La prima volta sull'erba
Autres titres: Danza d'amore sotto gli olmi / Love under the elms / The first time on grass
Réal: Gianluigi Calderone
Année: 1975
Origine: Italie
Genre: Drame / Teensploitation
Durée: 90mn
Acteurs: Anne Heywood, Mark Lester, Claudio Cassinelli, Monica Guerritore, Giovanna Di Bernardo, Bruno Zanin, Vincenzo Ferro, Janine Samona, Anna Waidmann, Giuseppe Winkler, Lorenzo Piani...
Résumé: Lotte, 17 ans, revient au village de son enfance. Elle y retrouve sa mère célibataire. Franz, 16 ans, fils d'un professeur également célibataire, y passe ses vacances. Les deux adolescents ne tardent pas à faire connaissance puis à se plaire. Leurs parents respectifs ne sont pas indifférents l'un à l'autre d'autant plus qu'ils partagent les mêmes idées sur la sexualité, une conception très libres des rapports charnels. Lorsqu'ils s'aperçoivent que leurs enfants s'apprécient ils vont les pousser à sortir ensemble et faire l'amour en prenant bien soin d'observer leurs ébats...
Si Gianluigi Calderone a passé le plus clair de sa carrière à travailler pour la télévision il nous a tout de même offert deux films assez mémorables non pas pour leurs qualités artistiques mais pour l'aura de scandale dont ils sont tout auréolés. Il s'agit en effet de deux teensploitation à prétentions auteurisantes mais dont on retiendra surtout et avant tout le coté joliment voyeur. Appassionata / Les passionnées contait les aventures de deux adolescentes prêtes à tout (Ornella Muti et Eleonora Giorgi) pour séduire leurs pères respectifs et La prima volta sull'erba dont le titre résume très bien le contenu, deux
adolescents qui vont vivre leur première fois, leur découverte du sexe sous les yeux de leurs parents qui eux mêmes font l'amour devant eux.
Début du dix-neuvième siècle. Lotte, 17 ans, passe ses vacances dans les Alpes, à la montagne, chez sa mère Margherita, célibataire depuis la mort de son époux. L'adolescente retrouve les lieux de son enfance et ses amis dont Hella, une jeune fille de son âge et Johann, un garçon bègue et timide. Hans, un professeur également célibataire a emmené Franz son fils de 16 ans en vacances dans le village où résident Lotte et sa mère. Lotte et Franz font rapidement connaissance d'autant plus que leurs parents respectifs s'entendent
très bien. Hans et Margherita partagent en effet les mêmes idées quant à savoir comment élever ses enfants, une idéologie basée sur une éducation très libre et sans tabou sur le plan sexuel. Alors que Hans et Margherita découvrent leurs points communs et commencent à se plaire leurs enfants sont plus timides mais il est évident aux yeux de tous qu'ils se plaisent au désespoir de Johann qui rêve de perdre sa virginité au creux des bras de Lotte. Puisque Lotte et Franz n'osent pas franchir le pas ce sont leurs parents qui vont les jeter dans les bras l'un de l'autre espérant bien qu'ils fassent l'amour, but de l'idée. Mais tout deux hésitent, se querellent et finissent par se fâcher. Franz décide même de s'en aller. Apprenant
sa décision Lotte le rejoint à temps, prête à se donner à lui. Au même instant Hans et Margherita, amoureux, prennent finalement la décision de coucher ensemble. A partir de cet instant tout va se compliquer pour les deux couples. Les deux adolescents vivent mal le fait que leurs parents respectifs couchent ensemble mais ils vivent encore plus mal l'idée de faire l'amour devant eux, tout aussi mal d'être témoins des ébats de ces mêmes parents. Leurs idées très libres sur la sexualité les indisposent. Pour Margherita un couple n'est que l'amour qui prend forme humaine, pour Hans ce n'est que de la chair, des corps. Entre temps Hella s'est enfouie de chez elle afin de vivre sa vie loin des idées rétrogrades de sa famille.
