Faccia di spia
Autres titres: CIA - terrorismo official / CIA The secret story / Face of a spy
Real: Giuseppe Ferrara
Année: 1975
Origine: Italie
Genre: Drame / Mondo
Durée: 103 mn
Acteurs: Adalberto Maria Merli, Mariangela Melato, Francisco Rabal, Riccardo Cucciolla, Claudio Camaso, Giorgio Ardisson, Ugo Bologna, Dominique Boschero, Lou Castel, Umberto Raho, Marcello Mando, Gianpaolo Rossi, Mimmo Monticelli, Marisa Montavani, Mario Novelli...
Résumé: Le réalisateur nous propose ici un long documentaire qui tente de démontrer la participation de la CIA aux grands évenements historiques qui ont secoué notre societé. De la chute de Pinochet et d'Allende aux émeutes sanglantes de 54 au Guatémala, des révolutions grecques, brésiliennes à la guerre du Vietnam en passant par les dramatiques épisodes de Lumumba et Ben Barka sans oublier la mort de Che Guevara et les attentats en Italie, l'enquête tente de prouver que la CIA a participé de prés ou de loin à tous ces effroyables drames en appuyant sur la barbarie et les tortures qu'elle a commise...
Étonnant film que Faccia di spia mis en scène en 1975 par Giuseppe Ferrara, un ex-journaliste, qui aujourd'hui encore reste non seulement un des films les plus virulents du cinéma d'exploitation italien mais également un des plus singuliers.
Alors que l'Italie connaît l'apogée du mondo movies Ferrara va mettre ici en scène une sorte d'hybride entre justement le mondo pur et dur et le film de fiction, plus exactement le film d'espionnage. Faccia di spia est monté comme un pseudo-documentaire qui tente de retracer les activités néfastes de la CIA à travers le monde et sa participation directe à de nombreux actes de terrorisme et de drames politiques mondiaux dont l'attentat contre Kennedy et la mort de Che Guevara, le renversement de Salvatore Allende et de Pinochet, les émeutes sanglantes au Guatemala de 1954, les révolutions brésiliennes, grecques, la guerre du Vietnam ou les épisodes de Medhi Ben Barka et Patrice Lumumba.
La deuxième partie du film s'intéresse quant à elle aux dramatiques évenements qui ont secoué ou marqué l'histoire de l'Italie à jamais liée à des noms tels que Valpreda, Pinelli, Calabresi et Feltrinelli.
Sera t-on donc étonné si Faccia di spia fut alors sujet à polémique et son réalisateur pointé du doigt pour sa prise de position évidente mais également pour le coté superficiel de ses dénonciations qui finalement relèvent plus du mondo et sa cohorte d'images sordides et choquantes que du film politique à réelle portée documentaire. Il faut pourtant reconnaître au film son audace et le courage de Ferrara de vouloir montrer de façon implacable tant l'incroyable étendue du pouvoir de la CIA à travers le monde que l'implication de l'impérialisme américain dans tous ses effroyables évènements.
Durant quasiment deux heures, Ferrara va donc retracer des années et des années de drames et d'épisodes sanglants de l'Histoire en mélangeant images d'archives (la plupart du temps en noir et blanc) et scènes reconstituées. Le film s'ouvre comme pour mettre le spectateur en condition sur un glacial épisode de la guerre du Vietnam où des soldats brandissent avec une joie non dissimulée un coeur arraché mais également des têtes tranchées de vietcongs que des américains ravis photographient. Cette ouverture surprenante, véritable mise en bouche de ce qui attend le spectateur par la suite, permet ainsi à Ferrara de glisser progressivement vers les émeutes sanglantes du Guatemala pour arriver doucement sur l'attentat contre Kennedy et l'inauguration des nouveaux bâtiments de la CIA. Le réalisateur se permet alors quelques audaces en mettant visiblement en exergue la relation qui existe entre cet attentat et les évènements de Cuba, soulevant ainsi bien des questions source de polémique qui aujourd'hui restent encore en suspend.
Cela sert de transition afin de nous faire assister à la chute du Che et sa mise à mort, une des parties les plus scénarisées du film puisqu'une bonne partie est reconstituée en studio avec de véritables acteurs. Elle est aussi la plus violente et la plus effroyable dans l'accumulation de scènes d'horreur à la limite du soutenable pour le spectateur non averti.
