'assistant du réalisateur l'aborda un jour alors qu'elle prenait un café dans un bar afin de lui demander si elle ne voulait pas écrire les dialogues du film. Haydée accepta sans hésiter sans savoir qu'elle en serait également l'actrice principale aux cotés de Patrick Bauchau.
La collectionneuse lance la carrière d'Haydée au cinéma qui l'année suivante apparait dans un court métrage aux cotés de Serge Gainsbourg qu'elle admirait, Le lapin de Noël. Elle tourne ensuite sous la direction de Jean carné, Les jeunes loups. Autant elle s'entendit très bien avec Rohmer avec qui elle était sur la même longueur d'onde autant les relations avec Carné alors en fin de carrière furent houleuses. Haydée déteste ce film qu'elle n'a pas peur de qualifier de véritable m....! Carné selon Haydée tentait de rester jeune, de vouloir continuer à filmer comme il filmait vingt ans plus tôt tout en essayant de s'adapter à la modernité, d'avoir un discours jeune. Une catastrophe!
C'est alors que la jeune actrice part pour l'Italie où elle va rester dix ans. C'est là qu'elle va faire la majeure partie de sa carrière d'actrice, une carrière non choisie, non planifiée. Mais elle préfère le cinéma au théâtre ou à la télévision. Trop timide elle se voyait mal affronter en direct un public. Haydée va donc là où on la demande, prend ce qu'on lui offre sans se poser de question. C'est dans son caractère.
Son premier film en Italie sera pour Giuliano Biagetti, l'età del malessere, l'adaptation du roman de l'épouse d'Alberto Moravia. Le tournage aux cotés de Jean Sorel se déroule au bord de la mer, Haydée est heureuse même si elle ne parle pas un mot d'italien. Le film lui apporte une certaine renommée en Italie et elle décroche l'année suivante en 1969 le rôle principale de Bora Bora de Ugo Liberatore, le père du filon érotico-exotique dont Bora Bora est un des pionniers. Haydée avoue qu'elle a accepté de faire ce film pour le voyage comme pour Trafic à Bali quelques années plus tard. On ne refuse pas de telles vacances à moins d'être fou, confesse t-elle malicieusement.
Malgré le scandale qui suit la sortie du film en Italie, Bora Bora est un joli succès. Haydée va poursuivre sur cette voie exotique avec un étrange sexy thriller, Interrabang, dans lequel elle retrouve non seulement Biagetti à la direction mais aussi son partenaire de Bora Bora, Corrado Pani. Puis c'est sous la houlette de Pasquale Festa Campanile qu'elle apparait dans Scacco a la regina. Après une incartade en Espagne pour Las intensione secretas / Les intentions secrètes dans lequel elle a un petit rôle aux cotés de Jean-Louis Trintignant dont elle garde un souvenir un peu terne, elle est avec Ida Galli et Silvia Monti une des trois envoûtantes sorcières de Le regine / Les sorcières du lac de Tonino Cervi qui hypnotisent le pauvre Ray Lovelock, un autre film qu'elle n'estime guère.
Pour Castellari elle tourne ensuite Les proxénètes avec Caterina Boratto, Vittorio De Sica et Giancarlo Giannini.
En 1972, elle est de nouveau une des héroïnes principales d'un film, le fameux La vergine di Bali / Trafic à Bali avec George Ardisson et Lea Lander, une participation qu'elle accepta surtout pour les lieux de tournage, véritables vacances payées qu'elle aurait été stupide de refuser. Haydée avoue sans mal que durant cette longue période italienne elle a tourné un peu tout et n'importe quoi parfois parce qu'elle était obligée de travailler. Sans dénigrer tous ces films souvent mineurs, elle reconnaît que beaucoup ne valaient rien ou si peu.
C'est de nouveau pour Rohmer qu'elle tourne ensuite, une brève participation cette fois dans L'amour l'après midi. Il est vrai que désormais Haydée n'obtiendra plus de grands rôles. Elle se contentera de personnages de second voire troisième rang. C'est ainsi qu'on la voit dans L'altra faccia del padre de Franco Prosperi avant d'accepter car à cette époque elle avait besoin d'argent de partir en Espagne pour rejoindre la distribution de Le grand amour du comte Dracula réalisé par Javier Aguirre, un de ses plus mauvais souvenirs. Si le film est pitoyable Haydée pensait que jamais personne ne le verrait. Malheureusement il fut diffusé sur une des nombreuses chaînes télévisées italiennes au grand désespoir de la comédienne qui de surcroît fut blessée lors du tournage entraînant une raideur du cou qu'elle dut dissimuler sous sa longue perruque.
Nous sommes en 1976 et Haydée est la compagne de Daniel Duval. Elle voyage entre la France et l'Italie. En 1978 elle tourne dans la mythique mini-série Le mutant avant d'être en 1979 à l'affiche de La femme qui pleure de et avec Jacques Doillon. C'est alors que son ami Hiram Keller lui propose de venir le rejoindre en Amérique ce qu'elle fait sans hésiter puisque Haydée est de nouveau libre. C'est à cette occasion qu'elle tourne La guerre des otages avec Georges Kennedy dont elle garde un bon souvenir malgré les défauts du film qu'elle juge assez mauvais.
Haydée est restée en Amérique et a mis fin à sa carrière d'une part car il est difficile pour une française de tourner en Amérique mais aussi car elle s'est remariée. Après être restée un an
à Hollywood, elle s'est installée non loin de San Francisco où il réside toujours avec la petite chinoise qu'elle et son mari ont adopté il y a quelques années déjà. Haydée et sa petite famille vivent paisiblement au coeur de la forêt dans une très jolie maison près d'une rivière.
Haydée a un regard lucide sur son passé de comédienne qu'elle ne renie en rien. Elle s'est amusée et reconnait à l'exception de La collectioneuse et La femme qui pleure ne pas avoir eu une carrière ni très réfléchie ni très intelligente mais qu'importe! Haydée est une femme heureuse et d'elle nous garderons l'image de cette belle jeune fille qui continue à nous charmer à travers tous ces films qu'elle juge peut être mineurs mais qui sont majeurs à nos yeux de bissophiles !