Dietro la pianura
Autres titres:
Réal: Gerardo Fontana / Paolo Girelli
Année: 1994
Origine: Italie
Genre: Giallo
Durée: 99mn
Acteurs: Remo Girone, Vanessa Gravina, Claudio Bisio, Bruno Armando, Vasco Mirandola, Karl Zinny, Irene Grazioli, Carlo Monni, Néstor Garay, Antonella Attili, Victoria Zinny, Sabrina Knaflitz...
Résumé: Deux musiciens frère et soeur, Martin et Bettina, se rendent à Goriano pour y donner un concert. Sur la route ils font la connaissance d'Albertina, une adolescente de 17 ans qu'ils acceptent de ramener chez elle. Le lendemain Martin a disparu. Puis c'est au tour d'Albertina d'être introuvable. Son corps est retrouvé quelques jours plus tard. Deux suspects retiennent l'attention du commissaire, le médecin solitaire et fétichiste du village et Bettina qui entretenait une liaison incestueuse avec son frère...
Ex-étudiant en médecine Gerardo Fontana débute sa carrière artistique à la RAI avant de s'orienter vers le court-métrage. Il réalise son premier long-métrage en 1980, Linea d'ombra, qui pour thème le terrorisme. Suivront deux films noirs peu connus, Polar en 1986 puis en 1990 L'amante senza volto. Avec Dietro la pianura en 1994 (littéralement Derrière la plaine), son ultime film co-réalisé avec Paolo Girelli qui avait déjà travaillé sur ses précédents, il s'attaque cette fois au giallo atmosphérique.
Martin et Bettina Bernhard sont frère et soeur et tous deux musiciens. Martin est pianiste, Bettina est violoncelliste. Ils se rendent à Goriano, un village de la basse plaine du Pô, où ils sont attendus pour un concert. Lors d'un arrêt sur la route, ils rencontrent dans une grange une jeune fille, Albertina Molon, 17 ans. Sûre d'elle elle leur demande s'ils peuvent la ramener chez elle. Albertina vit chez son oncle, un prêtre, qui les héberge pour la nuit. Martin n'est pas insensible aux charmes de la gamine qui le drague ouvertement ce qui n'est pas du gout de sa soeur, visiblement jalouse de l'adolescente. Le soir du concert Martin est
introuvable. Il a disparu. Le lendemain matin Albertina est elle aussi introuvable. Quelques jours plus tard le corps de la jeune fille est retrouvé dans le Pô. L'autopsie révèle qu'avant d'avoir été jetée à l'eau elle a été étranglée. Le commissaire Costanza mène l'enquête. Deux suspects sortent rapidement du lot, Paolo Brentano, le médecin solitaire du village, un passionné de Bach obsédé par les accessoires féminins dont l'adolescente était secrètement amoureuse, et Bettina, une jeune femme lunaire qui entretenait une relation incestueuse avec son frère. Au cours des investigations on découvre également que ce mystère ressemble à une affaire plus ancienne, celle d'une adolescente qui elle aussi avait
disparu à laquelle Costanza était liée. La clé de l'énigme se trouve dans le coffre de la voiture de Bettina, une boucle d'oreille appartenant à Albertina. C'est elle qui révélera la véritable identité de l'assassin.
Avec Dietro la pianura le tandem Fontana/Girelli tente de renouer avec le giallo atmosphérique, ses ambiances morbides, malsaines, délétères. Tous les éléments sont au rendez-vous de ce récit étrange qui se situe dans les basses plaines embrumées et hivernales du Pô: un village qui derrière sa tranquillité dissimile bien des choses, un frère et une soeur incestueux et jaloux l'un de l'autre, une adolescente allumeuse un brin perverse
nièce d'un vieux prêtre, un médecin solitaire fétichiste dont la gamine était amoureuse, un commissaire qui cache certains évènements de son passé. Lorsque l'adolescente est retrouvée assassinée tous ces éléments vont tenter de donner à l'histoire un coté trouble, pesant, amoral. Tenter oui car au final rien ne fonctionne vraiment. On est loin des oeuvres de ce type notamment celles de Pupi Avati qui donnèrent au genre dans les années 70 ses lettres d'or. Faute en revient déjà à une réalisation fade, insipide, exagérément lente, lenteur n'étant pas forcément synonyme d'ambiance tout comme tristesse d'ailleurs. La grisaille environnante, les décors noyés dans la brume hivernale sont jolis à l'oeil mais ne créent
aucun climat spécial. Malgré les non dits, les secrets bien gardés de personnages troubles, une série d'évènements qui ne sont peut-être pas ce qu'on pense, ce sur quoi le récit repose en fait, le suspens n'est pas au rendez-vous et c'est plus l'ennui que le film suscite que l'intérêt profond. L'humour souvent ridicule trop souvent présent (le commissaire et son adjoint idiot) ne vient guère arranger les choses, celui ci n'ayant pas vraiment sa place au coeur d'un tel scénario. Tout le coté morbide, torturé, maladif de l'histoire s'en trouve considérablement amoindri et n'arrive même pas à vraiment choquer. Difficile donc de croire à cette histoire qui prend l'eau de toutes parts d'autant plus que l'interprétation n'est pas
réellement à la hauteur des ambitions du scénario à commencer par Claudio Bisio en commissaire involontairement comique dont l'enquête a bien du mal à être crédible. C'est surtout le choix de Vanessa Gravina en dark lady qui est le plus regrettable. Toute la noirceur de son personnage de soeur incestueuse, jalouse, exclusive et meurtrière est gâché par un jeu insipide, sans relief. Son langage cru n'arrive pas même à choquer, il ferait même sourire dans un tel contexte. On retiendra notamment cette réplique lorsque le médecin lui demande ce que son frère préférait chez elle: "ce qu'il aimait en moi c'est la chaleur de ma chatte". Ceci a au moins l'avantage d'être clair. On soulignera cependant la prestation de
Remo Girone en docteur fétichiste, étrange, inquiétant. Lui seul tire son épingle du jeu et donne au film un ton par moment angoissant. Quant à Karl Zinny (qui joue ici aux cotés de son père Remo Girone et de sa mère Victoria) il disparait malheureusement très vite au bout de vingt minutes après tout de même une scène de masturbation frénétique devant sa soeur.
Après ses vingt premières minutes prometteuses et quelques scènes réussies (l'homme torche) Dietro la pianura loupe donc son objectif dans sa tentative de recréer un thriller malsain comme on en faisait jadis. Il se laisse néanmoins regarder essentiellement par curiosité, ne serait-ce que pour connaitre le fin mot de cette histoire d'inceste et de gamine
allumeuse même si le final ne réserve aucune surprise. On pourrait même dire qu'il est décevant non pas dans ses révélations peu étonnantes mais dans son déroulement aussi plat que les plaines où les meurtres eurent lieu. Quant aux ultimes images on aurait pu s'en passer, elles rendent ridicule (risible?) la conclusion du moins dans la manière dont elles la présentent.
Totalement inédit chez nous mais aussi en Italie (le film n'a pas trouvé de distributeur) Dietro la pianura avait tout pour être un giallo morbide et torturé, intrigant, malaisant mais sous la férule du tandem Fontana/Girelli le film et tous les espoirs mis en lui tombent vite à l'eau. Reste un thriller "avatien "aux thèmes plutôt osés pour l'époque, à la poésie aliénante bercée par les notes mélancoliques de Carlo Maria Cordio, dont le seul véritable intérêt est culturel. C'est déjà ça.