Ne jouez pas avec les martiens
Autres titres: Don't play with the Martians
Réal: Henri Lanoe
Année: 1967
Origine: France
Genre: Science-fiction
Durée: 81mn
Acteurs: Jean Rochefort, André Valardy, Macha Méril, Pierre Dac, Sacha Briquet, Haydée Politoff, Jean Ozenne, Frédérique De Pasquale, Amanda Lear, Madeleine Damien, Carroll St Paul, Marie-laure Byk, Eija Pokkinen, Agneta Van De Laar, Monique Rozier, Carroll Whitechurch, Albert Michel, Maria-Rosa Rodriguez...
Résumé: Deux journalistes peu compétents sont envoyés en Bretagne sur l'ile de Locmaria pour couvrir la naissance de quintuplés. A leur arrivée ils apprennent que ce sont en fait des sextuplés. La mère prétend n'avoir jamais fait l'amour au garçon qui l'a mise en enceinte. Férue de légendes Maryvonne, l'infirmière de l'ile, s'amuse avec le télex des journalistes et envoie par mégarde un message à Paris comme quoi des martiens ont débarqué sur Locmaria. La nouvelle se répand très vite mais les journalistes doivent démentir. C'est alors que six extraterrestres déboulent dans le troquet du village. Originaires de Gamma 2 ils ont intercepté le message de Maryvonne et sont venus secourir les prétendus martiens échoués sur Terre. En apprenant que c'est une farce ils décident de repartir mais les journalistes les retiennent. De plus l'un d'eux est le père des sextuplés...
Henri Lanoe est surtout connu pour avoir principalement travaillé comme monteur pour Jacques Deray et Philippe De Broca. Egalement scénariste et acteur il ne réalisa qu'un seul et unique film dans sa carrière, Ne jouez pas avec les martiens, un film de science-fiction qu'il tourna en 1967 aujourd'hui bien oublié semble t-il puisqu'il n'a jamais eu les honneurs d'une édition vidéo encore moins numérique. Il faut remonter à l'âge d'or de la télévision française, les années 70, pour trouver trace d'un passage télévisé dont les plus anciens doivent se souvenir tant il dut marquer leur génération. Autant dire que ces "Martiens" sont
devenus au fil du temps une oeuvrette peut-être pas culte mais recherchée par les amateurs notamment pour sa rareté.
René Mastier et le photographe Paddy sont deux journalistes incompétents de la Gazette de Paris qui ratent tous les scoops qui peuvent se présenter. Alors qu'ils sont à Rio de Janeiro le directeur les rappelle à Paris. Il leur offre la chance de se racheter en les chargeant de couvrir la naissance de quintuplés sur l'île de Locmaria en Bretagne. Dés leur arrivée sur l'île pluvieuse les ennuis s'accumulent. Leur radio tombe à la mer, ils logent dans une chambre sans chauffage et les habitants ne sont guère hospitaliers. Le docteur Créache et
son assistante l'infirmière Maryvonne leur apprennent que la future maman n'est pas mariée et que le père est inconnu. Alors qu'elle s'amuse avec le télex des journalistes Maryvonne, passionnée de légendes et d'histoires étranges, envoie par mégarde un message comme quoi des Martiens ont débarqué dans l'île. La nouvelle se répand vitesse grand V dans toute la France. Le président de la République lui même aimerait recevoir les martiens. Mais dés le lendemain toutes les communications avec l'île sont coupées. Des extraterrestres venus de la planète Gamma 2 qui ont reçu le télex pénètrent dans l'hôtel qui héberge Mastier. Ils sont venus chercher les martiens pensant que leur soucoupe est tombée en panne. En
apprenant qu'il s'agit d'une blague ils décident de repartir. Les deux journalistes voient là le scoop de leur vie et tentent de les retenir afin de connaître leur mode de vie. Peu loquaces les Gammiens acceptent finalement de rester d'autant plus que l'alcool a sur eux un effet libérateur. La jeune femme finit par accoucher non pas de quintuplés comme prévu mais de sextuplés. Maryvonne découvre bientôt que l'un des extraterrestres est le père du sixième bébé qu'il a engendré en embrassant simplement la mère. Les Gammiens se reproduisent en effet par la bouche, en s'embrassant. Lorsque les autorités et le directeur de la gazette débarquent sur l'île il n'y a plus aucune trace ni des extraterrestres ni de la mère et des six
enfants. Furieux de cette farce de mauvais gout le directeur repart...
Contrairement à d'autres pays comme l'Angleterre et bien sûr les Etats-Unis, la science-fiction n'a jamais été un sujet de prédilection dans la France des années 60 et 70. Trop cérébraux, trop marginaux les films de science-fiction français n'ont jamais été des oeuvres grand public et sont restés le plus souvent confidentiels pour finir le plus souvent perdus dans le tourbillon du temps. En adaptant le roman de Michel Labry "Les sextuplés de Locmaria" Lanoe tente cette fois la carte de la comédie tout public avec un film accessible qui sent bon le terroir. Au coeur de cette intrigue deux petits journalistes ratés et
malchanceux qui chaque fois qu'un scoop se présentent à eux préfèrent couvrir des évènements sans aucune importance. Revenus des plages ensoleillées de Rio les voilà catapultés sous la pluie bretonne de l'ile de Locmaria où ils doivent rencontrer la future mère de quintuplés. Une blague, une fausse manipulation de la jeune Maryvonne passionnée de légendes et d'histoires extraordinaires, et là voilà qui envoie un télex à Paris annonçant la venue de Martiens sur l'ile! Si la farce prend très vite une ampleur disproportionnée personne ne s'attendait à voir six extra-terrestres venus de Gamma-2 débarquer sur l'ile qu'ils coupent du monde grâce à un mur invisible que rien ni personne ne peut traverser. Ce
ne sont pas des martiens mais des aliens "réparateurs" qui ont intercepté le télex et ont cru que des martiens étaient tombés en panne sur Terre! Et voilà que cette arrivée inattendue va également changer la vie de la future mère des sextuplés. Le souci est qu'elle est célibataire et affirme d'avoir jamais couché avec l'étrange garçon avec qui elle est sortie. Le père est en fait un des extra-terrestres, un simple baiser la mise en enceinte.
