John il bastardo
Autres titres: Johnny le bâtard / His name was Johnny
Real: Armando Crispino
Année: 1967
Origine: Italie
Genre: Western
Durée: 100mn
Acteurs: John Richardson, Glauco Onorato, Claudio Camasò Volontè, Martine Beswick, Gordon Mitchell, Luisa Dalla Noce, Gia Sandri, Claudio Gora, Furio Meniconi, Piero Vida...
Résumé: Johnny surnommé Le bâtard est un Don Juan. Il parcourt l'Ouest américain et court jupon, multipliant les belles éplorées. Cela n'est évidemment pas du goût du tous. Ainsi Johnny se fait de nombreux ennemis. C'est alors qu'il fait la connaissance de Dona Antonia, l'épouse d'un richissime propriétaire mexicain, Don Tenorio. Cette rencontre va changer le cours de sa vie puisqu'il y a de fortes chances pour que son mari soit le frère de Johnny. Il posséderait l'héritage familial. Johnny part donc retrouver sa mère qui a autrefois renié ce fils indigne, un bâtard issu d'une union avec un mystérieux homme dont elle garde férocement l'identité secrète, terrorisée à la seule idée d'évoquer son nom. Johnny va pourtant découvrir que son père est bel et bien en vie. Il s'agit de Don Tenorio Sr. Il part alors au Mexique, bien décidé à se venger de cet homme et récupérer ce qui lui est dû...
Seule et unique incursion de l'hétéroclite Armando Crispino dans l'univers du western, John il bastardo est certainement un exemple du genre les plus insolites qui ait été tourné. Fort tardivement sorti sur les écrans français à l'automne 1974, le film de Crispino n'est jamais qu'une transposition du mythe de Don Juan dans l'Ouest américain.
"John... toutes les femmes en étaient amoureuses et tous les hommes le haïssaient, tous les hommes des deux côtés de la frontière" c'est sur cette phrase fort explicite que s'ouvre Johnny le bâtard, filmé en un long flash-back dont la scène d'ouverture trouve écho lors du flamboyant et christique final. C'est John dit le bâtard qui incarne ici ce Don Juan et par la même celle de ces personnages maudits qu'étaient alors les bâtards. Ainsi John parcourt l'Ouest suivi de son fidèle servant multipliant les conquêtes éplorées. John s'est fait bon nombre d'ennemis qui ont tous juré sa mort jusqu'au jour où il fait la connaissance de Dona Antonia, l'épouse d'un riche propriétaire mexicain, Francisco De Tenorio. Cette rencontre lui permet de penser qu'il y a de fortes chances que Francisco soit son frère et que leur père soit toujours en vie. Il retourne alors chez sa mère qui jadis l'a renié afin de découvrir la vérité sur ses origines d'autant qu'un important héritage est à la clé. L'heure de la vengeance pour Johnny a sonné.
Après une première partie plutôt légère même si elle n'est pas exempte de quelques scènes assez sanglantes consacrée aux pérégrinations amoureuses de notre Don Juan, Johnny le bâtard change de ton. Crispino opte pour nuance plus sombre agrémentée ça et là d'une touche d'onirisme donnant ainsi naissance à une oeuvre aussi belle que baroque pour finalement sombrer dans une sorte de dimension fantastique lors des ultimes minutes. Johnny le bâtard est en fait une longue quête, celle d'un homme meurtri cherchant à connaitre ses origines, un parcours jonché de personnages parfois étranges durant lequel la haine et la mort se côtoieront sans cesse. Le film se décompose en trois parties reliées entre elles par un de ses personnages les plus inquiétants, le mystérieux cavalier noir, le messager du destin qui suit Johnny comme une ombre, un "danite", ces
protecteurs du peuple mormon. La trame du récit s'articule autour de la chanson John il bastardo, une balade populaire qui raconte le cruel destin de Johnny. Le film en illustre simplement les trois couplets. En découle une oeuvre crépusculaire originale, curieuse, par instant envoûtante traversée par toute une galerie de personnages souvent insaisissables, empreinte de toute une pléthore de références aussi bien mystiques que religieuses: les persécutions religieuses, la mise en avant du culte mormon, les symboles christiques, la comparaison au Diable que fait la mère de Johnny en évoquant son énigmatique père, la procession, la présence angoissante du Cavalier Noir qui trouvera tout sa funeste signification lors de la mort de Johnny écrasé par une statue sainte, sa renaissance lors d'un final lumineux coincé entre rêve et réalité... Tout ce symbolisme religieux confère au film une dimension trouble. L'atmosphère n'en devient alors que plus oppressante au fil du métrage.
