Baila guapa
Autres titres:
Réal: Adriano Tagliavia
Année: 1979
Origine: Italie
Genre: Musical
Durée: 95mn
Acteurs: Gloria Piedimonte, Vincenzo Crocitti, Erna Schurer, Enzo Avallone, Giancarlo Prete, Silvano Bernabei, Roberto Caporali, Cesare Di Vito, Mauro Vestri, Enzo Fisichella, Lidia Turchi, Paolo Ormi...
Résumé: Gloria est une petite ouvrière dans une usine de matelas qui chaque soir va danser à la boite de nuit locale. Elle y rencontre Bruno dont elle s'éprend. Le jour où son patron la renvoie Gloria se retrouve à la rue. Elle se prend une chambre d'hôtel et passe ses nuits à danser. Le jour où elle apprend que Bruno est mariée tout s'effondre. Un danseur la sauve du suicide et lui redonne l'envie de danser...
Parler de Baila guapa c'est parler nécessairement de son interprète principale, Gloria Piedimonte, la guapa du titre. Starlette connue essentiellement pour quelques petites pellicules érotiques (La peur au ventre, Oh la mia bella matrigna, La supplente, La nuit des excitées, Les féroces, Comme des chiens enragés...) Gloria s'était faite remarquée en 1975 par des producteurs alors qu'elle dansait en boite de nuit. La danse a toujours été une passion dans laquelle elle mettait toute son énergie. Alors que sa carrière au cinéma ne décolle pas vraiment Gloria se retrouve en 1978 sur le plateau d'une des plus célèbres
émissions de variétés d'Italie de cette fin de décennie, l'équivalent du Top of the pops en Angleterre, "Discoring", suivie par des millions de téléspectateurs chaque dimanche après-midi. Elle dansait sur le générique de fin de l'émission et devint très vite une star. Ses déhanchés, son jeu de tête à se décrocher le cou, sa frénésie, allaient la propulser au sommet de la gloire et en faire la rivale de Raffaella Cara. Surnommée La guapa ("belle" en espagnol) Gloria va dans la foulée tourner coup sur coup deux films musicaux dans la lignée de Saturday night fever, John Travolto... da un insolito destino et Baila guapa, deux disco-musicaux dans lesquels elle fait ce qu'elle sait le mieux faire: danser!
Comme son titre le laisse deviner Baila guapa, réalisé par Adriano Taviaglia, le frère de Roberto Mauri, est un film avec Gloria, fait pour Gloria, en hommage à Gloria. L'histoire? Il n'y en a quasiment pas. Gloria est une petite ouvrière dans une usine de matelas. Elle vit chez sa tante depuis que sa mère est morte. Chaque soir elle va danser à la discothèque locale (située à Anguillaria sabazia au bord du lac de Bracciano) avec son ami Pippo. Il y fait la connaissance de Bruno dont elle tombe amoureuse. Fou de ses déhanchés le patron de Gloria tente de coucher avec elle. Son refus lui vaut son licenciement. Sa tante la met à la porte car elle a besoin de vivre avec un homme. Elle découvre que Bruno est marié. Gloria,
seule, désespérée, trouve refuge dans un hôtel. Enzo, un jeune danseur hippie connu en boite la sauve du suicide. Gloria cherche un travail en boite de nuit mais tous les propriétaires ne voient en elle qu'un objet sexuel. Lorsqu'elle trouve enfin un job de danseuse le public essentiellement bourgeois la siffle et se moque d'elle. Pippo arrive au moment où elle fond en larmes sur scène. Il crie "Baila guapa baila" pour l'encourager. Gloria reprend son numéro. Le public, touché, l'applaudit. Gloria a gagné! Elle est une star.
