Fotografando Patrizia
Autres titres: Plaisirs interdits / The dark side of love
Real: Salvatore Samperi
Année: 1984
Origine: Italie
Genre: Drame érotique
Durée: 90mn
Acteurs: Monica Guerritore, Lorenzo Lena, Gianfranco Manfredi, Gilla Novak, Saverio Vallone, Raffaele Fornaro, Emanuele Fornaro, Andrea Trevisan, Matteo Briga...
Résumé: A la mort de la gouvernante de son frère Emilio, un adolescent introverti, hypocondriaque, pornophile et adepte de la masturbation, Patrizia quitte Venise pour s'occuper de lui. Elle tente dans un premier temps de changer ses habitudes pour le sociabiliser. Elle lui présente même une jolie jeune fille mais la tentative est vaine. Lentement la relation entre Patrizia et Emilio prend une tournure plus morbide. L'amour fraternel se transforme en quelque chose de plus ambigu. Emilio est amoureux de sa soeur et celle ci réalise qu'elle éprouve également des sentiments coupables envers lui. Afin d'échapper à cette tourmente elle se marie mais elle ne peut plus réfréner ses désirs incestueux...
Grand habitué des drames bourgeois sulfureux, d'histoires scandaleuses sur fond de relations interdites on doit à Salvatore Samperi quelques uns des films les plus marquants du cinéma italien des années 70 dont les incontournables Grazie zia / Merci ma tante et Malizia, deux titres qui donnèrent naissance à tout un courant cinématographique spécialisé dans ce type de récit. Cuore di mamma, Scandalo, Péché véniel, Ernesto (et son approche de l'homosexualité) sans oublier Nenè avec lequel il repoussait un peu plus encore ses ultimes limites autant de titres qui firent du metteur en scène un des grands spécialistes de
l'érotisme équivoque avant d'entamer dés le début des années 80 une longue crise créative dont il ne parvint pas à sortir. Fotografando Patrizia appartient à cette période creuse qui dans un certain sens il représente parfaitement.
Suite à l'annonce de la mort de la gouvernante qui s'occupait de son jeune frère Emilio, Patrizia jeune et séduisante styliste en vogue à Venise quitte son existence dorée pour retourner à la demeure familiale afin de s'occuper de l'adolescent. Emilio, fragile et hypocondriaque, se complait à vivre en reclus. Adepte des plaisirs solitaires il passe son temps à visionner des films pornographiques et à lire des romans pour adultes. Il fuit le
soleil et les gens mais il aime espionner une voisine et se fait donner des cours particuliers à domicile. Patrizia, qui aime s'exhiber, tente alors de modifier ses habitudes, de le faire sortir. Elle lui présente même une fille, ne rencontre qui se termine mal. Peu à peu la relation entre le frère et la soeur change. Emilio aime espionner Patrizia, jaloux de ses rencontres amoureuses. La tendresse, l'amour fraternel se transforment doucement en quelque chose de plus morbide et ambigu auquel ni l'un ni l'autre ne peut échapper. Patrizia s'en défend dans un premier temps mais elle s'aperçoit vite que ce qu'elle ressent pour son frère l'empêche de vivre sa vie amoureuse avec d'autres hommes. Si un temps Patrizia trouve
refuge dans le mariage avec un photographe, Arrigo, Patrizia ne peut passer outre la passion des sentiments de l'adolescent. Elle s'enfuit et trouve refuge auprès d'Emilio. Le frère et la soeur font l'amour.