Le seul défaut de cet étrange western pourrait être sa richesse. Crispino enchaine en effet les épisodes et les aventures de façon peut être trop rapide sans pouvoir par conséquent les développer convenablement. Cela donne un coté bancal à l'ensemble parfois frustrant. On aurait par exemple aimer que le cinéaste s'attarde un peu plus sur l'épisode des mormons, prépondérant pour la fin du film, ou qu'il s'arrête plus longuement sur les relations entre Johnny, sa mère et surtout ses trois tantes qui restent ici beaucoup trop spectrales. Certains pourront également lui reprocher son héros lui même, ce bâtard gorgé de haine auquel il est difficile de s'attacher ou s'identifier. Peut être aurait il fallu que Crispino le rende dans un certain sens plus humain. Ceci n'enlève rien à sa complexité et c'est ce qui en fait quelque part sa force. Particulièrement antipathique, un trait de caractère qui va en s'accentuant plus
le film avance. Johnny est un Don Juan qui pourtant méprise les femmes comme il méprise sa mère. Tout imprégné de références freudiennes, ce personnage n'en est que plus troublant et donc fascinant. Ses rapports avec sa mère, sa quête éperdue de ce père haï qui bien ironiquement vit dorénavant dans un monastère, cette haine dont il se nourrit, cette curieuse relation qui le lie à son fidèle Morenillo qui n'est peut être rien d'autre qu'une forme d'homosexualité refoulée née de cette aversion de la gent féminine, ses désirs de vengeance et d'humiliation qui le pousseront à coucher avec sa propre belle-soeur, conduisant la malheureuse au suicide... ne sont que quelques points captivants, déconcertants d'un (anti) héros cynique tout auréolé de sang et de mort comme le genre en a peu donné. Parfois maladroit ou simplement pas à la hauteur de ses ambitions, Crispino n'a peut être pas réussi à donner à son film toute la dimension psychologique nécessaire à ce type d'oeuvre quasi mystique.
Bénéficiant d'une mise en scène efficace, des beaux décors naturels d'Almeria et d'une partition musicale signée Nico Fidenco et Ennio Morricone composée essentiellement de mélodies espagnoles agrémentées de quelques chants grégoriens, Johnny le bâtard n'en est pas moins un western atypique, une oeuvre mystique aux limites du fantastique trouble et troublante, une allégorie certes bizarre mais passionnante qu'on suivra avec un plaisir non dissimulé malgré ses quelques défauts. Voilà qui renouvelait avec bonheur un genre trop souvent routinier. Aujourd'hui rare, uniquement disponible en vidéo le plus souvent fort médiocres, Johnny le bâtard est au fil du temps devenu culte pour bon nombre d'amateurs en quête de Graal.
On y retrouvera John Richardson, excellent dans la peau de John, dont le regard intense témoigne de cette haine qui chaque jour l'alimente un peu plus. A ses cotés, Claudio Camaso Volonte incarne un frère odieux tandis que la toujours aussi superbeMartine Beswick, tout en retenue, se glisse dans les robes de la malchanceuse Dona Antonia. Comment ne pas citer également Gordon Mitchell plus inquiétant que jamais, absolument parfait dans le rôle du Messager du destin, ce cavalier noir qui trace John comme une ombre malfaisante avant qu'il ne fasse s'abattre sur lui la sanction divine.