Massimo Farinelli: le contestataire
Interprète de quelques films pour la plupart aujourd'hui oubliés ou difficilement visibles s'inscrivant dans le filon d'un certain cinéma contestataire post soixante-huitard ce jeune et séduisant acteur trop vite disparu des écrans préféra mettre son talent au service d'autres formes artistiques. Impossible de ne pas remarquer ce grand brun taciturne aux allures de latin lover dont le nom et le visage devraient évoquer bien peu de choses à un spectateur lambda mais bien difficile de trouver aujourd'hui quelques informations sur lui. Il faut donc consciencieusement fouiller les archives de la presse italienne d'époque, gratter, dépoussiérer les magazines télé pour enfin découvrir quelques pistes qui nous mettent sur sa trace et nous permettent de reconstituer le parcours du plus que charmant Massimo Farinelli.
C'est au printemps 1968 à tout juste dix huit ans que Massimo fait ses grands débuts devant la caméra en intégrant la distribution de ce qu'on peut aujourd'hui considérer comme la mère des sitcom, la très populaire série La famiglia Benvenuti mise en scène par Alfredo Gianetti. Composée de deux saisons, la première en noir et blanc (1968), la seconde en couleur (1969), soit en tout 13 épisodes, La famiglia Benvenuti met en scène une famille de la moyenne bourgeoisie italienne dont on suit les aventures tant familiales, sentimentales que sociales. Massimo y interprète Ghigo, le fils ainé de Enrico Maria Salerno, un adolescent
révolutionnaire type qui joue de la guitare, se rebelle et participe aux manifestations étudiantes avec l'accord de son père. Véritable succès en Italie la série qui vit débuter le petit Valerio Fioravanti (futur héros de Grazie nonna / Ah mon petit puceau plus tristement connu pour être un des terroristes néo fascistes responsables du massacre de la gare de Bologne en 1980) propulse Massimo nouveau jeune espoir masculin de cette fin de décennie. Son charme, son coté latin lover ténébreux enchantent les jeunes italiennes qui n'ont d'yeux que pour lui. Il n'est donc pas étonnant que le cinéma ne tarde pas à lui faire de l'oeil. Dans la foulée de ce triomphe télévisuel il tourne son premier long métrage la même année, un petit
délire juvénile bourgeois mâtiné d'action réalisé par Antonio Leonviola aujourd'hui totalement oublié et surtout difficilement visible intitulé Les jeunes tigres. Aux cotés d'un tout jeune Helmut Berger et d'un Ray Lovelock encore inconnu il est Sam, un des cinq tigres du titre, un milanais de dix-sept ans qui s'apprêtent à passer ses vacances avec ses amis à la campagne dans une villa où se déroule une fête mondaine entre jeunes. Suite à une partie de roulette russe une jeune fille meurt. Contre l'avis de ses camarades il dénonce cette mort à la police afin d'éviter d'être accusé de meurtre. Pour rompre leur ennui les cinq amis échafaudent ensuite un plan pour monter un hold-up en Suisse. A la télévision comme au
cinéma impossible de ne pas remarquer ce séduisant brun dont les talents d'acteur sont évidents rivalisant de charme aux cotés de ses partenaires dans cette obscure pellicule subtilement imprégnée d'un nuage d'homosexualité latente.
Après une courte apparition en soldat dans le film de guerre La bataille de El Alamein de Giorgio Ferroni Massimo obtient le rôle principal d'un drame bourgeois subversif contestataire post soixante-huitard qui jadis fit frémir la censure qui en taillada le final, La donna a una dimensione de Bruno Baratti. Massimo y joue le fils de Françoise Prévost, une bourgeoise divorcée, frustrée, reconvertie révolutionnaire qui va se libérer sur le plan sexuel
en se laissant aller à ses pulsions sadomasochistes. En découvrant la nouvelle vie de leur mère Massimo et sa soeur vont eux aussi se prendre à ce dangereux jeu tout en développant une relation quasi incestueuse avec elle. Pour son premier rôle en tant que protagoniste principal Massimo, taciturne, déchiré entre vice et vertu, tire son épingle du jeu haut la main. On ne peut que saluer une fois de plus la prestation de Massimo excellent dans la peau de ce fils dont la mère éveille en lui la face sombre de son âme. Il est ensuite au générique d'un intéressant drame mafieux signé Camillo Bazzoni, C'est la loi des siciliens / E venne i giorni dei limoni neri dans lequel il joue le fils de l'allemand Peter Carsten un gros bonnet de la Mafia qui a assassiné l'épouse de Antonio Sabato. Si ce n'est qu'un personnage de second
plan il tiendra néanmoins une place importante lors de l'ultime bobine lorsqu'il est kidnappé par un Sabato vengeur puis maltraité par Don Backy avant d'être libéré juste avant le carnage final.
Massimo va alors quitter un temps l'univers du cinéma de genre pour un cinéma plus classieux. En 1971 il donne la réplique à deux monstres sacrés du 7ème art Romy Schneider et Ugo Tognazzi dont il incarne le fils anarchiste dans le méconnu La califfa de Alberto Bevilacqua. Face à ces deux grands noms Massimo parvient sans mal à s'imposer le temps de quelques scènes seulement, son personnage disparaissant trop vite. On le retrouve la même année dans le thriller de René Clément La maison sous les arbres, une
plus que furtive apparition malheureusement. En fin de métrage Massimo est le jeune homme derrière le comptoir à qui Faye Dunaway demande le nom du bar dans lequel elle se trouve.
C'est en 1972 que le comédien tournera son ultime film, une pellicule où pour la deuxième fois de sa carrière cinématographique il tient un des rôles principaux. Il s'agit d'un drame contestataire poignant réalisé par le futur producteur Gianfranco Piccioli, Doppio a meta / Le ultime ore di una vergine, dans lequel Massimo a de nouveau pour partenaire Don Backy et Sydne Rome avec qui il a de jolies scènes d'amour. Barbu pour l'occasion, il incarne un photographe qui ne voit les choses qu'à travers ses clichés occultant ainsi la véritable vie et
ses tragédies dont la grossesse de sa petite amie et son dramatique avortement.
C'est ainsi que se clôture la courte mais talentueuse carrière de comédien de Massimo Farinelli qui durant quatre petites années sembla se spécialiser dans un certain cinéma contestataire. Si le jeune acteur disparut du grand comme du petit écran il ne quitta cependant pas le monde artistique. C'est dans un autre registre que Massimo va en effet officier, celui du roman-photo, un support très à la mode en Italie dans les années 70. Jusqu'au début des années 80 il va travailler pour quelques grands éditeurs dont la fameuse Lancio sans pour autant en devenir un des princes contrairement à certains de ses confrères. Il mettra alors un terme définitif à sa carrière. A partir de cet instant Massimo semble avoir disparu.
Même si Massimo s'est essentiellement cantonné à un certain cinéma d'exploitation il est cependant dommage qu'il est préféré mettre son talent et son charisme au service du roman-photo plutôt que du 7ème art dans lequel il avait su s'imposer. C'est ce talent que nous retiendrons ainsi que son irrésistible charme ténébreux.