Avec Fotografando Patrizia Samperi essaie de renouer avec les grand thèmes qui firent autrefois sa réputation, les relations amoureuses entre adultes et adolescents et l'inceste. Fort de Malizia et Grazie zia il tente bien que mal de revenir sur leurs pas mais le réalisateur (qui s'autoréférencie lors d'une scène où Emilio visionne Malizia) a semble t-il épuisé sa
veine créative. Le résultat s'effondre assez vite laissant place à une pellicule sobre, inoffensive mais surtout et avant tout dénuée de toute force dramatique. Tant l'intrigue que le titre français laissaient sous entendre une oeuvre morbide, tragique dans laquelle se débattent des personnages à la personnalité déviante. Faute à une mise en scène d'une extrême platitude, une interprétation trop transparente et l'absence de toute intensité dramatique ces Plaisirs interdits ressemble en quelques minutes à un long roman-photo papier glacé semblable à bon nombre de films et téléfilms érotiques destinés au câble et aux chaines nocturnes. Samperi a un sens de l'esthétisme indubitable. La photographie ultra
léchée est tout bonnement magnifique à l'image même des décors tant intérieurs qu'extérieurs, clinquants, flamboyants, superbes. Les jeux de miroirs, de lumières, les couleurs aux tons dorés sont autant d'éléments qui viennent flatter l'oeil. Malheureusement le scénario se dilue dans ce visuel haut de gamme. Trop peu fouillé au vu de la complexité des personnages, trop disparate et peu homogène le récit perd vite de son intérêt pour laisser place à une simple pellicule érotique bourgeoise où là encore l'érotisme reste bien tiède peu aidé par une partition musicale bas de gamme inappropriée aux sonorités jazzy, lounge.
Plaisirs interdits risque ainsi de décevoir ceux qui s'attendaient à un film "rince-l'oeil". Certes
il y a beaucoup de lingerie,une bonne dose de nudité mais elle demeure la plupart du temps pudique puisque l'érotisme est bien plus parlé, suggéré que montré malgré quelques scènes assez réussies qui le temps de quelques minutes parviennent à émoustiller nos sens. On retiendra plus spécialement la scène finale, très belle, où après avoir fait l'amour, le frère et la soeur se lovent l'un contre l'autre en position foetale. Cela est malheureusement trop peu pour sauver l'ensemble de son innocuité d'autant plus que l'aspect incestueux du récit manque sincèrement de profondeur. Si Emilio et Patrizia n'avaient pas été frère et soeur cela n'aurait finalement rien changé à l'histoire.
L'interprétation peu incisive manque tout autant de densité. Monica Guerritore version cheveux courts, ex-starlette promue un temps star de l'érotisme clinquant, est belle, désinhibée, défile en lingerie fine et se met nue facilement mais son jeu manque de profondeur. Le jeune Lorenzo Lena, acteur fétiche du metteur en scène qu'on reverra dans La bonne et surtout Il sapore del grano, un des rares films gays italiens de cette époque, est fort mignon, si troublant en érection lorsque Monica caresse son caleçon mais son jeu manque lui aussi de densité pour vraiment marquer le film de sa griffe. Reste Gilla Novak, ex-modèle et star de la télévision italienne, qui le temps d'une petite séance sadomasochiste où elle
mime une fellation sur une canne nous offre un plan assez furtif de son intimité.
Au final Fotografando Patrizia est une déception, mais une belle déception puisqu'on retiendra surtout du film sa splendide esthétique à la Tinto Brass, l'aspect voyeur et sulfureux en moins. Peu convaincant ces Plaisirs interdits charmeront surtout l'oeil su spectateur et satisferont les amateurs d'un certain érotisme de luxe mais le film en lui même est un échec dans ce qu'il voulait proposer.
L'année suivante Samperi récidivera de manière tout aussi vaine avec La bonne avant un
ultime et désespéré sursaut pour relancer sa carrière en chute libre en tentant de donner une suite à Malizia intitulée Malizia 2000. Non seulement le film marquera la fin dans tous les sens du terme de Laura Antonelli, défigurée à vie par une intervention de chirurgie esthétique exigée par le metteur en scène mais l'échec de cette séquelle et le procédure juridique lancée par Laura Antonelli contre Samperi signeront la déchéance du réalisateur.