Voilà un bien curieux film dont le scénario sulfureux laisse par moment perplexe. Bien des films à l'érotisme souvent morbide ont mis en avant la sexualité adolescente voire pré-adolescente, n'ayant pas peur de l'illustrer afin de satisfaire les pulsions voyeuristes d'un spectateur avide de sensationnel et de juvénilité en pleine effervescence. Le point de non retour fut certainement atteint en 1977 avec le fabuleux et inégaléLa maladolescenza de Pier Giuseppe Murgia dont La prima volta sull'erba pourrait d'une certaine manière être l'ancêtre. Pour son décor déjà. Le film de Murgia se déroulait dans la campagne de la très permissive Autriche. Celui de Calderone se situe quelque part dans les Alpes, certainement
le Tyrol. Les adolescents de Calderone sont certes plus vieux (16 et 17 ans contre 12, 14 et 17 pour ceux de Murgia) mais la situation est sensiblement identique même si le discours change et s'avère même ici bien plus ambigu. La maladolescenza décrivait l'éveil de la sexualité pré-adolescente, sa cruauté, sa perversité, l'éveil des sens et du corps, le passage traumatique de l'enfance à l'adolescence puis à l'âge adulte avec sa dose de perversité. Fable à la limite par instant du porno-soft elle brillait par l'absence de tout adulte. Ce sont les enfants qui jouaient à l'adulte dans un lieu isolé. Calderone change la donne. On a bel et bien un couple d'adolescents en proie aux turpitudes du sexe mais les adultes sont
omniprésents et ce sont eux qui cette fois vont guider les pulsions de leurs progénitures jusqu'à jouer les voyeurs / exhibitionnistes. Drôle de discours que celui de ce metteur en scène d'autant plus drôle et surtout étonnant que son intrigue n'est guère imprégnée de psychologie. Il prône évidemment une totale liberté sexuelle ainsi que celle des corps à travers ces parents qui jettent leur enfant dans les bras l'un de l'autre, les forcent à avoir des relations sexuelles puisqu'il n'y a rien de plus naturel et de beau que l'amour tout en espionnant sans honte leurs ébats. Quoi de plus magnifique que ces corps nu enlacés qui s'unissent. Pour le père ce ne sont que des corps, de la simple chair. Pour la mère c'est la
beauté de l'amour. C'est toujours dans cette même optique qu'ils n'ont pas honte d'être également vus au lit par leurs chérubins. Mais une telle liberté n'entraine t-elle pas obligatoirement à l'échec, pire à l'explosion des couples puis à la haine?
Bien entendu le film puise ses thèmes dans les courants de pensée très libertaires et permissifs des années 70 dont il se veut le reflet tout en mettant en avant le conditionnement et les rapports parents-enfants. Après Appassionata Calderone a de nouveau des ambitions d'auteur, des prétentions artistiques, mais il a oublié deux éléments indispensables: la psychologie et l'intelligence du propos. L'analyse tombe donc rapidement à l'eau. Bien difficile de croire à cette histoire dont les personnages ont si peu de profondeur qu'ils semblent sortis d'un joli roman-photo à l'eau de rose évoluant dans un décor à la Heidi. Mais le plus embêtant ce sont surtout les dialogues totalement artificiels qui par instant atteignent des sommets d'absurdité. Difficile de ne pas pouffer mais difficile aussi d'accrocher à l'intrigue souvent ennuyante. Reste un joli roman tyrolien en costumes dont on retient surtout le coté trash et voyeur. La prima volta sull'erba n'est au final qu'une jolie pellicule d'exploitation dont on oublie assez vite l'approche étrange du sujet pour attendre une seule chose: les scènes de nu juvénile. Il faudra patienter pour cela jusqu'à la moitié du
métrage, moment où nos deux tourtereaux se dévêtissent enfin et se donnent l'un à l'autre en pleine nature notamment près d'une belle cascade. Calderone reste cependant pudique et préfère l'esthétique à l'obscène. On reste dans un contexte très artistique avec ces beaux tableaux bucoliques splendidement mis en valeur par la photographie de Marcello Gatti. De promenades en barques en balades dans les vertes prairies du sud du Tyrol, des cascades auprès desquelles nos louveteaux se donnent aux excursions champêtres en costumes d'époque au son des envolées musicales romantico-florales de Fiorenzo Carpi.
