Contranatura
Autres titres: The unnaturals / Schreie in der nacht
Real: Antonio Margheriti
Année: 1969
Origine: Italie / Allemagne
Genre: Drame / Fantastique
Durée: 90mn
Acteurs: Joachim Fuchsberger, Marianne Koch, Helga Landers, Luciano Pigozzi, Claudio Camaso, Dominique Boschero, Marianne Leibl, Giuliano Raffaelli, Marco Morelli, Gudrun Schmidt...
Résumé: Un groupe de personnes vont se retrouver bloquées dans une étrange maison habitée par un tout aussi étrange homme et sa vieille mère. Médium, elle est restée figée en transe permanente. L'homme leur annonce alors que cette nuit est la nuit de la vengeance. Chacun devra payer pour les forfaits qu'il a commis dans sa vie. Leur destin va se retrouver alors lié. Ils acceptent une séance de spiritisme que la vieille femme dirigera. Tous vont alors découvrir les forfaits de chacun avant que le couperet de la justice divine ne s'abatte sur eux lors d'un apocalyptique dénouement...
Après son excellent tryptique gothique Danse macabre, La vierge de Nuremberg et La sorcière sanglante et avant quelques ultimes soubresauts plus ou moins réussis dans le domaine ( l'inutile Les fantômes de Hurlevent et l'inégal mais intéressant Les diablesses), Antonio Margheriti réalisa cette coproduction germanique qui demeure un des films les plus méconnus du réalisateur. Voilà qui est bien injuste au vu de la qualité de cette oeuvre qu'on peut considérer comme un des derniers grands fleurons du cinéma d'épouvante gothique transalpin si ce n'est le dernier.
Si Contranatura se réclame de ce flamboyant filon, c'est avant tout un drame existentiel où la terreur psychologique se substitue aux effets sanglants quasiment inexistants. Mélangeant subtilement l'ambiance des années 20, l'horreur anglo-saxonne à une atmosphère plus traditionnelle propre à l'épouvante transalpine, Margheriti réalise un film particulièrement efficace qui progressivement fera basculer le spectateur dans une sorte de peur indicible.
Articulé autour de toute une série de flashes-back qui nous dévoileront le passé coupable de chacun des protagonistes, Contranatura met à jour un véritable nid de vipères en se voulant une critique cinglante de l'avidité humaine et de la corruption. Ainsi chaque personnage, incarnation d'une certaine décadence morale, va revivre lors de cette terrible nuit les moments les plus obscurs de son coupable passé avant d'être puni par une forme de justice divine qu'incarnent leurs hôtes. Margheriti a ici recours à une justice surnaturelle qui va s'abattre de façon aussi foudroyante qu'inattendue sur ces êtres vils.
Le coté fantastique prendra alors tout son sens métaphorique lors de l'incroyable final apocalyptique qui rappellera à beaucoup certaines séquences de Shining dont Contranatura fait par instant penser.
Margheriti semble fasciné par l'eau, omniprésente, diluvienne et c'est par elle et la fange que ses protagonistes seront châtiés. L'eau prend alors tout son sens purificateur.
Baignant sans cesse dans un climat de mystère inquiétant, Contranatura étonnera également pour son érotisme particulièrement osé pour l'époque. Le saphisme y est ici montré sans détour à travers la relation de Vivian et Margaret que Margheriti déshabille avec une sensualité torride tandis que les corps nus s'enlacent avec tendresse et les bouches s'effleurent sous les grondements du tonnerre.
Bénéficiant d'une somptueuse photographie et de décors magnifiques, aidé par la très efficace partition musicale signée Carlo Savina, Contranatura souffre peut être d'une interprétation trop théâtrale qui n'est pas réellement à la hauteur du scénario. Si Margheriti s'évertue avec talent à donner au film un souffle de terreur et de mystère, les personnages ne semblent pourtant guère ressentir cette peur, trop imperméables dirait-on, si ce n'est lors du final lorsque enfin se déchaineront sur eux les forces surnaturelles.
Certains pourront aussi reprocher au film la complexité des flashes-back et son montage alambiqué qui pourrait rendre la lecture du film un peu compliquée aux yeux de certains.
Outre ces défauts qu'on pourra aisément passer sous silence vu la quasi perfection du film, Contranatura n'a rien à envier aux grands films de Bava. Le film est en quelque sorte le chant du cygne du gothique à l'italienne après quelques dix années où le genre brilla sur les écrans.
En tête d'affiche, on retrouvera les beautés vénéneuses de Helga Landers, Dominique Boschero et Marianne Koch tandis que Luciano Pigozzi incarne un hôte particulièrement effrayant, justicier rédempteur dont le rire méphistophélique résonnera encore longtemps dans nos têtes comme il résonne en un effroyable écho lorsque tombe sur l'écran le mot Fin.
Contranatura, totalement inédit sous nos cieux mais jadis édité en vidéo dans sa version italienne et allemande, mérite non seulement toute l'attention du spectateur et du fan de ce cinéma d'épouvante transalpin mais également d'être (re)découvert tant on frise le chef d'oeuvre.