Ne jouez pas avec les martiens se veut drôle et il l'est de temps à autre mais ce n'est pas Le gendarme et les extra-terrestres non plus encore moins La soupe aux choux. Le film de Lanoe est un peu plus subtil. Certes il joue la carte de l'humour via ses deux pauvres
protagonistes, l'enjouée Maryvonne et quelques gags et jeux de mots mais il sait surtout utiliser, profiter de ses décors naturels pour créer une atmosphère. Quoi de mieux pour ça que la grisaille bretonne et les magnifiques paysages sauvages de l'ile de Locmaria dans le Morbihan, un endroit propice aux légendes bien sûr mais aussi pour qu'une soucoupe y débarque. La pluie incessante, la froideur des autochtones font le reste, l'ensemble donnant un coté authentique au film. Plus intéressants encore sont les thèmes sous-jacents. Lanoe ne se contente pas d'une simple histoire de martiens débarqués sur Terre par erreur mais il évoque surtout une grossesse inexpliquée. La mère est célibataire et affirme n'avoir jamais
fait l'amour, les bébés n'ont pas de père (imaginez un tel contexte dans la France des années 60, un choc comme le rappelle le directeur de la gazette). Comme le dit si bien Mastier il n'y eut qu'un seul et unique cas de ce type et on le connait tous! Oser évoquer l'enfant Jésus dans une histoire d'alien le tout sous le ton de la comédie sans pour autant sombrer dans le ridicule, l'indécence ou la facilité n'était pas forcément évident. Lanoe y est parvenu et en profite pour gentiment pointer du doigt les moeurs de cette France conservatrice. Finalement l'honneur est sauf. Les sextuplés ont bien un père même si c'est un étranger comme le fait remarquer le grand-père. "On aurait préféré quelqu'un de bien de
chez nous". L'étranger est parfois bien plus ouvert d'esprit. " Chez nous on s'en fout du mariage, du père et de toutes ces choses" rétorque l'alien. Ou comment faire un gentil doigt d'honneur aux bonnes moeurs.
Ne jouez pas avec les Martiens a le charme des oeuvres de science-fiction des années 60 mais il interpelle également, retient l'attention et c'est avec une certaine impatience qu'on attend nos Martiens qui finalement déboulent sans prévenir dans un troquet. On devine aisément le petit budget dont a bénéficié Lanoe mais ses Gammiens resteront gravés dans nos esprits bissophiles amateurs de séries Z ou B. Deux yeux de chat sur un visage de cire,
un casque de chantier sur la tête, vêtus d'une combinaison moulante beige scintillante et de petites bottines, un mini talkie-walkie collé à l'oreille pour communiquer par télépathie et point de circulation sanguine, nous sommes bel et bien dans les années 60, mais pour ceux qui le découvrirent enfants à la télévision, leur image les aura à jamais marqué sans pour forcément pouvoir remettre un nom sur le film. Cet aspect aussi ringard soit-il aujourd'hui fait partie intégrante du film et de son charme si désuet.
Puis il y a la distribution! Et quelle distribution! Quel plaisir de retrouver le flegme de Jean Rochefort (sans moustache) dans le rôle de Mastier, un Rochefort égal à lui même c'est à
dire parfait quelque soit le rôle qu'on lui attribue. Il est flanqué de André Valardy, son photographe de partenaire, d'une toute jeune Macha Méril aussi lumineuse que pétillante dans le rôle de Maryvonne. A leurs cotés on reconnaitra Pierre Dac (le docteur), Sacha Briquet et Haydée Politoff. Pour la petite anecdote c'est notre Amanda Lear nationale qui se cache sous le costume d'un des Gammiens, celui qui à un moment porte une coiffe de bigouden.
Rythmé par le son du biniou (vive les bretons!) Ne jouez pas avec les Martiens n'est
évidemment pas un grand film. C'est tout simplement une douce comédie de science-fiction au rabais qui a le charme de son temps, une série B voire Z amusante à l'atmosphère très bretonne qu'on prendra plaisir à voir ou revoir. Seul bémol peut être les ultimes images dont on pouvait se passer. Les Martiens partis c'est Ness le monstre du Loch Ness qui émerge des flots offrant ainsi un nouveau scoop aux journalistes qui préfèrent lui tourner le dos et repartir. Le plan sur Ness est franchement hilarant, une transparence qui ressemble surtout à une vilaine ombre chinoise, et ce petit twist franchement inutile. On aura pu s'en passer!
La Bretagne sera de nouveau à l'honneur en 1974 dans le cadre d'un joli film fantastique cette fois, La merveilleuse visite de Marcel Carné, ou l'histoire d'un ange qui tombé du ciel s'échoue sur une plage bretonne.