L'interprétation n'a rien de véritablement étincelant. Anne Heywood alors dans sa période italienne (La religieuse de Monza, Les religieuses du Saint Archange, L'assassin est au téléphone, Un' ombra nell'ombra) fait convenablement son travail en grande professionnelle qu'elle est sans pour autant sembler très inspirée. Claudio Cassinelli est malheureusement le point faible du film, totalement en dehors de son personnage qu'il rend parfaitement ridicule, jamais crédible, en déclamant des dialogues d'un vide quasi cosmique. L'intérêt provient bien entendu des deux adolescents. Monica Guerritore, 17 ans, dont c'était le premier véritable rôle à l'écran après une apparition dans Péché véniel, sera dans les années 80 une des stars de l'érotisme de luxe (Les plaisirs interdits,
Scandaleuse Gilda, Evil senses, La lupa...) avant de s'assagir dés le début des années 2000. Monica, ornée d'un très léger duvet soulignant sa lèvre supérieure (ah la puberté!), est ici assez quelconque. Certes elle est belle, photogénique, joue plutôt juste, se déshabille déjà avec savoir-faire mais elle manque un peu de candeur, d'innocence, peut être déjà un peu trop mature pour ce rôle. C'est l'anglais Mark Lester, 16 ans, qui interprète Franz. Le cas du jeune Mark est assez surprenant. Enfant star dans l'Angleterre des années 60 il connait le succès international grâce à deux films, Chaque soir à neuf heures et Qui a tué
tante Roo? puis avec son interprétation de Oliver Twist. Après quelques pellicules familiales à l'eau de rose à qui son visage d'ange franchement énervant sied à merveille Mark s'installe un temps en Italie où il va tourner une poignée de films à l'opposé de tout ce qu'il a pu faire auparavant. Il est l'adolescent diabolique et incestueux de L'enfant de la nuit / La tua presenza nuda. Il enchaine avec l'ultra violent Senza ragione / Le salopard où il n'a pas peur de jouer nu puis La prima volta sull'erba où cette fois sa nudité explose l'écran lors des scènes d'amour avec Monica même si avouons-le leur couple n'est pas vraiment crédible.
D'osmose il n'y en a pas réellement. Après cet ultime éclat trashouille Mark se calmera et retournera à ce qu'il sait le mieux jouer: des comédies familiales avant de mettre un terme à sa carrière à tout juste 20 ans.
Représentatif d'un certain cinéma italien typique des années 70 La prima volta sull'erba sous couvert d'oeuvre auteurisante n'est en fait qu'un joli petit teensploitation bien inoffensif, une fois passé la découverte du propos qui pourra choquer les plus moralistes (mais qui se soucie de leur avis?). Calderone signe un joli tableau alpin tout en costumes sur fond d'éveil
sexuel et d'amours adolescentes dont on retiendra surtout les nus juvéniles des deux principaux protagonistes encore mineurs, certains dialogues très drôles car improbables dans ce contexte ("Baisse ton pantalon je veux te voir tout nu") et la curiosité de voir où le metteur en scène va nous emmener avec ce scénario plutôt singulier. Pas bien loin mais le coté voyeur et les belles images l'emportent finalement sur le reste.
Le film connut une première sortie en Italie sous le titre Danza d'amore sotto gli olmi avant d'être retiré de l'affiche pour ressortir quelques temps plus tard sous le titre La prima volta sull'erba.