Outre l'exécution sans sommation du Che après une traque sans pitié dans la jungle bolivienne, un médecin lui tranchera la main afin de la conserver dans du formol. Voilà un bel avant-goût de ce qui attend le spectateur puisque la suite du film se transforme en un véritable catalogue d'atrocités plus raffinées les unes que les autres, d'un incroyable réalisme rarement atteint au cinéma. Ferrara nous invite alors à découvrir les méthodes de tortures souvent assez sexuelles auxquelles la CIA a recours à travers le monde, autant dire que l'amateur de plans gore et d'effets sanguinolents et barbares sera ravi.
Serpent enfoncé dans le vagin, pénis brûlé à la flamme, mains et seins brûlés vifs, broche métallique chauffée à blanc enfoncée dans le méat urinaire, énucléation au couteau, main tranchée à la hache, supplicié dont on enfonce lentement un poignard dans diverses parties du torse mais également viols et humiliations diverses de jeunes femmes. Ferrara filme de manière brute, directe, sans détours afin de montrer dans leurs plus abominables détails toutes ces horreurs la plupart inimaginables. Si on y ajoute les images d'archives, simples photographies ou scènes filmées où fusillades, exécutions et autres crimes et attentats se font légion, l'amateur d'abominations en tout genre y trouvera largement son compte.
La deuxième partie du film sera un peu plus sage puisque Ferrara s'intéresse cette fois aux drames qui ont secoué l'Italie peut être moins connus du grand public que les faits relatés auparavant ce qui ne signifie pas qu'ils soient moins sanglants. Tout en conservant cette volonté de montrer et dénoncer, Ferrara nous gratifie de quelques scènes tout aussi dures dont une défenestration. Le film se conclut sur une sidérante image prophétique qui aujourd'hui encore fait froid dans le dos, celle des Tours jumelles du World trade center qui lentement se recouvrent de sang par surimpression.
Faccia di spia a une volonté certaine de dénoncer tout en s'appuyant sur des faits historiques flagrants et des personnages "historiques" clé afin de prouver les liens ténus qui ont toujours existé entre la CIA, les différentes dictatures sud américaines et certains pays comme le Vietnam, le Congo, la Grèce et l'Italie conduisant à tous ces soulèvements et massacres. La démarche est sincère, risquée mais surtout mis en scène de façon plutôt intelligente en mélangeant avec bonheur cette fois images d'archives et scènes jouées d'autant plus que cette fois le mélange appuie de façon positive cette démarche. On saluera l'exceptionnelle prestation des comédiens tant ceux de second plan que ceux qui interprètent les sosies des personnalités, Claudio Volonté dans la peau du Che, Ugo Bologna dans celle d'Allende, Ricardo Cucciolla dans celle de Pinelli sans oublier Mariangela Melato qui incarne ici une espionne particulièrement crédible, Lou Castel en tortionnaire, Francisco Rabal ou encore George Ardisson.
On pourra reprocher à Ferrara de ne pas être très objectif, l'accuser même d'un certain voyeurisme gratuit, cherchant simplement à engrener son spectateur dans sa vision des choses, de vomir la CIA prête à toutes les atrocités et barbaries au nom du capitalisme et de l'Amérique toute puissante.
Très bien mis en scène, bénéficiant de solides dialogues, peut être volontairement exagéré, Faccia di spia est un film cru, véritablement dur dont l'impact reste aujourd'hui intact et qui ne pourra laisser indifférent. Si quelque part on avoisine le mondo et ses débordements visuels, si certains peuvent y voir un spectacle certes intéressant qui n'évite pas les écueils du genre afin de satisfaire les instincts voyeuristes et pervers d'un certains public, Faccia di spia n'en est pas moins cette fois un film instructif qui fera surtout réfléchir et se poser des questions sur ce qu'on nous cache réellement. Voilà un film implacable et quasi unique qui satisfera pleinement les aficionados des mondos de Jacopetti et Prosperi auquel le film de Ferrara se rattache que des amateurs de films documentaires choc.
Faccia di spia fut à l'époque totalement banni en Allemagne.