Claudio Camaso: Born to be wild
Dans nos chroniques consacrées aux destins tragiques du cinéma de genre transalpin le nom de cet acteur peut se situer sans mal en tête de liste. S'il apparait régulièrement du milieu des années 60 jusqu'au milieu de la décennie suivante dans les colonnes de la presse cinématographique c'est surtout dans les chroniques des faits divers que son nom fit trop souvent la une des journaux italiens jusqu'à ce cette nuit tragique de juillet 1977. Pour le cinéphile son visage restera essentiellement associé aux westerns-spaghettis et à quelques polars, soit une vingtaine de film dans lesquels il joua principalement des rôles de méchants. Remémorons nous aujourd'hui le parcours tumultueux de ce jeune acteur (trop?) engagé, celui de Claudio Camaso.
Né le 7 septembre 1939 à Turin Claudio Camaso de son véritable nom Claudio Volonte n'est autre que le frère cadet du grand acteur Gian Maria Volonte. Aussi brillant que fut le parcours de Gian Maria autant celui de Claudio sera chaotique et tourmenté marqué essentiellement par ses convictions politiques. Dés son plus jeune âge Claudio s'est en effet totalement investi dans l'univers politique en cultivant des idées d'extrême droite qu'il défendra contre vents et marées jusqu'à se radicaliser. A tout juste 17 ans il participe aux divers attentats néo-fascistes qui eurent lieu à Turin en 1955 dont celui contre l'ANPI. En
juillet de cette même année il se retrouve devant la cour pour actes obscènes, port d'armes blanches et tentatives d'incendies mais étant encore mineur il ne peut être condamné. Cette arrestation ne calme pas le jeune Claudio qui deux ans plus tard est non seulement accusé d'apologie du fascisme mais aussi d'être responsable d'émeutes, de coups et blessures aggravés et de détention d'explosifs. De Rome à Turin en passant par Trieste Claudio continue ses exactions. En 1960 il accusé de l'attentat contre une section de MSI qui eut lieu à Rome. A tout juste 20 ans il est un des dirigeants du MSI dont le leader est un de ses amis proches. Claudio ne fait que suivre les traces de son père Stefano, fasciste convaincu, chef
des Brigades noires de Chivasso. En 1965 Claudio est au coeur d'une enquête fracassante. Il est accusé d'être un des terroristes qui le 17 février fit exploser une bombe au Vatican, une explosion dans laquelle un jeune homme trouva la mort. Claudio sera finalement relâché après que l'actrice Dominique Boschero, une amie intime, ait confirmé qu'ils avaient mangé et passé la nuit ensemble. Si les soupçons ne furent jamais réellement levés les charges contre Claudio furent cependant abandonnées. Il faut dire qu'à cette époque Claudio s'était déjà fait un petit nom dans le milieu artistique et entamé une carrière d'acteur en apparaissant dans quelques séries télévisées et pièces de théâtre sans pour autant
abandonner ses combats politiques. C'est ainsi qu'en 1964 Claudio Volonté devint Claudio Camaso, une astuce afin que le public ne fasse pas forcément le rapprochement entre le Claudio qui défraya la chronique et le comédien naissant.
Claudio fait ses premiers pas devant la caméra en 1965 dans Je la connaissais bien de Antonio Pietrangeli dans lequel il tient un tout petit rôle. Bien plus conséquent est celui qu'il décroche aux cotés de son frère, celui d'un gangster, dans l'excellent polar Lutring... réveille toi et meurs de Carlo Lizzani. Après une apparition dans le spy movie La mort paye en dollars Claudio va dés 1967 devenir une figure récurrente du western-spaghetti. Il va être à
l'affiche de pas moins de cinq classiques du genre entre 1967 et 1969 dans lesquels il va exceller. Ce sera ses principales heures de gloire. On le retrouve donc dans la peau du redoutable Manuel Vasquez pour Le temps des vautours de Romolo Guerrieri suivi du très bon Johnny le bâtard de Armando Crispino dans lequel il tient un des rôles principaux, celui de Don Francisco Tenerio. Puis vient Le jour de la haine de Giovanni Fago où là encore il se voit offrir un des rôles principaux, celui du frère rebelle de Gianni Garko, suivi de Avec Django la mort est là de Antonio Margheriti dans lequel, portant cape, il est le trouble Mendoza et enfin le médiocre Giarrettierra colt, un western au féminin signé Gian Rocco.
Après cet ultime western à la sauce italienne Claudio tourne aux cotés de Tomas Milian le polar espagnol aux airs de western urbain Cronaca de un atraco / La nuit du massacre où il endosse la peau d'un impitoyable bandit balafré puis il retrouve Margheriti pour Contranatura / Schreie in der nacht, un thriller gothique aux limites du fantastique, puis c'est au tour de Mario Bava de faire appel à lui en 1971 pour ce classique de l'horreur qu'est La baie sanglante.
L'année suivante Claudio épouse l'actrice Verena Baer. De leur union naitra une fille, Saba. Claudio fait alors une parenthèse dans sa carrière d'acteur qu'il reprend en 1974 en tournant
pour Lina Wertmüller Chacun a son poste et rien ne va puis en 1975 il est au générique du brutal Faccia di spia de Giuseppe Ferrara dans lequel il interprète Che Guevara. Ce sera son ultime film pour le grand écran. C'est à la télévision qu'on pourra le revoir au détour de quelques séries. Il faut dire qu'à cette époque son mariage avec Vera est particulièrement houleux. Leur relation au fil du temps se dégrade de plus en plus. Les joutes verbales fusent jusqu'à cette nuit tragique du 26 juillet 1977. Un ami du couple, Vincenzo Mazza, un jeune militant d'extrême gauche calabrais de 27 ans, doit intervenir pour les séparer tant la dispute est violente. Claudio en état d'ébriété semble être hors de contrôle. Il s'empare d'un
couteau et poignarde Vincenzo qui s'effondre. Pendant une semaine Claudio se terrera avant de se rendre finalement à la police. Ebêté, rongé par le remord et l'horreur de son geste il avoue aux policiers avoir perdu la tête, ne pas avoir réalisé ce qu'il faisait ni comment cela s'était passé. Il est emprisonné à Rome. Incapable de surmonter cette mort, cet accident involontaire comme il la nommait, Claudio se pend dans sa cellule le 16 septembre 1977. Il venait d'avoir 38 ans.
Au delà de ses convictions politiques extrémistes c'est d'un homme talentueux dont le cinéphile se souviendra, d'un acteur qui sut si bien interpréter les rôles de méchants en tout genre. Si chez les Volonte les engagements politiques se transmettent de père en fils, le talent est lui aussi tout autant transmissible. Claudio aurait très bien pu être l'égal de son frère si ses démons ne l'avaient pas anéanti.