Disposta a tutto
Autres titres: Prête à tout / Ready for anything
Real: Giorgio Stegani
Année: 1977
Origine: Italie
Genre: Drame érotique
Durée: 98mn
Acteurs: Eleonora Giorgi, Bekim Fehmiu, Barbara Magnolfi, Max Delys, Vittorio Duse, Laura De Marchi, Felicita Fanny, Gloria Serbo, Maria Bonolis...
Résumé: Anna a 17 ans. Elle est étudiante en sténo. Elle rencontre Marco, un ingénieur nautique d'âge mur, en phase de divorce et père d'une petite fille issue d'un premier mariage. Elle en tombe aussitôt éperdument amoureuse. Mais Marco est un être torturé ayant une conception un peu particulière de l’amour. Lorsque Anna lui déclare qu’elle est prête à tout pour lui, Marco décide de la mettre son amour à l'épreuve. Elle devient alors l'objet de ses vices et caprices, son esclave. Follement éprise, Anna n'a plus aucune limite. Mais un jour, la situation se renverse lorsque l'adolescente découvre qu'elle est enceinte...
Prête à tout... par amour, Anna, une étudiante de 17 ans, l'est pour Marco, un homme beaucoup plus âgé qu'elle, marié et père d'une petite fille. C'est sur cette base que repose Disposta a tutto, ultime film de Giorgio Stegani, un des vétérans du cinéma de genre transalpin, co-écrit par Robert Gianviti scénariste de Beatrice Cenci, Una Lucertola con la pelle di donna et Non si sevizia un paperino de Lucio Fulci.
S'inscrivant en droite ligne dans le riche filon des films érotico-trash qui virent le jour en Italie dans les années 70, Disposta a tutto est une oeuvre étrange et trouble à mi chemin entre le cinéma d'exploitation et le cinéma d'auteur. Se voulant particulièrement philosophique, le film de Stegani piétine pourtant et fera plus sourire qu'il ne fera réfléchir sur le thème qu'il tente de développer durant 90 minutes: Qu'est ce que l'amour? L'amour pur existe t-il réellement? Cet amour ne conduit il pas à l'esclavage, un amour où on donne tout et concède tout à l'être aimé jusqu'à en devenir son esclave, voie ouvrant sur la totale domination de l'un sur l'autre, aller toujours de plus en loin afin de dépasser sans cesse les limites. Disposta a tutto tente alors de mettre en avant les rapports maladifs qui existent entre maître et esclave. Et maladif le film l'est durant toute sa première partie.
Stegani se concentre essentiellement à créer une véritable atmosphère morbide à la limite par instant de l'onirisme par le biais de scènes érotiques souvent osées, malsaines, à la fois belles, troubles et troublantes en se focalisant sur les psychoses de Marco et le pouvoir qu'il exerce sur cette adolescente en quête d'amour pur. Cela donne l'occasion à Stegani d'offrir au spectateur quelques séquences joyeusement audacieuses telles celle où il oblige Anna à se prostituer, celle où il lui demande de se tuer pour lui (un moment intense que le réalisateur aimera insérer à plusieurs reprises de façon aussi macabre qu'onirique tout au long du film), celle où il la contraint à exposer ses théories sur l'amour face à un groupe de féministes endurcies dont le leader n'est autre que sa propre femme ou celle où elle s'offre aux pires perversions d'un inconnu alors qu'il l'observe à travers une oeillère. L'amour passe forcément par l'humiliation et durant toute la première partie l'humiliation semble être un des moteurs du film et donc des personnages.
Tant cette adolescente que cet ingénieur en phase de divorce recherchent la même chose, ont le même idéal, la quête d'un amour aussi pur qu'ultime, un amour inconditionnel, pas un amour basé sur le sexe qu'ils refusent tout deux. Pour Stegani, cet amour fou passent par l'abnégation de l'autre, l'oubli de soi même, un oubli qu'incarne Anna, une adolescente prête à tout même à se donner la mort pour preuve d'amour, à obéir à tous les vices, les caprices et les fantasmes de son amant.
La deuxième partie qui se déroule à Venise est malheureusement plus classique et perd totalement de ce coté morbide qui faisait toute la force de la première heure. Cet érotisme malsain et trouble laisse alors la place à un mélodrame beaucoup plus banal et larmoyant qui fait perdre beaucoup de son intérêt au film. Avec le temps, Anna s'est endurcie, elle est devenue une femme mature, cette femme mature dont peut être rêvait Marco qui impose désormais ses idées, ses désirs tout en tenant tête à son amant dont elle est enceinte et préférera quitter, lui et ses théories existentielles, malgré son amour pour lui. Cette dernière demi-heure est une sorte de long "Je t'aime moi non plus" où amour et haine se mêlent dans la confusion des sentiments.
Disposta a tutto est une forme d'éloge à l'amour fou, un drame érotico-macabre existentiel certes intéressant et par instant fascinant mais malheureusement gâché par des dialogues aussi philosophiques que souvent risibles et surtout peu crédibles. Certains des monologues d'Anna et de Marco sur l'amour et l'humanité sont particulièrement drôles tant ils se veulent profonds mais résonnent creux.
Le film est pourtant loin d'être mauvais. Outre de superbes séquences, cet onirisme qui donne par moment un coté quasi surréaliste au film, on reconnaitra la richesse de la mise en scène et le professionnalisme de Stegani, une partition musicale sublime et la présence angélique d'Eleonora Giorgi dont le réalisateur semble déifier le corps. Investie totalement dans son personnage, peut être même trop, Eleonora semble n'avoir jamais été aussi belle et candide, se laissant certainement aller aux scènes les plus osées de sa carrière pour le grand plaisir de ses admirateurs. Fort controversé à sa sortie, le film lui valut nombre de critiques tant et si bien qu'elle dut répondre publiquement aux attaques. Ce fut là l'ultime rôle d'Eleonora dans le film érotique avant qu'elle tente une nouvelle amorce à sa carrière, fatiguée d'être un joli jouet qu'on déshabille.
A ses cotés le regretté Bekim Fehmiu, acteur yougoslave vu dans Salon kitty et Black sunday entre autres, semble beaucoup moins investi. On appréciera la présence trop furtive de Barbara Magnolfi et l'apparition éclair de Max Delys qui vivait alors une romance passionnée avec Eleonora dans la peau d'un étudiant en anglais.
Si Stegani a voulu avec Disposta a tutto signer une oeuvre à prétention auteurisante, il s'est quelque peu fourvoyé à force de trop vouloir se prendre au sérieux. Reste une oeuvre érotique sulfureuse, esthétiquement très belle et joliment mise en scène qui devrait plaire aux amateurs d'érotisme morbide et malsain.