Senza ragione
Autres titres: Le salopard / Sans pitié / Alias redneck / Redneck / Squadra volante... uccideteli senza ragione
Réal: Silvio Narizzano
Année: 1973
Origine: Italie / USA
Genre: Polar
Durée: 88mn
Acteurs: Franco Nero, Telly Savalas, Mark Lester, Ely Galleani, Duilio Del Prete, Maria Michi, Beatrice Clary, Bruno Boschetti, Aldo De Carellis, Tom Duggan, Giuseppe Mattei, Antonio Paris, Britta Barnes, Daniela Barnes, Michael Barnes...
Résumé: Deux bandits font un hold-up raté dans un bijouterie. Ils fuient à bord d'une voiture volée ignorant qu'un adolescent d'une douzaine d'années est caché à l'arrière. Ils le prennent en otage. Commence alors une longue traque durant laquelle les deux malfrats complètement fous sèment la mort. C'est alors que l'enfant développe une forme de fascination pour ses ravisseurs...
Italien d'origine américaine Silvio Narizzano s'est essentiellement fait connaitre à la télévision en signant de nombreux épisodes d'une multitude de séries durant près de quatre décennies. Au cinéma il fut assistant réalisateur pour notamment Sidney Furie, Ted Kotcheff et Arthur Hiller. Il s'est également retrouvé derrière la caméra le temps de réaliser une petite poignée de films dés la fin des années 60, des pellicules aujourd'hui oubliées, bien peu marquantes, d'où émergent cependant une production Hammer plutôt étonnante et fort plaisante, Fanatic / Die! Die! My darling, et Senza ragione, une coproduction italo-américaine assez étonnante non pas pour ses qualités mais d'une part pour son étonnante violence, d'autre part pour son absurdité poussée par instant à l'excès.
Dino Bianco, un gigolo et maquereau italien surnommé Moustique et un criminel américain sans foi ni loi nommé Memphis font un hold-up dans une bijouterie. Malheureusement pour eux celui tourne mal. Ils parviennent à fuir avec leur complice Maria, une jeune putain. Pris en chasse par la police ils ont un accident en pleine ville. Ils réussissent à s'échapper à bord d'un autre véhicule mais ils ignorent qu'un adolescent d'une douzaine d'années était à bord. Paniqué il s'était caché sous une couverture à l'arrière de la voiture. Ils le découvrent alors qu'ils font le plein. L'adolescent, Lennox Duncan, est le fils d'un politicien connu qui travaille
pour l'ambassade d'Angleterre. Les hors-la-loi décident de le garder avec eux. Après avoir dû abandonner la voiture, ils sont obligés de continuer leur fuite à pied. Memphis espère ainsi passer la frontière française. Plus le temps passe plus Memphis perd le contrôle, moins il parvient à contenir ses pulsions sadiques, tuant sans raison tout ceux qui croisent son chemin, Maria comprise. Il commence même à douter de Moustique, persuadé qu'il veut le doubler. A bout de force Moustique et l'enfant abandonnent Memphis et trouvent refuge chez une vieille aristocrate excentrique qui s'occupe d'eux. Moustique profite de l'occasion pour coucher avec elle. Memphis les retrouve. Ils reprennent leur route, la police toujours à leur
trousse. Ils tombent sur une famille d'allemands qui campe. Memphis les massacre mais dans sa folie il se blesse grièvement. Incapable désormais d'avancer Moustique va devoir le tirer en luge. L'adolescent quant à lui développe doucement un syndrome de Stockholm, de plus en plus fasciné par le sang et la mort. Il ne souhaite plus rentrer chez lui mais souhaite rester avec ses ravisseurs. Alors qu'il sont proche de la frontière la police les met en joue et abat les deux truands. Lennox reste seul, hagard, hypnotisé par la revolver de Memphis.