Il ne faut pas se fier à ce résumé. Le film en fait n'en reprend que les grandes lignes. Tout va vite, très vite. Tout reste à l'état de simple ébauche car ce qui compte avant tout c'est de
montrer Gloria danser et danser encore, seule ou en compagnie de son ami Enzo tout aussi déchainé. Tout le film est construit sur ces numéros de danse, ceux d'une Gloria déchainée qui répète ad fine ses mouvements frénétiques reconnaissables entre mille. Cela suffit-il à faire un film? Non bien sûr. Pour rien n'arranger Baila guapa semble être filmé avec les pieds. A se demander si Taviaglia a un jour appris à tenir une caméra. Les enchainements sont souvent ratés, flous et les scènes de danse pour la plupart masquées par des têtes, qui gens qui passent... quand Taviaglia ne perd tout bonnement pas Gloria et ses amis dans la foule lorsqu'il ne filme pas des pieds, des mains, des bras. Enervant mais surtout
frustrant. On est à la limite de l'amateurisme. Les dialogues frisent régulièrement le ridicule lorsqu'ils ne sont pas couverts par le bruit ambiant, la solution parfaite lorsqu'on est en manque d'imagination. Quant à l'aspect comique, rôle qui revient à Pippo, l'ami idiot au grand coeur, il se résume à un seul et unique gag, un running gag qui revient inlassablement toutes les 15 minutes tout aussi mal filmé et si pathétique qu'il en devient presque gênant. Les péripéties et déboires de Gloria sont improbables, parfois surréalistes. A la rue, comment peut-elle payer ses nuits d'hôtel à Rome et trouver l'argent pour passer son temps en boite? Comment Enzo peut-il être membre d'une communauté hippie qui vit
sur une plage (on est d'un coup à Woodstock) et troquer ses jeans contre des costumes à paillettes chaque soir pour danser? Lorsqu'il ne surgit pas de nulle part pour sauver Gloria du suicide! Quant au final, tout aussi délirant, on passe du pathétique et de l'humiliation au conte de fée, Gloria, star en quelques minutes, disparait dans la nuit assise sur le guidon du vélo de Pippo!
Raté, superficiel, médiocrissime, grotesque... on pourrait multiplier les adjectifs négatifs... pourtant il émane de Baila guapa, la fable d'une petite ouvrière qui voulait danser pour s'évader, un coté éminemment sympathique. On se laisse surprendre à le visionner avec un
certain plaisir. Alors oui Gloria est belle, elle n'a même jamais été aussi belle. Elle peut être touchante même dans des circonstances totalement délirantes. Oui! Gloria est sympathique. Impossible également de ne pas être fasciné par sa façon de danser. Elle a la danse dans la peau et ça se voit, ça se ressent. Gloria est heureuse et nous aussi. La musique est agréable, elle donne envie de bouger et ça c'est un plus. Hormis le titre phare endiablé "Baila guapa" on y retrouve quelques standards italiens incontournables de l'ère disco, "Voli anche tu" des Collage, "Lady Blue" de Milk and Coffee (Abba sort de leur corps) et les Nuova Europa. Baila guapa est surtout et avant tout le témoignage d'une époque révolue.
Celle de Discoring bien sûr que tous les nostalgiques seront ravis de revivre. En ce sens le film est typiquement italien. Au delà de ça Baila guapa est une sorte d'ode à un cinéma qui aujourd'hui n'existe plus et n'existera plus jamais, celui d'un public prêt à tout accepter, le plus mauvais compris, pour passer un moment en compagnie de son idole aussi éphémère soit-elle, pour admirer sa beauté, son corps, sa grâce, sa frénésie, sa folie, ce corps possédé par le démon de la danse, son bonheur et plus important encore son naturel. Le naturel cela ne s'invente pas. Gloria fait battre nos coeur et la mesure.
Aux coté de la guapa esquissent quelques pas de danse Giancarlo Prete, un peu perdu ici
avouons-le, et Vincenzo Crocitti qui n'a jamais autant ressemblé à Alvaro Vitali. Mais n'est pas Alvaro qui veut, Crocitti trouve ici son rôle le plus idiot. On a presque honte pour lui. Le blond Enzo Avallone surnommé Truciolo est Enzo. Danseur professionnel il fit lui aussi les beaux jours de la RAI avant de mourir du Sida en 1997. Erna Schurer interprète la tante le temps de quelques scènes mais surtout le temps d'une réplique inoubliable. A savoir pourquoi elle met Gloria à la porte celle ci lui rétorque: "Moi aussi j'ai besoin de vivre avec un homme".
Sorti en Italie sans grand succès Baila guapa disparut presque aussitôt et ce pendant plus de quarante ans. Le film resta invisible avant de ressurgir via le net même s'il reste aujourd'hui encore difficile à trouver si ce n'est auprès de collectionneurs. En ce sens c'est un petit Graal que l'amateur saura apprécier pour mieux crier "Baila guapa baila"! Et nous aussi on veut que la guapa / Gloria continue de danser pour nous.
Monteur de base Adriano Taviaglia réalisera un second et ultime film après celui ci, un sexploitation italo-espagnol à la limite du hardcore Dolce calda Lisa.