Bien plus explicite que le titre français passe-partout (Le salopard) et son titre américain bien stupide (Redneck) le titre italien (Senza ragione littéralement Sans raison) résume
parfaitement bien le film de Narizzano. Tuer, massacrer gratuitement, sans raison si ce n'est celle d'une enfance malheureuse traumatisante qui resurgit chez Memphis même si rien n'est expliqué, creusé, détaillé. Ce n'est qu'un simple prétexte pour aligner 90 minutes durant des scènes de violence d'une brutalité inouïe tout en soulevant des thèmes qui ne sont jamais traités, nouveaux prétextes pour encore plus d'hystérie. Mieux que "Sans raison" c'est Sans queue ni tête que le film aurait du s'appeler.
Coproduction italo-américaine Le salopard mélange plusieurs genres alors à la mode, le polizesco, le noir, le road-movies, un soupçon de Bonnie and Clyde et de Chiens enragés de
Mario Bava, pour mieux dénoncer la violence gratuite et stupide de notre société mais en fait le film en fait l'apologie. Première contradiction d'une pellicule qui part tout azimut pour mieux se noyer dans un océan d'absurdité. Des deux truands ne nous sauront jamais rien. Difficile donc de les aimer ou les détester, de les comprendre, de leur trouver des excuses d'autant plus que Narizzano ne fait preuve d'aucune psychologie. Il nous dessine deux malfrats à gros coups de crayon gras, deux esquisses nauséabondes en totale roue libre tant à l'écran que face à la caméra du metteur en scène. En fait sa seule préoccupation est d'aligner le maximum de scènes de violence plus trash les unes que les autres, et ce dés les premières
minutes. Rien ne l'arrête. Aucune morale. Il veut semble t-il exploser toutes les limites. Le film s'ombre ainsi sur hold-up raté et la mort du bijoutier criblé de balles (sans raison, juste pour l'amusement), une course-poursuite en voiture dans la ville qui compte parmi les plus spectaculaires du cinéma italien durant laquelle Narizzano se permet d'exploser un cercueil dans un cortège funèbre . Il tue à bout pourtant un enfant (une scène impensable aujourd'hui), un petit pâtre témoin de leur fuite, il enlève la vie à une famille allemande (les parents et les deux jeunes enfants) en les noyant dans leur roulotte (ça fait beaucoup d'enfants en moins sur la planète en quelques 30 minutes. Soulagement!), Maria est jetée à
travers le pare-brise sans parler du calvaire que Memphis fait subir à l'enfant et Moustique. Dans sa folie Memphis se blesse lui même, se détruit les testicules et se perfore l'intestin. On nage en plein délire. Aucune situation n'est crédible mais au moins on se complait dans l'ultra violence. Malheureusement celle ci devient presque risible tant elle est poussée à l'extrême peu aidée par des dialogues grossiers d'une rare stupidité par instant, une palme d'honneur à Memphis que très vite on rêve de ne plus entendre, on prie pour qu'il taise d'autant plus que le jeu du pauvre Telly Savalas est poussé à l'excès. Jamais l'acteur à la célèbre calvitie n'a été aussi mauvais, aussi peu crédible, aussi exaspérant, comme livré à
lui même. Son rôle est d'autant plus énervant que Savalas est très mal doublé en italien. Un vrai calvaire.
Puis arrive une partie qui se voudrait plus "psychologique" lorsque l'adolescent déclare être fasciné par les deux truands. On ne s'y attendait pas, rien ne laissait présager ce retournement de situation mais pourquoi pas. Délaissé par ses parents (ah ces bourgeois!) qui semblent ne pas vraiment le connaitre (ils sont incapables de donner le moindre signe distinctif à la police), las de vivre seul dans sa cage de verre, à l'abri de tout, il a en lui une forme de violence latente qui ne demande qu'à exploser. Moustique devient pour lui une sorte de figure paternelle à qui il essaie de ressembler (la scène assez absurde là encore où nu, il
compare son sexe à celui de Moustique). Il n'est autre que le reflet de Memphis enfant malgré des milieux sociaux différents. Pour justifier sa soudaine fascination l'enfant ne trouve pas mieux que d'expliquer le plaisir pris à avoir vu exploser un chat qui se remplissait d'eau en le comparant à celui pris face à la mort de la famille allemande. Tout cela est bien intéressant mais ainsi jeté en pâture à vingt minutes du final on peine à y croire et laissé à l'état embryonnaire l'idée s'effondre d'elle même. Elle justifiera juste les ultimes images, bien glauques, l'enfant hagard manipulant le révolver de Memphis. Le mal ne meurt jamais.
Ajoutant à cela un lieu d'action jamais vraiment identifié. Où sommes nous? Mystère! En
Italie? En Suisse? On sait juste que nos voyous veulent passer la frontière française mais là encore Narizzano se met le doigt dans l'oeil. Hilarante est la séquence où un bus italien rempli d'italiens croise un autre bus italien dont les occupants tout aussi italiens entonnent l'hymne national... français!. Rien n'est très cohérent encore moins la traque de quelques pauvres carabiniers menés par le capitaine Lenzi. Tout est surréaliste comme l'accueil de la vieille aristocrate qui accepte de les aider et avec qui Moustique couchera (!). Un zeste de gérontophilie pour gigolo pour une parenthèse mélodramatique plutôt invraisemblable censée amener l'explication au syndrome de Stockholm que développe l'enfant.
L'interprétation est à l'image du film: totalement débridée. Aux cotés de Telly Savalas qui trouve ici son plus mauvais rôle Franco Nero fait ce qu'il peut avec le professionnalisme qu'on lui connait mais sa prestation reste vaine. Le pauvre s'égosille pour grand chose et n'évite pas le ridicule. Le tandem ne fonctionne à aucun moment mais on n'aura jamais autant vu Nero nu (ou en slip) puisqu'il nous offre plusieurs plans de nudité dorsale et même frontale. Ely Galleani (Maria) est belle mais ça s'arrête là. Demeure le jeune anglais Mark Lester qui a 15 ans avait déjà une longue et étrange carrière derrière lui. Après avoir débuté très jeune à la télévision il gagne en popularité avec les morbides Chaque soir à 9 heures et
Qui a tué tante Roo? deux classiques du thriller d'épouvante à l'anglaise. Il est par la suite Oliver Twist et le héros des aventures du cheval Black Beauty puis Mark va enchainer les films en Italie dans des rôles de plus en plus subversifs: La tua presenza nuda (il est un enfant incestueux et meurtrier) jusqu'à La prima volta sull'erba, un teensploitation curieux qu'on pourrait voir comme un pré-Maladolescenza en costumes ou quand Heidi et son petit copain ne pensent qu'à la leur première fois. Mark est ici Lennox et confirme son penchant pour les personnages malsains et nous gratifie même d'un joli nu juvénile. L'adolescent joue plutôt bien même s'il a une tête toujours aussi peu attirante. Il parvient même à être plus
posé que Nero et Savalas mais l'effort est là encore vain. Pour l'anecdote l'amateur remarquera au générique le nom de la petite Daniela Barnes, véritable nom de la scandaleuse future lolita Lara Wendel entourée ici de ses parents et de son frère (ce sont eux la famille allemande)
Beaucoup trop superficiel pour fonctionner, dénué de toute psychologie pour être réellement crédible, trop excessif pour ne pas rapidement devenir risible malgré lui, souffrant d'une mise en scène médiocre en roue libre et d'une interprétation à la limite de la caricature pénalisée de surcroit par un mauvais doublage italien et une partition musicale plus adaptée à une comédie Senza ragione ne trouvera sa raison d'être que dans le tourbillon de folie et de violence gratuite qu'il sème autour de lui durant 90 minutes non stop. A ce niveau le film plaira aux amateurs de brutalités explosives, de scènes gore, d'hystérie furieuse, de complaisance et de nus. Le film ne trouvera aucune grâce auprès des autres.